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24 décembre 2011

Participation de Pivoine



Extrait des Mémoires de la Maréchale de Boissia,
née Anne de Grandcourt.

A Saint-Cyr, à la Noël de l'an de grâce 1711, le froid était intense. Pourtant, nous ne manquions ni de bois dans nos cheminées, ni de chandelle pour nous éclairer, ni de couvertures dans les dortoirs. Et nous n'avions pas faim. Pas vraiment faim en regard de nos paysans affamés, dont l'ordinaire habituel de bouillon clair se complète, la veille de la nativité, d'une grillade, d'un morceau de boudin frais ou d'une pompe aux fruits.

Nous avions eu, ce 24 décembre-là, un souper improvisé, en l'honneur de la visite de notre bienfaitrice à toutes et de Sa Majesté le Roy. Ensuite, il y avait eu concert et je me souviendrai toujours de cet instant parfait où une formation de musiciens a joué la Sonnerie de Sainte-Geneviève du Mont de Paris. Oui, c'était  vraiment un moment rond et parfait que celui-là, aussi délicat et coloré que le parfum des oranges de montagne que nous avions reçues au dessert. Mon amie Lucile de la Faille était en beauté. On chuchotait qu'un riche parti l'attendait à Versailles, qu'un titre de duchesse auréolerait bientôt son visage, et que son trousseau serait de la toile la plus fine. Mais cette année-là, elle était juste ma meilleure amie, un peu ma marraine, un peu ma grande soeur, avec son visage rassurant sous la coiffe blanche, sa robe de soie puce, et le ruban bleu qui la classait dans les "grandes", alors que je terminais mon parcours chez les "Vertes", âgées de 10 à 15 ans.

Parfois, au milieu de ma vie, au détour d'un sentier du parc, ou dans les pièces douillettes bien que solitaires de ma maison, je m'arrête un instant pour songer à ce noël de l'année 1711, à ce moment où Lucile est venue me rejoindre, entre le concert et la messe de minuit, pour m'offrir un paquet joliment enrubanné de papier. C'était ses menus cadeaux de noël, préparés en secret, et réunis avec amour: un petit sujet de pâte d'amande, un biscuit à la cannelle et des pâtes de fruits... Mais la surprise, c'était ce mouchoir de toile monogrammé, sur lequel elle avait brodé nos initiales entrelacées, A de G. et L.de la F.

Elle est là, devant moi, comme neuve, bien qu'un peu jaunie, juste sortie de son tiroir où je l'ai emballée dans du fin papier de soie, cette chère relique du passé. Un jour plus ou moins lointain, je la transmettrai, telle quelle, à notre fille, Aimée, qui est autant la sienne que la mienne, puisque mon défunt mari l'a adoptée comme la nôtre, après la mort de Lucile... Puisse Aimée et ses enfants connaître en ce siècle du Roi Bien-Aimé et des Lumières un meilleur sort que ne le fut le nôtre...

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Commentaires
J
Je crois qu'il manque 395 pages entre l'avant dernier paragraphe et le dernier mais c'est comme ça, Noël et la révolution in-culturelle qui s'avance rendent gourmand l'amoureux de belle écriture qui prend plaisir à te lire ! <br /> <br /> <br /> <br /> Bonne année 2012 heureuse et productive, Pivoine !
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K
Pivoine tu t'es "enracinée " dans le classique<br /> <br /> pouur les deux auteurs en question ce ne sont pas les moindres...<br /> <br /> encore bravo à toi pour ton récit<br /> <br /> et au plaisir de te lire bientôt<br /> <br /> katyL
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P
Merci KatyL, tu en savais sûrement plus que moi car mon savoir est surtout livresque et filmique (j'ai adoré le feuilleton "l'Allée du roi" avec Dominique Blanc (et Didier Sandre). <br /> <br /> <br /> <br /> Zigmund, c'est de cela que j'avais envie, renouer avec les accents de la langue classique. Cela peut paraître fou, mais j'adore la langue et l'esprit classiques... Molière et Racine ont longtemps été mes préférés, et en tout cas, Racine un coup de foudre scolaire... o;;;)
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P
Walrus, si j'étais née du bon côté, peut-être. Encore que l'espérance de vie ne devait pas être terrible, et naître femme n'était pas une grande garantie de bonheur. Mais si tu naissais du mauvais côté de la barrière sociale, ce devait être l'horreur. Encore pire qu'aujourd'hui, car il y a tout de même encore un peu de Sécurité sociale...
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K
Françoise de Maintenon dernière épouse de Louis XIV créa l'école royale de ST Louis à St Cyr-l'école pour les jeunes filles nobles désargentées...<br /> et elle y mourut<br /> cette école est devenue un hôpital et une école militaire et ensuite ST Cyr...si connue de nos jours<br /> bon ma mémoire ne m'avait pas fait trop défaut<br /> merci Pivoine<br /> bisous<br /> katyL
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Z
une très belle écriture pour cette tranche de vie qui pourrait être le canevas d'un roman historique.j'ai aimé la délicatesse de la langue bonnes fêtes
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W
Avec ton style, je suis certain que tu te serais parfaitement adaptée à cette époque, chère Pivoine...
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P
Merci à vous pour vos commentaires éclairés. Et chaleureux. Je me suis en effet documentée sur l'école de Saint-Cyr... Et en filigrane, il y a la Révolution, bien sûr... Puisque les enfants des deux saint-cyriennes vivront sans doute la Révolution...
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V
la révolution n'était pas loin ,mais cet écrit lui redonne tout son charme !
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K
empli d'histoire et de romantisme<br /> récit chatelain....cette école de St Cyr accueillait les jeunes filles nobles désargentées je crois qu'elle avait été fondée par Françoise.......(gouvernante des enfants du roi soleil)) devenue l'épouse secrète de Louis XIV ...je crois qu'elle y a fini ses jours entourée de "ses chères filles " comme elle disait...( mais à vérifier sur internet ceci n'émane que de ma culture perso qui peut faire défaut)!<br /> bonne année à toi Pivoine ( fleur que j'adore)<br /> bisous<br /> katyL
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J
Ravie de te relire ici, Pivoine !
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E
Un bien joli Noël que tu nous offre là...Plein de délicatesse et de tendresse, Merci.<br /> Un joyeux Noël à toi :)
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C
Heureusement qu'Aimée ne voit pas le 21° siècle et sa nouvelle féodalité: elle serait si déçue!<br /> Bravo pour cette jolie nouvelle précieuse.
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V
Un Noël en costume! J'en rêvais.<br /> Jolie écriture Pivoine
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A
tu as de la matière pour tout un roman, Pivoine!
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M
Superbe écriture avec ce récit tout empreint d'histoire ! Merci de ce riche cadeau Pivoine !
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