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Le défi du samedi
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15 octobre 2011

ROULOTTE (Lorraine)

Cette roulotte qui vagabonde, je crois bien qu’elle sort de mon enfance : c’est une roulotte foraine. !  Chaque année, la Foire du Midi  dressait ses tréteaux sur le boulevard. J’aimais violemment cette petite semaine pendant laquelle des hommes jeunes, aux yeux  malins et effrontés, échafaudaient les carrousels et les baraques foraines. Nous, les enfants, organisions des parties de cache-cache haletantes, derrière les panneaux qu’on dressait, les toiles tendues autour du ring de boxe où s’affronteraient bientôt un des costauds engagés par le forain et un autre costaud, badaud celui-là, qui lèverait la main dans la foule, avec l’espoir de gagner le tournoi et une petite somme d’argent. Nous rôdions autour des maisons sur roues qui amenaient les gens du voyage, femmes au foulard rouge ceignant des cheveux noirs, gitans élancés, mais aussi des tout petits qui jouaient à même le sol, au pied des trois marches de bois conduisant dans la roulotte.

                J’ai essayé souvent de voir l’intérieur, me demandant comment pouvaient vivre ces familles, mais on nous renvoyait farouchement et je n’ai aperçu qu’une pièce étroite et, à une table, une jeune fille qui épluchait des légumes.  Français, Italiens, Espagnols, on les reconnaissait à leur accent, et quelques Belges revenaient chaque année, embauchés par le même forain pour animer ses exhibitions :haranguer la foule, hurler dans le porte-voix, ou parader sur scène en costumes chamarrés.

                Nous connaissions bien la « Carmencita », elle habitait les Marolles, dont elle avait le parler truculent, mais il me fallut un certain temps pour constater que Carmencita, en dépit de ses œillades et de ses robes bouffantes, de ses  éventails et de ses anneaux d’oreille, de son grand chapeau noir coquinement incliné sur l’œil droit, que Carmencita était un homme ! A la ville aussi, elle prenait l’apparence d’une femme et nous la rencontrions quelquefois faisant son marché, moulée dans une petite robe à fleurs, poudrée, fardée, amie des marchandes des quatre saisons qui la servaient en riant quand elle s’affolait du vol insistant d’une abeille malicieuse.

                La roulotte du Défi m’a emmenée bien loin.  Dans un monde qui n’existe plus, mais dont je me rappelle quelques figures : Madame Blanche prête à prédire tous les avenirs, le caissier du « Tunnel de la mort », qui criait entre deux fournées de spectateurs hardis : « Avancez, avancez, avancez…vous n’en ressortirez peut-être pas »…, le carrousel  aux chevaux de bois éternels qui caracolent dans toutes les enfances, et l’étrange sentiment de solitude quand,à la fin de la Foire du Midi s’éloignait la dernière roulotte.

 

