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Le défi du samedi
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26 novembre 2011

Le poids des non-dits – dégâts collatéraux (SklabeZ)

Son père lui avait dit : "Ma fille ! Ne t'avise pas de faire défiler les garçons à la maison ! Choisis bien ton chéri et ne te trompe pas, le premier sera le dernier ! Je n'en accepterai pas d'autre."

 

Eh oui ! Son père était comme ça ! Une espèce de despote qui régnait en maître absolu sur la maisonnée. Sa discrète épouse et sa fille, unique, lui étaient totalement inféodées.

 

Pas facile, la vie avec un tel tyran, mais comme ils tenaient un commerce, ils voyaient beaucoup de monde et les journées leurs semblaient, malgré tout, supportables.

 

Un jour, quatre jeunes cadres dynamiques et pleins de vie, accompagnés de leur patron débarquent chez eux. Le boss avait tenu à les inviter dans cette brasserie où il avait ses habitudes.

 

Le plus jeune des quatre attira tout de suite l’attention de la fille du maître des lieux. Elle était fascinée et ne le quittait plus des yeux. Lui était mal à l’aise d'être ainsi observé, il lui adressa un timide sourire.

 

Le lendemain, après le travail, le jeune est revenu, seul. Elle lui souhaite la bienvenue, il s’installe et passe commande. Elle ne se sent pas bien, le trouble l'envahit et ses gestes sont empruntés. Il ne peut s'empêcher de la suivre des yeux. Le courant passe…

 

Le soir, à la fermeture, elle dit à son père : « C’est lui ! C’est lui que je veux ! »

 

Il revient de plus en plus souvent, consommer son eau gazeuse ou son expresso. Elle se rend parfois à la sortie de son travail pour le ramener chez elle, ou plutôt chez son père. Quelques mois après, il quitte la petite chambre qu’il louait chez un particulier et vient s’installer chez elle. Il fait maintenant partie de la famille. Le tyran l’a accepté.

 

Il fait maintenant partie de la famille et il a remarqué qu’elle avait pour son père un regard étrange, un mélange de crainte et d’admiration. Il a aussi remarqué qu’elle ne mangeait pratiquement rien. Il lui en a fait la remarque plusieurs fois. Pour lui faire plaisir, elle s’efforce de grignoter ou fait semblant. Il se dit qu’il l’aidera à se débarrasser de cette mauvaise habitude. Pas un problème pour lui, il se sent tellement fort ! Les mois passent… on parle de mariage.

 

Ils se sont mariés lors d’une belle journée de juillet. Ils se sont mariés, émancipés et ont construit leur propre nid, un peu à l’écart, mais pas trop loin quand même. Pendant que lui travaille, elle, rend souvent visite à ses parents et continue de les aider dans le commerce. Tout va bien.

 

Tout va bien mais elle ne mange toujours pas beaucoup. En fait, elle mange de moins en moins. Elle mange de moins en moins, mais elle s’arrondit. Elle est enceinte. Elle appréhende, mais ils sont heureux tous les deux. Un petit garçon fait bientôt son apparition. Il est accueilli comme un prince. Son grand-père, le tyran, est fier. Le deuxième prénom du petit est le sien. Il est fier, il est fier et il est fou, fou de son petit-fils.

 

Les jours passent, elle est à nouveau enceinte. La santé du papy-tyran se dégrade rapidement, mais il a son petit-fils près de lui et ça le réconforte. Il ne verra pas le deuxième enfant de sa fille, le mal qui le rongeait l’a foudroyé.

 

Sa fille est abattue, anéantie, détruite. Le jour des obsèques il a fallu plusieurs personnes pour la maîtriser. Une véritable crise d’hystérie. Elle voulait rejoindre le tyran, dans sa fosse. Ce jour-là, tout a basculé. Il a découvert qu’elle était amoureuse de son père. Le choc !

