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Le défi du samedi
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28 janvier 2012

Le gang des ombres (SklabeZ)

 

Pour les djeun’s de cette cité d’une ville bourgeoise de province, il n’y a pas grand-chose à faire et les distractions sont rares. Comme tous les soirs, Lola après avoir expédié son frugal dîner embrasse sa petite sœur et, sans un mot pour ses parents enfile son blouson et sort de l’appartement. Ses parents, rivés sur la télé ne lèvent même pas les yeux. Ils s’en foutent de leur aînée, leur « petite pute » comme l’appelle son géniteur. L’habitude !

 

Freddy l’attend en bas de la tour. Ils iront ensuite rejoindre le reste de la bande dans leur repère favori, une cave qu’ils se sont appropriés et qui leur sert de lieu de vie.

 

Après avoir explosé ce qui tenait lieu de serrure, ils l’ont meublée de bric et de broc, des vieux matelas, un divan éventré, trois chaises bancales et quelques caisses renversées en guise de table de salon.

 

Tout au fond du couloir du sous-sol, ils ne dérangent personne. Ils peuvent écouter, à donf, leurs musiques préférées, danser le hip hop, boire leurs bibines trafiquées et fumer quelques pétards. Ils sont bien ainsi et c’est comme ça qu’ils tuent le temps.

 

Cette cave se trouve dans la tour la plus ancienne de leur cité à cinq minutes de marche de chez elle. Lola ne peut s’y rendre seule. Bien qu’elle n’ait que quinze ans, elle serait, paraît-il, une fille de mœurs légères et dans les autres bandes du quartier,  nombreux sont ceux qui aimeraient lui donner une correction. C’est pour ça qu’elle se fait accompagner de Freddy. Tout le monde le respecte, lui. Il est grand et il est fort, dix-sept ans bien tassés. C’est le chef de la bande ! C’est le chef de la bande et il a des vues sur Lola qui est la seule fille du groupe.

 

Lola éprouve un peu de tendresse pour Freddy, mais sans plus. Et puis avec lui elle se sent en sécurité et elle ne risque rien. 

 

Aujourd’hui, Freddy n’est pas comme d’habitude. Il ne lui raconte pas ses embrouilles de la journée. Il ne dit rien, il n’a pas l’air dans son assiette. Lola se dit qu’il est peut-être encore vexé de ce qu’elle lui a fait la veille. Un peu trop shooté et trop entreprenant, elle l’avait repoussé sans ménagement, et devant les copains en plus !

 

Lola est la mascotte du groupe et elle aime bien voir les gars lui tourner autour, la draguer, elle n’hésite pas à les allumer, ça lui plait. Mais quand ça va trop loin, stop ! Elle n’est pas prête à franchir le rubicond.

 

Ils arrivent maintenant dans le passage du sous sol. Il n’y a plus de lumière depuis longtemps. Ils se dirigent à la lumière de leurs portables. Le couloir sent la pisse, ça ne dérange pas Lola. En marchant elle aime, comme à chaque fois, regarder la danse de son ombre sur les murs taggués et bombés. Son ombre légère projetée par la lueur de son portable. C’est d’ailleurs ce jeu d’ombres qui a donné son nom à la bande, « Le Gang des Ombres ». Ce jeu d’ombres c’est aussi le signe qu’elle va bientôt retrouver le reste du groupe.

 

Quand Freddy et Lola arrivent, les copains sont là. Ils ont déjà commencé à picoler et à fumer. Le radio CD portable, posé à même le sol braille un rap saccadé, rythmé de beats et de scratchs. La pièce est éclairée par quatre à cinq bougies posées ça et là et diffusant une lumière vacillante.

 

Lola s’installe à sa place, à l’extrémité du divan. Freddy ne la rejoint pas. Il a le regard livide.

 

Elle ne l’a jamais vu comme ça. D’un simple signe de tête, il donne comme un signal. Tout le groupe se précipite sur elle. Elle est violemment agrippée et tirée en arrière, une main ferme se plaque sur sa bouche pour l’empêcher de crier. Mais dans un sursaut elle se met à hurler à s’en déchirer les poumons. Elle n’a pas vu le coup venir mais elle comprend très bien ce qui lui arrive. Elle a osé résister à Freddy, voilà la punition, il la jette en pâture à sa bande, à son gang des ombres.

 

Totalement immobilisée, elle n’a plus de larmes, elle subit. La lumière des bougies projette les ombres de ses bourreaux sur les murs et le plafond. Ces ombres qui virevoltent et qui lui donnent le tournis. Elle s’évanouit.

