Participation de Célestine
Il est mort ce matin, calmement, sans un bruit.
C'était mon compagnon de chambre et d'infortune.
Pour moi, qui ne pouvais regarder au-dehors,
De son lit, près de la fenêtre, il décrivait
les soleils chalumeaux des juillets infernaux ,
les floconnantes plumes des hivers neigeux,
quand la lumière étrangement baisse le ton.
Les brumes de novembre et les avril fleuris,
les chatoiements des blés aux soirs de messidor.
Je connaissais le monde à travers ses paroles,
et chaque jour le monde me semblait plus beau.
Des arcs en ciels de lunes traversaient nos nuits,
des parterres ornaient, de leur munificence,
la ruelle empierrée, le velours des pelouses
et le bonheur des jours, et les corolles tendres
les lézardes des murs et les chats ronronnants.
Grâce à lui, moi qui ne pouvais pas me mouvoir,
je trouvais la prison de mon corps moins sévère,
et j'ouvrais, en esprit, cette aimable fenêtre
sur les merveilles que mon ami me contait.
Il est mort ce matin, calmement, sans un bruit.
L'infirmière pleurait en lui fermant les yeux.
Il me disait le monde à travers la fenêtre
dis-je en pleurant aussi.Et pourtant cet ami
qui m'aida à tenir, qui m'aida à guérir
avait puisé au fond de sa nuit éternelle
pour éclairer ma vie.
Car il était aveugle.