Bienvenue dans mon jardin (Joye)
Vous n’allez pas le croire, mais toutes les plantes dans mon jardin ont des noms. Permettez-moi de vous les présenter.
D’abord, il y a TUC le cactus. Au début, il n’aimait pas trop, cela le piquait trop d’être nommé pour une marque de biscuit salé. Mais quand je lui expliquai qu’il avait le choix épineux entre « Tuc » et « Lemond-Dentier », il acquiesça gentiment, n’étant pas trop fan de Jacques Dutronc. J’avoue que je ne pus pas le blâmer.
TOMBOLO, c’est ma lunaire vivace. À son baptême, elle aussi avait protesté (pas très catholique, non) mon choix de nom, mais après tout, on ne voudrait pas se planter en choisissant le mauvais nom ! Nous avions alors raison de bien réfléchir. Puisque c’est un « money plant » en anglais grâce à ses feuilles, elle était bien d’accord d’y aller pour TOMBOLO. Parfois, je fais l’erreur de l’appeler TOMBOLA, alors, vous voyez, même pour moi, ce n’est pas encore gagné.
La plus délicate du jardin est KOPJE, une dicentra. Ses petites fleurs blanches ressemblent parfaitement à des culottes blanches que portaient les immigrés hollandais et c’est pour cela que l’on appelle aussi « Dutchman’s breeches » et voilà pourquoi nous choisîmes ce joli nom néerlandais pour elle. Récemment, j’ai appris que cette plante servit aux amérindiens pour guérir la syphilis. Elle ne me l’avait jamais dit ! Et c’est tout à fait elle : délicate, discrète et pudique comme le blanc de ses fleurs.
Mais ne pensez pas pour un moment que je suis snob ! Non ! Les mauvaises herbes ont leur place dans mon jardin, et en dépit de son nom vulgaire, le pissenlit est bien joli avec ses jaunes précoces et ses grains légers. Là-bas, c’est mon favori, MONADNOCK. C’est vrai que je lui confis ce nom un jour où j’étais super enrhumée et je lui lisais quelques aventures de Tintin pour nous distraire. À chaque fois que j’essayais de prononcer les jurons du capitaine, Monadnock approuvait en laissant repartir quelques aigrettes lorsque je pouffais de rire. Monadnock et moi, nous avons une belle complicité. Lorsqu’il est jeune et tendre, on le tend sous le menton d’un enfant pour voir « si tu aimes le beurre ». Monadnock n’oublie jamais de laisser quelques graines de pollen pour le prouver, et l’enfant, à tout âge, tombe sous ses charmes. Comme moi.
Bien sur que PODZOL est ma ravissante gymnocladus dioicus. Mais imaginez notre embarras à apprendre que « Jim » était une fille. Il y avait toute sorte de confusion ! La voisine qui avait habité ici bien avant nous l’appelait « L’arbre du paradis », mais Jim – pardon, Podzol – n’aimait pas cela, et la confusion s’approfondit lorsqu’elle apprit que les arboristes l’appellent l’arbre à café du Kentucky [Kentucky coffee tree]. Oui, un peu fort de café, parce qu’elle est bien une native d’Iowa, tout comme moi. Alors, il n’y avait rien à faire sauf chercher un autre nom, et elle prit Podzol pour ses « pods » qu’elle porte chaque automne, et qui servent de rappel que c’est une fille.
Juste derrière, c’est BARKHANE, un superbe Caryer ovale. Or, c’est très joli, son nom – on dirait soit un personnage dans un roman par San-Antonio, soit une pièce à la Maison Blanche. Mais elle aussi est super américaine, et nous choisîmes son nom ensemble, gardant un peu de beauté féminine et le rappel que son écorce (bark) décolle en partie tout comme des jupons – c’est pour décourager les écureuils qui y grimperaient pour voler ses drupes. Elle et moi avons bien ri le jour où nous avons dit à ma petite nièce, ce minuscule démon angélique, que l’écorce de l’arbre était comme ça à cause des ours qui rôdent la nuit dans le jardin à la recherche de petites filles pas sages. L’histoire l’a curieusement calmée, et croyez-moi, Barkhane et moi en étions bien contentes.
Et le jardin ?
Oui, j’hésitais, parce Louis Jardin était trop joueur, mais bon, le jardin, lui, s’appelle VALAT, parce que, comme on dit…Valat, c’est tout.