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Commentaires
M
Comme tu as bien su faire revivre cette roulotte foraine Lorraine. C'est un vrai plaisir que de suivre tous ces bons et beaux souvenirs ! Merci de ce partage !
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L
Oui, je crois qu'on biffe les mauvais souvenirs; on ne garde que ce qui enchante ou émeut. Les roulottes, par exemple...
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L
Quand disparaissait la dernière roulotte, j'étais triste, vraiment triste...L'école reprenait 'pourtant j'aimais l'école!), le boulevard avait soudain un air désert, le soir tombait plus vite, il faisait gris...C'est ainsi qu'on recrée un passé!
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L
Ta fête à toi avait certainement autant de goût que la mienne! Suis-je stupide en disant qu'aujourd'hui "ce n'est plus pareil"?...
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L
Eh oui! j'ai tout dit!...Même si j'ai oublié la loterie (où je ne gagnais jamais rien), la danseuse du ventre (où les enfants n'étaient pas admis), le Musée Spitzner (dont les mannequins de cire exposés à l'extérieur nous faisaient frémir d'horreur), ce Musée qui se voulait scientifique et exhibait les maladies honteuses pour détourner les jeunes (à partir de 18 ans) des fréquentations dangereuses. Et les auto-scooter où nous nous précipitions à deux mais où je voulais toujours conduire.Bon, j'en reste là. Je risque d'avoir du vague à l'âme et j'entends déjà les flons-flons...
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L
Merci à toi. Mais...dans quelle boîte?...
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L
Le "parler truculent" de Bruxelles est...truculent! Il déroute souvent les Français car il a un accent un peu (beaucoup?..) grasseyant et sans façon. C'est un patois local qui nous a valu les sarcasmes télévisés, les blagues sur les Belges, et une réputation d'ignares englobant tout le pays qui a longtemps persisté. Après des années de quolibets, il semble que l'on se soit enfin rendu compte que nous pouvons parler correctement! <br /> Merci, chère Joye, pour ton commentaire si amical.
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L
Les enfants que nous étions découvraient un monde insolite et se cachaient derrière des toiles tendues, des escabeaux remisés, les roues haut perchées des roulottes. Sauf quand un forain nous découvrait et nous expulsait, fermement mais sans agressivité.
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L
Oui, le "Ménage de Caroline" cassait la baraque, ou tout au moins la vaisselle et j'en ai vu des hommes acharnés! Je me demandais souvent à qui ils en voulaient, tant ils y mettaient une sorte de rage!<br /> Tes souvenirs suscitent les miens: j'ai assisté un jour à un échange bruxellois entre un "vrai" amateur de lutte qui s'entêtait à vouloir grimper sur le ring et le patron qui affirmait qu'un autre lutteur (un comparse, celui-là) avait levé la main en premier! La foule riait mais un roulement de tambour a mis fin à l'altercation, les clients se sont rués à la caisse, et le spectacle s'est déplacé à l'intérieur de la baraque! Quelle époque où on s'amusait si simplement!
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L
Elle m'est venue tout naturellement: on n'oublie pas son enfance!
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C
Belle plongée dans le monde féérique des souvenirs enjolivés par le temps qui passe...
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E
Nostalgie pleine de tendresse, ces "saltimbanques" mettaient un peu de couleur et de désordre dans des vies un peu trop tranquille et terne.Bravo Lorraine :)
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V
Ambiance nostalgique des fêtes et foires de notre enfance! Pour moi c'était la fête à Neuneu.<br /> Bravo Lorraine
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J
Cette MAP est une sorcière : avec ses photos innocentes elle te fait t'allonger sur le divan et ressortir d'un coup la nostalgie de ton enfance.<br /> Tant pis si ça te fait un peu mal mais nous on est ravis : à la loterie de Lorraine, le numéro est toujours gagnant !
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V
je glisse dans ta boite un poète 'romanes' à découvrir
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J
Comme ils ont tous dit déjà ! J'ajoute alors mon propre "CHAPEAU" et j'ajoute que j'ai un faible particulier pour "le parler truculent". C'est savoureux !<br /> <br /> Bravo, Lorraine, tu es aussi forte en prose qu'en poésie, et on en a des preuves !
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S
Quelle ambiance, quel univers. Très joliment narrés. Un vrai terrain de jeux pour les enfants effectivement.
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W
Merci Lorraine ! J'ai vu comme toi disparaître les roulottes de ce temps là et ces "métiers" (comme disent les forains) que l'on trouverait désuets aujourd'hui, comme le "Ménage de caroline" où l'on cassait de la vaisselle avec des gestes de lanceur de Baseball, et la loterie au cochon d'Inde.<br /> J'adorais le boniment du speaker de la baraque de lutte qui alternait le français et le flamand local :<br /> "Qui veut se battre avec l'ours ? Met den beer ! ou avec la femme ? Met den mokke ! etc...<br /> J'ai vu une interview à la télé de l'ancien tenancier de ce métier disparu. Il disait qu'il avait dû arrêter parce qu'on avait de plus en plus de difficultés à recruter de bons "amateurs" (car la majorité des gens relevant le défi dans la foule étaient en réalité des comparses, ce qui limitait les risques de voir dégénérer le combat, il se méfiait des "vrais" amateurs dont on ne sait jamais jusqu'où ils vont aller).
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A
bravo Lorraine, très belle évocation!
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