 

Elle prend ses distances avec son mari. Elle le fait passer du statut d’époux à celui de père… de père de remplacement. Ne voulant pas rajouter à sa douleur, il accepte, par amour.

 

Le deuxième enfant est ensuite arrivé. Un beau bébé, un garçon. Elle n’a manifesté aucune joie. Elle n’a jamais accepté ce petit garçon que son papa à elle n’a pas connu. Elle ne le connait pas non plus. Elle n’a d’yeux que pour l’aîné, le chéri du tyran. Elle aime toujours son mari, son mari que son père avait adoubé et accepté. Elle l’aime toujours, mais plus comme avant, elle l’aime comme on peut aimer un père.

 

Elle est maintenant très perturbée.

Délicatement et avec grande patience, il essaye de l’aider. Le soir, côte à côte sur leur lit, ils parlent, ils parlent encore, pendant toute la nuit, pendant des nuits entières...

Il essaye de démêler l’écheveau.

Petit à petit elle se confie. Il sent qu’elle va bientôt se libérer, briser ses chaînes qui l’étouffent. Il en découvre un peu plus tous les jours. Il a ainsi appris qu’elle est anorexique et boulimique depuis toujours. Pour ne pas décevoir son père, elle ne garde pas ses aliments, elle se fait vomir depuis ses quatorze ans. Depuis que son tyran de père lui a dit qu’il n’aimait pas les gros et encore moins les grosses.

Il comprend maintenant pourquoi, elle peut encore enfiler ses jeans d’adolescente. Il comprend de plus en plus, mais il ne comprend pas pourquoi elle se refuse à lui depuis la mort de son père.

Et pourtant si, il le comprend, il le comprend même très bien, trop bien. Il se doute qu’il s’est passé quelque chose entre son père et elle... il y a longtemps. Un drame comme il en arrive quelquefois dans les familles et que l'on cache sous une chape de plomb. Il a bien essayé de le lui faire dire, pour l’aider, pour exorciser cet enfer, pour qu’elle se libère de ce poids.

Plusieurs fois, gentiment et patiemment encouragée, elle a failli le faire.

Elle a failli le dire… elle allait le dire et, au moment de le faire, stop ! Marche arrière toute ! Pour elle, sortir de cet enfer qu'elle a fini par accepter, c’est sauter dans l’inconnu. Elle préfère rester avec ses démons et ses cauchemars.

Lui ne saura jamais.

