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Le défi du samedi
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3 septembre 2011

Le mur. (Mamido)

C’était un vieux mur décrépi, lézardé, croulant sous le lierre. Par endroits, il était percé de trous béants et tout un pan s’était écroulé, en son milieu.

 

Pour les adultes, il représentait le mur de la honte, dissimulant aux regards la décrépitude et l’abandon d’un quartier dont la rénovation traînait en longueur.

Ils passaient rapidement devant, sans regarder. Ils nous interdisaient d’y aller, l’endroit était, parait-il, mal, fréquenté.

 

Mais, c’est bien connu, les enfants adorent franchir le mur de l’interdit !

Aussi, le mur servait-il de rideau au terrain vague où nous passions le plus clair de notre temps libre. Le franchir, c’était comme traverser une frontière magique derrière laquelle commençait un monde irréel où tout pouvait arriver. De l’autre côté, l’Aventure nous attendait.

 

C’est pour cette raison, qu’au moins une fois par jour, à la sortie de l’école, nous « faisions le mur » et nous nous évadions dans l’univers merveilleux des jeux que nous inventions.

Je devenais pilote d’avion de chasse et, entre deux loopings, franchissais avec brio et dans un bruit de tonnerre, le mur du son. Pour mon copain Léo, à califourchon en son sommet, le mur devenait celui du combattant. Dernier rempart contre l’invasion d’une horde barbare peuplées de cavaliers féroces et armés jusqu’aux dents, il le défendait, à l’aide de son fidèle dragon, l’épée à la main et à la tête d’une armée de chevaliers à l’armure étincelante.

 

Pour les plus grands, le mur servait de cible d’entraînement. Jets de pierres, tirs de carabines venaient encore en aggraver la décrépitude.

 

On dit que les murs ont des oreilles, peut-être des yeux aussi, pourquoi pas ?... En tout cas, s’ils pouvaient parler, sûr qu’ils en auraient des choses à raconter !

A longueur de temps, le nôtre recevaient les confidences, les promesses et les lamentations… Sur ses flancs s’imprimaient les injures, les serments et les rendez-vous…

 

L’endroit où il était en partie écroulé servait de banc aux amoureux qui s’y faisaient des déclarations. Premiers baisers, premières étreintes malhabiles s’échangeaient dans la fraîcheur d’un lit de lierre.

Pour les amours passagères et clandestines, pas tant de confort, les baisers fébriles, les étreintes brutales et rapides avaient lieu n’importe où, en position debout, contre la pierre sèche et rugueuse.

 

Puis un jour, plus de mur ! Les engins se sont emparés du terrain vague, une tour de trente-cinq étage y a poussé, comme un champignon.

 

Ce jour-là, nous avons dit adieu à une grosse partie de notre enfance.

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Commentaires
M
Tout d'abord merci pour tous les commentaires à mon texte!<br /> Au risque de décevoir certains, pas de souvenirs d'enfance personnel (je suis une fille de la campagne) mais des réminiscences de films en noir et blanc et de vieiles mais intemporelles photos de Doisneau ... et la puissance de l'imagination, Joye... celle de l'enfant que je fus et de l'écrivain que j'essaie d'être... modestement.
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J
Et ça n'arrête pas depuis ! Sortons dans la rue et crions "Laisse béton" !<br /> Ok, je sors, ce n'est pas un très bon slogan !
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K
et terrains de jeux...vagues à l'âme..<br /> oui moi aussi petite à Versailles, il y avait un terrain de jeux et la forêt !! mais depuis il y a l'autoroute et des immeubles derrière (plein) où est passée ma forêt ???<br /> tous ces murs construits = démographie galopante!!<br /> encore un sujet ... car qui paiera la dette ??<br /> il va en falloir des murs!! mais qui paiera les murs ?? et les maçons ???.../.. j'arrête<br /> bisous<br /> katyL
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E
Les vieux murs, les friches, les ruines...Quels terrains fertiles à l'imagination !!
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A
ça me rappelle une chanson de Nino Ferrer ;-)
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Z
de l'autre côté du mur qui protège le monde "normal " il y a le terrain vague et ses rêves parfois dangereux. j'ai franchi les mm murs qui cachaient des terrain vagues et qui ont un jour laissé la place à des tours
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R
j'ai aimé cette évocation de l'enfance et sa formidable créativité.<br /> oui, on peut se poser la question si de nos jours on ne sape pas la richesse de nos enfants (enfin, pour ma part des petits enfants) par l'absence de vacuité. <br /> <br /> merci
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P
C'est bien ce que je pensais tout en lisant : de nos jours plus personne ne sait ce qu'est un terrain vague.
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V
Sous la tour, un monde d'émotions juvéniles... elle en tremble encore?
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R
une tour de 35 étages ?<br /> ou comment dresser un mur verticalement !<br /> <br /> joli moment de poésie.
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M
Mais où sont les murs d'antan !!!<br /> Ah, Mamido ton texte m'a évoqué ceci :<br /> http://youtu.be/Y354ovuHTkQ
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W
Etait-ce à la Chaussée d'Antin, Mamido ?<br /> http://www.youtube.com/watch?v=RYQnnyY1KNI
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J
La vie est un chantier. - Mamido<br /> <br /> J'ai l'impression que ton texte raconte une partie de ton enfance ? J'ai bon, ou est-ce purement de la fiction ?<br /> <br /> Quoi qu'il en soit, j'ai passé un bon moment à le lire. L'imagination des gosses me fait toujours plaisir. Celle des écrivains aussi. Merci !
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C
Je savais bien que les bulldozers étaient des tue-l'amour!
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