 

Quand elle revient à elle, Lola ne s’attarde pas sur sa douleur, la douleur déchirante qu’elle ressent au plus profond d’elle-même. Tout est calme, il n’y a plus personne. Il fait sombre il ne reste plus qu’une seule bougie à la lumière chancelante. Lola, privée de son honneur et de sa virginité, se rajuste machinalement, avec le désespoir et ces ombres dansantes, comme seules compagnes.

 

Quand sa « petite pute » rentrera, son père lui balancera une paire de claques. L’habitude !

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Commentaires
S
"Les ombres dansent"<br /> <br /> Danse parfois légère, parfois lugubre et sinistre...<br /> <br /> Merci Lise.
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L
"les distractions sont rares"et les désirs sont grands..Alors " tout peut arriver"<br /> <br /> Tes mots traduisent bien l'engrenage de la violence quand "les ombres dansent". Merci
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S
Merci beaucoup, ton commentaire me fait plaisir.
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S
Je rejoins donc l'avis d'EVP !
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S
Pas de problème, le texte est réussi, il est très fort ! <br /> <br /> Ce qui dérange c'est l'horreur de la réalité qui le nourrit... !!!
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S
Terriblement et tristement réaliste en effet.<br /> <br /> Merci de ton compliment.
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S
Bien sûr que c'est un texte dérangeant et je redemande, à tous ceux qui se sont sentis agressés, de me pardonner.<br /> <br /> Mais ce que tu disais si bien chez Joye, même si ce n'est pas du tout pareil, peut s'appliquer ici aussi : "même si c'est horrible, il ne faut jamais enfouir ces horreurs, sinon elles se cachent dans l'ombre...Prêtes à resurgir !!"<br /> <br /> <br /> <br /> Merci encore EVP.
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S
Merci de ton gentil commentaire et merci de m'avoir compris. Ça me fait chaud au cœur.
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P
Terriblement réaliste... Et très bien servi par un style simple et sobre.
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E
Bien sûr que ton texte est "dérangeant", mais il est utile de secouer quelquefois pour nous rendre attentifs et toujours en alerte pour voir les choses en face !! Utile et beau texte même dans sa violence !!
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A
correction: l'humanité avec LAQUELLE tu le traites
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A
Bonjour SklabeZ. Tu as su dénoncer l'horreur et dans un style magistral, mais sans verser à aucun moment dans le voyeurisme. Tu as su en même temps faire fort dans le réalisme, mais dans une démarche parfaitement saine qui suggère plutôt que de se complaire dans le sordide. Cela n'est pas toujours le cas de certains films (ou livres) qui me dérangent profondément, car il y a hélas toujours des amateurs de sadisme pour ce genre de scènes, qu'il s'agisse d'individus prêts ou non à y prendre part, et c'est de toute façon toujours un abominable et sinistre fantasme. Je sens en toi une immense délicatesse au contraire, doublée d'une sensibilité qui te porte à sortir de l'ombre ces situations abjectes. Tout grand merci à toi pour le choix de ce sujet, et l'humanité avec lequel tu le traites.
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S
Merci katyL, c'était effectivement pour en montrer toute l'horreur.
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S
Merci Joye,<br /> <br /> <br /> <br /> Je comprends tes malaises et ton écœurement. Ça me fait exactement le même effet, au point de parfois tomber dans les pommes, sous les moqueries de mon entourage du moment.<br /> <br /> <br /> <br /> Je ne le prends ni mal, ni personnellement. Je voulais simplement apporter ces précisions afin qu'il n'y ait pas l'ombre d'un doute sur mes intentions.
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J
Au contraire, SklabeZ, tu as su évoquer de vives émotions. C'est la preuve que ton texte est réussi.<br /> <br /> <br /> <br /> N'empêche qu'il est vraiment difficile à lire - un peu impossible de séparer l'horreur qu'on ressent du texte qu'on lit si tu vois ce que je veux dire.<br /> <br /> <br /> <br /> Je vais t'avouer un truc : j'ai dû littéralement aller vomir au moins deux fois différentes en regardant des films où l'on montrait un viol, c'est viscéral, on réagit avec les tripes. J'essaie alors de les éviter, je ne peux vraiment pas les supporter.<br /> <br /> <br /> <br /> J'avais un peu le même sentiment quand je me suis rendu compte de ce qui allait arriver à ta protagoniste. Je voulais fuir, et je ne pouvais pas.<br /> <br /> <br /> <br /> Toutefois, il ne faut pas prendre ça mal ou personnellement.
