Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le défi du samedi
Visiteurs
Depuis la création 1 052 308
Derniers commentaires
Archives
3 septembre 2011

Chez le coiffeur (PHIL)

 

Gamin, je faisais des cauchemars. Rien là de très original, n’est-ce pas. Quel enfant ne s’est pas réveillé en sursaut au milieu de la nuit, hagard et dégoulinant de sueur ? Moi je rêvais de murs. J’étais prisonnier de murs immenses disposés en labyrinthe, une image que j’avais dû voir dans un quelconque comics chez le coiffeur. Des murs d’une hauteur inimaginable. Ces murs infranchissables étaient faits de brique, comme la plupart des murs des zones industrielles de par ici, à l’époque. Et sur ces constructions vertigineuses dont on ignorait la finalité exacte, à part celle de m’effrayer, étaient collés quantités d’affiches à moitié lacérées, comme s’il s’était agi de murs parfaitement banals ; on y trouvait l’inévitable réclame pour la brillantine, le programme du prochain festival du rire à Bobino, des affiches électorales, même. Ah oui, on était en campagne ; et votez De Gaulle, votez Mitterrand, votez Lecanuet. Même Tixier-Vignancour y était, c’est dire qu’il y avait bien de quoi avoir des cauchemars.

Je sais d’où ça venait, cette histoire de murailles : de chez le coiffeur, justement. J’y allais avec mon père, le samedi après-midi. Le coiffeur habitait un pavillon banal, en meulière comme le nôtre. Nous nous y rendions à pied par un dédale de rues plus ou moins identiques et aux trottoirs défoncés. C’était presque pareil que chez nous, sauf qu’à la place de la salle à manger, il y avait le salon du coiffeur, avec ses étagères couvertes de lotions, son grand fauteuil de moleskine rouge (le siège de la torture) et surtout, surtout, une pile quasiment inépuisable d’illustrés dont je me délectais avidement à chaque visite.

Quand venait mon tour, je m’asseyais vaguement tremblant sur le fauteuil rouge, tandis que le coiffeur déclarait invariablement qu’il allait me tailler les oreilles en pointe. Et déjà je me voyais métamorphosé en P’tit Loup (je lisais le journal de Mickey). Et le bonhomme d’éclater d’un rire sonore tout en affûtant ses armes. Quant à moi, je souriais. Jaune. Je vais te raser le crâne, déclarait-il alors. Il n’en était évidemment pas question, mais je me renseignais néanmoins pour savoir à quoi ça servirait. Et il répondait qu’ainsi mes cheveux repousseraient plus forts ensuite, c’est comme le gazon qu’on tond pour qu’il soit plus beau. Bien.

Pendant que mon père se faisait coiffer, je replongeais illico dans les bandes dessinées. J’hésitais entre le Surfer d’Argent et Piko (nom français de Woody Woodpecker, souvenez-vous). Ou les chiens Bop et Be-Bop. Il y avait le choix. Je me souviens d’une histoire dans laquelle un méchant, allez savoir s’il s’agissait d’un Rapetou ou de Pat Hibulaire, je ne me souviens plus, c’est vieux, s’enfuyait courageusement en rasant les murs.

En rasant les murs, bon sang : c’était écrit en toutes lettres dans le livre. Vous comprenez maintenant le pourquoi du comment de mon satané cauchemar. On rasait les murs et ils allaient repousser plus forts, plus hauts, jusqu’au ciel, et m’emprisonner pour toujours.

Publicité
Commentaires
M
Les voici :<br /> href="http://storage.canalblog.com/37/23/899124/68311189.jpg" target="_blank">
Répondre
P
Si les murs ont des oreilles, ils peuvent bien avoir des cheveux aussi...
Répondre
P
Et le surfer d'argent aussi, et d'autres dont je ne me souviens plus...
Répondre
H
Il y avait aussi Royco, Popeye, Le Fantome, Mandraque, les pieds Nickelés, Tartine, Dennis la malice, plus tard Les Fantastiques, Wampus... Beaucoup de ces BD ne sont plus trouvables aujourd'hui que sur e-bay!<br /> Pim Pam Poum bien sûr, dont les rééditions, en recueils se font particulièrement rares. Là aussi en abondance sur le Net.<br /> Tout cela est peut-être, pour les éditeurs, passés de mode. Mais de là à dire que Pim pam Poum "serait interdite de nos jours", il y a un pas difficilement franchissable. Tintin le serait alors sans doute également, pour les mêmes raisons (le racisme sous-entendu?).<br /> A contrario, à l'époque (les années 60) tellement de choses étaient alors interdites!...
Répondre
P
Ristretto : Pim Pam Poum y étaient aussi. J'ai oublié de les citer.<br /> :-)
Répondre
P
Merci à tous pour vos sympathiques commentaires.
Répondre
Z
j'ai le même genre de souvenirs cuisants chez le coiffeur et les mm affiches sur les murs de ma cité ça date <br /> bravo pour ce lien entre l'angoisse et le rire(jaune bien sûr)
Répondre
A
ah ! bien ! la boucle est bouclée (si j'ose dire) :-)
Répondre
V
pauvre phil quelle enfance malheureuse,mais si bien racontée
Répondre
R
et Pim Pam Poum aussi ..( bd qui serait interdite de nos jours )<br /> <br /> bien aimé ce texte d'épouvantes infantiles (ou pas d'ailleurs :-) )
Répondre
J
Mené de main de maître. Bravo.
Répondre
M
Un texte qui n'est pas rasoir du tout, du tout, effectivement !!!<br /> Je me souviens très bien de P'tit Loup, de Pat Hibulaire et des frères Rapetout !!! <br /> ;-)
Répondre
W
C'est malin, maintenant j'ai peur d'aller me coucher !
Répondre
V
ce cauchemar aura servi un texte joliment troussé... et pas rasoir du tout! Bravo
Répondre
J
Humour et frisson dans un même texte !<br /> Je copie alors sur Célestine : Bravo !
Répondre
C
Excellente la chute...de cheveux!<br /> Non, sans rire, c'est très bien fait. Bravo.
Répondre
Newsletter
Publicité
Le défi du samedi
Publicité