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Le défi du samedi
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4 juin 2011

Remonter le temps (Oncle Dan)

 

Je me souviendrai le reste de mes jours de celui où j'ai appuyé sur la sonnette de la maison aux volets bleus. La porte s’ouvrit sur cent cinquante kilos de muscles briseurs de bascules publiques. Le colosse avait une grosse tête chauve et pâle, défigurée par un affreux rictus. Une tête à manger du verre pilé et à tuer les rats avec les dents.

Mes craintes s’amplifièrent à la vue de l’être étrange qui surgit derrière le gorille, et qui avait dû revêtir, dans un passé lointain, l'apparence d'une femme.

Elle bouscula l’énorme et lança les vagues de son triple menton dans la pleine mer de sa poitrine en ouvrant la bouche, mais les mots qu’elle voulut en extraire furent refoulés par la banane qu’elle engouffra dans le même temps avec une surprenante rapidité.

Pouvez-vous m’en dire davantage, demandai-je à l'hercule en extirpant de ma poche la lettre qui m'avait fait courir jusqu'à lui sans me retourner.

Le molosse me tira à l’intérieur de la maison en explorant de son regard chalumeau les alentours pour s’assurer que nulle oreille ni oeil suspects ne nous espionnaient.

Suivez-moi. Je vais vous montrer ma machine à remonter le temps, dit-il.

L’écoutez pas m'sieur, crachouilla la baleine entre deux bananes. Tout en chassant de ses protubérances mamillaires quelques miettes de croissant rassies, elle ajouta "S’rait capable d'inventer n'importe quoi pour se rendre intéressant sur les blogs d’écritures. Vous en faites pas, sa cocotte minute ne bougera jamais du hangar à fourrage".

Ta gueule Paulette hurla le colosse tout en me tirant par la manche. Nous traversâmes en quelques enjambées le potager derrière la maison et pénétrâmes l'abri de jardin à l'intérieur duquel trônait une espèce de batyscaphe  composé de cuves, lavabos et tuyauteries de toutes sortes.

Il y a deux places. Dépêchons-nous, dit-il en me poussant sur un siège qui ressemblait à celui d'une 2CV, l'univers est en pleine expansion, il n'y a donc aucune minute à perdre.

Il tira sur un démarreur et l'engin se mit à vibrer comme de la gelée de coing par grand vent. Je ne saurais dire exactement pourquoi, mais je fus soudain envahi par la certitude que je ne reverrais jamais Paulette.

Les cloisons de l'abri de jardin disparurent de ma vue et j'ai nettement senti que c'était le début de mes ennuis.

Le problème, disait le molosse, est que le temps et l'espace étant la même chose, il nous faut dépasser la vitesse de la lumière si nous voulons remonter le temps. Où voulez-vous que je vous dépose ?

J'étais pris au dépourvu. Déposez-moi en Egypte antique dis-je pour laisser une confortable marge de manœuvre au pilote. Je remarquai alors sur son avant-bras un tatouage "Sécurité – Tranquillité – Bonheur" qui m'apaisa inconsidérément. D'autant que je voyais bien qu'il transpirait de plus en plus et tremblait de tous ses membres, ce qui mettait en mouvement pas moins de deux cent cinquante quatre ossements auxquels s'ajoutaient une dizaine de dents et une prothèse. Il me regarda avec une expression de stupeur et de désolation telle que je n’en ai jamais vu avant ni depuis sur d’autres physionomies humaines. Il tendit le bras gauche pour me montrer le compteur de vitesse. Nous nous traînions lamentablement à deux cent quatre-vingt mille kilomètres à la seconde. J'aperçus alors un autre tatouage qui disait "erreur d'impression – ne pas tenir compte de l'avant-bras droit".

L'engin finit par s'immobiliser dans une grande lumière de fin du monde.

On aura au moins évité les trous noirs, dit-il, pour se rassurer. Quand on glisse dans ces machins-là, on a un mal de chien à s'en sortir sans être obligé de revivre sa vie entière.

Une hypothèse frappée au coin du bon sens, de la saine logique et de la plus fine observation voulait qu'à défaut de pouvoir remonter le temps pour cause de vitesse insuffisante, nous n'avions pu que le descendre. Mais comment est-il possible de descendre le temps ?

Pour espérer pouvoir répondre à cette question, il fallait déjà que la poussière environnante se dépose. Les cloisons de l'abri de jardin apparurent peu à peu.

Nous traversâmes le potager dans l'autre sens. Il paraissait abandonné. Les tomates et les salades avaient disparu. Paulette aussi.

La maison aux volets bleus paraissait déserte. Pourtant, un transistor diffusait des informations. Nous avions effectivement descendu le temps car un journaliste annonçait que Martine Aubry était présidente avec cinquante virgule six pour cent des voix.

Oncle Dan

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Commentaires
J
Ah! La 2CV (qui tremble comme de la gelée de coing)! Rien que son évocation me fait voyager dans le temps
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D
un texte tout au passé simple... respect ;)
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K
moi aussi j'ai ri ! c'est surprenant et bien écrit<br /> histoire d'élire une femme politique pourquoi pas<br /> mais laquelle?<br /> katyL
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C
Ah, descendre ou monter, l'essentiel est de ne pas le perdre...
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M
Epatante cette descente dans le temps et très bien illustrée !!!! J'ai bien ri, merci Oncle Dan !
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W
Ces wormholes conduisent vraiment n'importe où !
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T
Marrant comme tu nous as expédié (d'un rai Bradburried ?) cette consigne atemporelle... qui sied fort bien à ton esprit et ton goût pour l'absurde.
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A
le poids des ans, sans doute?
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