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K
ton intention<br /> <br /> je ne suis nullement gênée et j'ai bien pensé que tu disais cette histoire de manière si réaliste pour en montrer toute l'horreur<br /> <br /> encore BRAVO pour ton récit<br /> <br /> amitiés<br /> <br /> katyL
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S
Merci à vous tous pour vos commentaires.<br /> <br /> <br /> <br /> Je sens comme une gêne. <br /> <br /> Ne vous méprenez pas.<br /> <br /> Je suis contre les violences, contre toutes les violences, contre les violences faites aux enfants et aux femmes.<br /> <br /> C'est mon combat ! Il me tient à cœur !<br /> <br /> Je ne suis pas de ceux qui gardent la tête dans le sable et qui ferment les yeux par confort ou par crainte d'être incommodés.<br /> <br /> Je pense, mais je peux me tromper, qu'il faut regarder la réalité en face. Je mets le doigt là où ça fait mal.<br /> <br /> Mon texte ne fait pas dans le voyeurisme.<br /> <br /> Son but était d'éveiller les consciences.<br /> <br /> <br /> <br /> J'ai voulu en faire un plaidoyer contre la banalisation de ce crime.<br /> <br /> <br /> <br /> Si vous ne le voyez pas comme ça c'est que j'ai raté quelque chose et je vous demande de pardonner ma maladresse.<br /> <br /> <br /> <br /> Sincèrement désolé pour la gêne occasionnée.
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T
C'est très bien écrit, mais je déteste toute forme de violence... et ton histoire est trop vraie.
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V
Radical comme conte de fée pour petite filles pas sages elles dorment le soir après un tel récit?,,,
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J
- Tu prends rendez-vous chez le dentiste, Joe Krapov ? Qu'est-ce qui t'arrive ?<br /> <br /> - Juste un plombage du samedi qui me fait souffrir !<br /> <br /> - Deux d'un coup, alors ???
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Z
terrible effectivement ...<br /> <br /> c'est le cran au dessus de ce que montrait le film "affreux sales et méchants".
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V
Tu ne nous épargnes rien, pas plus que le gang n'a épargné cette gamine... Terrible et noir!
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C
Très difficile, insoutenable pour les yeux d'une femme. Mais j'ai quand même lu jusqu'au bout.
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K
c'est comme cela que ça se passe! loin des bisounours , cette réalité est bien présente<br /> <br /> hélas et cete Lola croira qu'elle l'a mérité!! que son père avait raison, qu'elle est une petite pute!! puisqu'il lui dit sans cesse.. elle n'osera même pas se plaindre.. donc elle ne grossira pas les "stat " et ils diront :<br /> <br /> " nous avons fait baisser les chiffres de la délinquance"<br /> <br /> très beau texte et très scénarisé...<br /> <br /> bravo<br /> <br /> katyL
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V
J'ai eu une camarade au collège, dont les parents se sont "réveillés" à temps. Du jour au lendemain, ils ont disparu de la circulation, changé de ville, changé vie pour que ça ne lui arrive pas... Elle m'avait raconté son histoire.<br /> <br /> Tristes êtres dépourvus d'humanité.<br /> <br /> <br /> <br /> Un style sobre et efficace.<br /> <br /> Vanina
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W
Le pire, c'est que c'est vrai...
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R
on a beau deviner l'intrigue, tout le long j'ai espéré que cela ne tournerait pas au drame. mais c'est aussi la dure et cruelle réalité de la vie... bien loin du pays des bisounours!<br /> hélas ! que trop vrai.<br /> comme caro. je ne supporte pas cette violence matchiste,,, ni aucune autre d'ailleurs !<br /> <br /> <br /> le traval d'écriture est trés bien rendu.
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C
Je déteste les violences faites aux femmes.
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J
Quand j'ai lu "Bastard Out of Carolina", j'en voulais à l'auteure qui n'a pas épargné sa protagoniste du viol violent par son beau-père, l'avant-dernière scène du roman.<br /> <br /> <br /> <br /> Ton texte nous heurte, nous cogne, nous brûle, on le voit venir, on ne veut pas le voir, on détourne les yeux. Une femme sur trois sera violée cette année aux États-Unis. Il y a deux ans, c'était une de mes nièces, instit', jeune maman, dans sa propre maison au plein jour.<br /> <br /> <br /> <br /> Autrement dit, un sujet superbement difficile, et pas un que je saurais aborder, même en fiction.
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M
Belle écriture pour cette très sombre histoire menée de main de maître !!!
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J
Hein ? Sacré bleu ? D'où vient ce texte ?!?
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