7 janvier 2012
Transmutation subliminale (Anémone)
Allant de mal en pire, je me dirigeai vers les champs. J'y trouvai bien les mélampyres, ma quête n'était pas vaine. La houppe pourpre et fière, ils n'étaient vraiment pas du tout les mêmes que ceux des prés, nommés parfois Sarriette Jaune ou Millet des Bois (car plus qu'aux pâturages, ils sont fidèles aux clairières). Il me restait à dénicher celui des forêts - plus exactement de conifères - et, orné de ses violettes bractées, celui des bois. Je m'en fus un peu plus sereine dès que ce fut chose faite. Ma seule désolation fut de ne jamais découvrir celui à crête.
Ainsi armée de ma fraîche brassée d'orobanches, je me sentais légèrement plus calme, et surtout un peu moins triste de la perte soudaine de mon tant aimé lophobranche. Comment la vie avait-elle fait pour quitter tout à coup mon cher Hippocampe? Mon adoré cheval de mer aux nageoires rayonnantes! Comme talisman, pour le représenter, j'avais roulé ce matin en spirale serrée et à travers mes larmes un fil creux d'argent, tel une cannetille. Maintenant qu'il n'était plus là, il allait m'inspirer tous les plus beaux brocarts, toutes les broderies, dans les étoffes les plus précieuses et les plus nobles, tissées rien que pour lui. Pour lui rendre hommage je me couvrirais de baume d'opoponax, j'irais en Malaisie, en Guyane, en Nouvelle-Calédonie, et jusqu'à l'Ile Maurice, sur les traces de Paul dont je serais la Virginie. Là je cueillerais la Pomme d'Amour, la jamerose, le fruit vermeil du jambosier sauvage et cramoisi. Je ramènerais plusieurs plants de ces drupes juteuses et croquantes.
Des formes où j'aurai versé ma peine, par toutes ces ressources tranmuée, il sortira alors, les ayant plamottés, tels des pains de sucre, de nouveaux projets douillets à caresser. Certes je n'oublierai jamais mon adoré. Mais désormais je cesserai d'être un oiseau blessé. Je me lève et j'éventille. Sentant, et pour toujours, un doux battement d'ailes à mes côtés.
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