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Commentaires
S
Merci de ton compliment et de ton accueil, sebarjo.<br /> J'espère être digne de votre confiance à tous.
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S
Il y a du rythme dans cette histoire que l'on suit avec beaucoup d'intérêt même si l'on en devine la chute... C'est grâce à l'écriture qui est très bonne ! Alors un grand bravo Sklabez !!! J'ai vraiment apprécié.<br /> Je te souhaite la bienvenue également parmi nous !!!
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S
Merci, j'apprécie.
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S
Rompre le silence peut être douloureux et peut blesser.<br /> Le garder est fatal, on explose ou implose.<br /> Merci.
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E
Juste magnifique ! Bravo.
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Z
c'est extremement bien vu et malheureusement ce type de cas n'est pas rare <br /> rompre le silence ou le garder est aussi douloureux
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S
Ta réponse est un formidable encouragement à poursuivre mon séjour ici.<br /> Grand merci katyL
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K
ta réponse je comprends en effet<br /> tu n'as pas fait triste tu as dit ce que tu avais à dire, tu verras sur ce blog que des gens de coeur et d'esprit.. aucune critique acerbe.. au contraire une lecture amicale de tous les textes de tous les participants, parfois nous sommes "déjentés " et c'est terriblement bon!! et excellent , car certains sont plus doués pour faire rire, ce blog fait du bien.<br /> ta marraine à eu raison<br /> alors écris nous<br /> alors dis ce que tu veux<br /> l'écriture est une thérapie excellente<br /> aucun jugement de valeur ici , de l'amitié...<br /> bisous<br /> katyL
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S
Ce bonheur est partagé, Lise.<br /> Merci pour tes mots gentils.
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L
Les mots ne se lisent pas..ils coulent,<br /> tant la profondeur du vécu est juste..comme un souffle. Merci pour ce partage, je suis heureuse de croiser celui qui, comme moi, a attendu la consigne du silence pour s'autoriser à parler.
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S
Un grand merci à vous tous pour votre accueil si chaleureux et vos encouragements. Je ne m'y attendais pas et suis sincèrement touché.<br /> <br /> Ça fait maintenant un peu plus d'un mois que je vous observe et je suis en admiration devant ce que vous faites.<br /> <br /> J'appréhendais et n'osais pas franchir le pas. Je remercie du fond du cœur ma "marraine" qui m'a incité à le faire, elle se reconnaîtra.<br /> <br /> Maintenant, je suis conscient de l'énormité de la tâche et du chemin qui me reste à parcourir pour m'améliorer et marcher dans vos traces. J'espère bénéficier de votre indulgence.<br /> <br /> @ katyL, pour répondre à ta question "pourquoi ton héroïne voulait le rejoindre dans la tombe? amoureuse , tu es sure ??" <br /> je pense qu'après une telle épreuve, il se produit un grand carambolage dans la tête, les sentiments, amour, haine, se télescopent, troubles alimentaires, tendances suicidaires etc. Je pense que dans un éclair de lucidité elle a songé à faire d'une pierre deux coups : rejoindre son père haï et aimé et disparaître pour épargner ses proches en cessant de les faire souffrir.<br /> <br /> @ Joe, promis ! La prochaine fois j'essaierai de faire moins triste.
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T
triste moment triste vie .Peut t on se reconstruire avec un autre homme, peut être, plus facilement avec une autre femme. merci<br /> Sklabez et bienvenue.
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V
Joli texte, à la fois contemporain et marqué par le temps... je ne sais comment dire ce que je ressens...<br /> Sourire<br /> Vanina<br /> <br /> J'oubliais: bienvenue!
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C
Je préfère garder le silence.
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J
Encore une légende bretonne du genre à plomber l'ambiance de la veillée. Mais Tudieu, qu'est-ce qu'elle est bien écrite !<br /> <br /> Et maintenant Joe Krapov va vous interpréter "les Roses d'Ouessant"<br /> <br /> - Ah non, pas encore lui ! Rendez-nous la fée clochette (private joke) !
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V
Bienvenue SklabeZ avec ce récit criant de vérité et certainement trop souvent vécu...
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W
Bienvenue parmi nous, SklabeZ !<br /> Quand on se heurte à un mur...<br /> <br /> Daddy's flown across the ocean<br /> Leaving just a memory<br /> Snapshot in the family album<br /> Daddy what else did you leave for me?<br /> Daddy, what'd'ja leave behind for me?!?<br /> All in all it was just a brick in the wall.<br /> All in all it was all just bricks in the wall.
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K
tu commences fort!<br /> que dire devant cette horreur qui n'est pas reconnue..??<br /> juste une question STP, pourquoi ton héroïne voulait le rejoindre dans la tombe? amoureuse , tu es sure ??<br /> tu écris très bien , et c'est plus que prenant ton histoire..<br /> bravo<br /> katyL
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M
Bienvenue au Défi du Samedi SklabeZ !<br /> Tu as bien su nous emporter dans cette histoire infernale dans laquelle l'énorme poids du silence a un rôle si important à jouer !<br /> Hélas de tels tyrans existent pour le malheur de leurs pauvres "proies" qui vivent cet enfer !<br /> Une belle écriture !
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J
Houlalala, SklabeZ, tu fais ton début chez les Défiants avec une saga digne de Masterpiece Theatre ! <br /> <br /> Bravo ! et bienvenue !
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