À l'abri de la chevrotine (PHIL)
Ce dimanche c’est l’ouverture de la chasse. Ça me pose un problème de logistique. Parce qu’il n’est plus question pour moi de faire mon footing dans les champs voisins de chez moi. Même si avec mon maillot rouge presque fluo on peut difficilement me confondre avec un perdreau de l’année, je n’ai pas confiance. Et même si le matin les chasseurs n’arborent pas encore une trogne aussi rouge que mon maillot. Non, biffons cela, c’est de l’imagerie spinalienne. Les chasseurs ne sont pas comme ça. Mais moi, si. Je veux dire, je n’ai pas confiance, donc je décide d’aller rouvrir mon parcours hivernal, dans les bois. Action.
Manque de bol, dans les bois aussi il y a du changement. Du moins dans mon bois habituel, qui est sillonné de larges allées pas trop boueuses. Il s’y trouve tout à fait par hasard et inopinément un parcours balisé de vélos tous terrains. Sans doute les cyclistes ont-ils également peur des balles perdues, ou du moins de la chevrotine. Toujours est-il que MON parking est archiplein, que je suis donc obligé de battre en retraite et de dénicher un coin de forêt moins fréquenté. Avec pour corollaire que je ne suivrai pas le parcours habituel.
La forêt n’est pas immense. Je sais m’y retrouver. N’empêche que mon élégante foulée m’emmène sur des sentes que je n’ai encore jamais fréquentées. Ce qui fait qu’au bout d’un moment, je ne sais plus trop où je suis. Je sais seulement dire que je suis en haut et non en bas, et basta. Au jugé je tourne à droite au premier carrefour que je trouve. Je ne peux pas me fier à la boussole que je ne possède pas pour me diriger. Et de toute manière je serais peut-être bien embarrassé si j’en avais une, malgré un apprentissage rudimentaire subi pendant le service militaire.
Le temps est brumeux et gris compact. Il est donc également impossible de se diriger en fonction de la position du soleil sur l’horizon. Qui logiquement devrait se trouver à l’est, puisqu’on est le matin. Ne voyant pas le soleil, si d’aventure je m’oriente, c’est parfaitement fortuit. Je me contenterai donc de me diriger là où mon intuition me guide, à défaut de bon sens. Et j’éviterai de prononcer le pléonasme, certes vieilli, mais quand même, qui consiste à s’orienter vers l’est.