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Le défi du samedi
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24 décembre 2011

Sortie de crise (mystique) (Poupoune)

 
 
Je n’ai jamais tellement cherché à entretenir le mythe du Père Noël. C’est pas que l’idée de me donner du mal pour offrir à ma progéniture des cadeaux qui lui mettent des étoiles dans les yeux et la voir remercier un vieux barbu invisible me chagrine particulièrement – le rôle de parent est souvent ingrat – mais ma fille a tendance à faire un amalgame de croyances qui, lui, me gêne un peu plus. Pour elle, croire au Père Noël, à la petite souris, en Dieu et au fait qu’ouvrir un parapluie à l’intérieur porte malheur, ça va ensemble.
Les superstitions m’indiffèrent, le Père Noël et la petite souris me sont plutôt sympathiques, mais je suis moins à l’aise avec Dieu.
Alors quand une copine lui a dit que le Père Noël et la petite souris, c’était des craques, je n’ai pas essayé de rattraper le coup. Quant à Dieu, le simple fait qu’il n’apporte même pas de cadeaux a suffi à lui faire perdre toute crédibilité dans la foulée… Jusqu’à ce qu’une gamine, qui marchait à fond dans tous ces trucs, fasse de nouveau douter ma fille. Elle s’est remise à poser des questions sur le Père Noël et, pour en avoir le cœur net, a décidé de dormir au pied du sapin la nuit de Noël pour vérifier. Je m’en sortais plutôt bien : elle aurait pu vouloir faire la tournée des églises pour voir si le bon Dieu y était. Alors j’ai laissé faire… non pas pour qu’elle me surprenne en flagrant délit de distribution de cadeaux, mais parce qu’elle dort comme une souche et que le Père Noël pouvait bien venir avec ses rennes et tous ses lutins faire un feu de joie de notre sapin, elle ne se réveillerait de toute façon certainement pas.
De fait, elle n’a pas bronché quand j’ai fait ce que j’avais à faire au milieu de la nuit. Au matin, en découvrant la montagne de cadeaux à ses côtés, elle a déclarée, pas plus émue que ça :

- Bon, ben il existe pas… Il serait jamais venu en me voyant ici, hein…
 
Je n’ai pas parfaitement compris son raisonnement, mais ça m’allait bien. Exit Papa noël, la souris et le bon Dieu. On a pu tranquillement procéder à la distribution et à l’ouverture des paquets. Une fois le salon recouvert de papier cadeau déchiré, ma fille a montré un dernier gros paquet bien planqué sous le sapin. On s’est regardés les uns les autres, attendant que celui qui avait posé ce cadeau indique à qui il était destiné, mais comme personne ne se manifestait, ma fille est allée le prendre et s’est écriée :

- Oh ! Maman, c’est pour nous deux, regarde !

Effectivement, l’étiquette sur le paquet portait nos deux noms. J’interrogeais les autres du regard, mais aucun ne semblait savoir d’où venait ce cadeau et ma fille en avait déjà déchiré le papier et commençait à ouvrir la boîte.
J’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’une peluche posée sur du coton blanc. Ma fille l’a prise dans sa main :

- Beuh… il est un peu bizarre ce doudou…

Et pour cause : c’était un rat crevé. Je lui ai arraché des mains.

- Attention Maman ! C’est la petite souris !
- Quoi ?
- Ben oui, regarde…

C’était en effet une souris et elle portait, autour du cou, une petite dent de lait en pendentif. Je trouvais la blague d’un goût extrêmement douteux et c’est cette fois d’un regard mauvais que j’ai refait le tour des convives pour savoir qui en était l’auteur, mais tous semblaient aussi choqués et intrigués que moi. J’ai éloigné ma fille du paquet avant d’en sortir le coton blanc, mais en tirant, c’était plus lourd que ce à quoi je m’attendais et j’ai instantanément vomi quand j’ai compris qu’il s’agissait de cheveux et que le poids était celui de la grosse tête joufflue, barbue et sanguinolente qui pendait au bout.

- T’as tué le Père Noël ?!
- Elle a vomi sur le Père Noël !

Les mômes ont tous commencé à crier et pleurer en même temps, ce qui a eu le mérite de faire réagir les parents. J’ai reposé l’horrible relique et la souris dans la boîte pendant que les autres adultes consolaient et rassuraient les enfants. Sauf ma fille qui était restée près de moi.

- Bon, ben maintenant, c’est sûr, ils existent plus.

Elle est parfois étonnamment imperturbable. Je l’ai prise dans mes bras et au moment où j’allais dire qu’il fallait appeler la police, le ciel s’est couvert à une vitesse incroyable pour nous plonger dans une obscurité telle qu’on se serait presque crus au milieu de la nuit. On entendait gronder le tonnerre et une pluie de grêle d’une violence inouïe s’est abattue sur la maison. On s’est tous approchés des fenêtres, médusés par ce spectacle impressionnant autant que terrifiant d’une nature déchaînée. Le vent faisait tournoyer feuilles, branches, boîte aux lettres et j’ai même vu s’envoler un petit chat noir et la grêle fouettait les fenêtres à chaque rafale avec une telle force qu’on en a vite éloigné les enfants. Et puis les éclairs ont déchiré le ciel, éblouissants, et la foudre est tombée simultanément sur tous les arbres qui entouraient la maison, allumant un gigantesque incendie tout autour de nous. Le feu s’est immédiatement mis à gagner du terrain, se nourrissant du moindre brin d’herbe pour avancer vers nous. Le bruit était assourdissant, les enfants s’étaient remis à hurler et la moitié des adultes en faisait autant. Une bourrasque a arraché une bonne partie du toit et on a ouvert des parapluies dans une tentative illusoire de se protéger un peu.
Toujours aussi calme, ma fille a pris ma main et, le regard posé sur l’apocalypse dans le jardin, m’a expliqué :

- Ma copine, elle dit que l’orage c’est la colère de Dieu. Tu crois que c’est quoi, toi ?

Je ne savais plus trop quoi lui répondre. J’ai jeté un œil au paquet macabre, derrière le sapin que le vent avait couché au milieu du salon, et je me suis dit que finalement, il semblait nous en avoir fait un, de cadeau… même si pour le coup, les voies du Seigneur me sont restées totalement impénétrables.
J’ai regardé ma petite fille fascinée par la destruction du monde – de notre monde en tout cas – et j’ai suivi son regard quand elle a levé les yeux vers le ciel. Il y avait comme une projection lumineuse sur la masse compacte et noire des nuages bas, dans laquelle j’ai clairement vu, avant que les flammes ne commencent à ravager la maison, la forme d’un poing fermé, le majeur dressé vers moi, et j’ai su à cet instant sans le moindre doute qu’il s’agissait du doigt de Dieu.

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Commentaires
Z
une démolition magistrale menée les doigts dans le nez ! bravo et bonnes fêtes qd mm
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P
Etonnant ! Un conte qui tourne au cauchemar ...
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W
Quand elle tapote sur son clavier, Poupoune a le doigt donneur...
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J
Dies irae, dies Poupouna !
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V
http://blogs.mediapart.fr/edition/les-mains-dans-les-poches/article/090311/il-faut-collectionner-benchley<br /> <br /> Tu as le talent de benchley pour nous dire que tu n'aimes pas ces fêtes!!<br /> <br /> nous attendions ton retour !!
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C
J'étais à deux doigts d'y croire!
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J
Ah, oui, l'orage, c'était Dieu, tu sais bien que lorsqu'il y a des éclairs, Il nous prend en photo, c'est le flash de son appareil !<br /> <br /> Tout plein d'Évangiles ici ne permettent pas aux enfants de croire au Santa Claus, car, comme Jésus, il est invisible et les enfants, qui sont souvent plus intelligents que leurs parents à cet âge, font trop vite le parallèle.<br /> <br /> Heureuse de te revoir de retour ici, Poupoune, j'espère que tu auras le temps de rester.
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V
D'habitude j'en reprends un doigt... mais là, non!<br /> Je suis tout sauf impénétrable, moi :)
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E
Oh le joli conte de Noël !! Visiblement tu sais où loger le doigt de Dieu :):):) !!<br /> Terrible Noël à toi !!
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A
et bien comme ça, je sais ce qui m'attend, demain matin!
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M
Ouh là là !!! Hallucinant !!! Poupoune tu n'as pas perdu la main en retrouvant le doigt de Dieu !!! Ça fait froid dans le dos !!!<br /> :-D
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