Fragile (Célestine)
Fragile fragile ma toute petite maman avec tes yeux trop bleus délavés usés de toutes tes larmes de tes automnes de tous les émerveillements de tes trop nombreux printemps
Tes mains pétales de rose fanés oubliés
Tes petites mains d’eau de Cologne toutes racornies qui tremblent un peu en tournant ta cuillère de thé
Ta voix qui vacille, tes jambes qui flageolent tes souvenirs épars qui se font la malle parfois tes rires qui se perdent dans une quinte de toux comme une petite plainte de musaraigne à peine audible dans le soir qui descend
Pourtant tu étais la force pourtant tu étais la vie
Et la vie doucement te quitte par petits morceaux de mousse comme une peluche qui a un accroc…subrepticement sans qu’on s’en doute
Fragile toute fragile ma petite maman que je serre dans mes bras, pas trop fort sinon tu t’étoufferais
Tu m’as portée je te porte et nous bouclons ainsi le grand cycle de l’ouragan qui nous emporte
Fragile je suis si fragile soudain quand ma gorge se serre de te voir partir sans même agiter ton mouchoir quand je te vois quitter le quai dans un souffle oublier de respirer t’en aller me quitter pas à pas comme l’ombre de ce fusain qui s’allonge au soleil du soir pour embuer de nuit les carreaux de la vitre et de mes yeux
Fragiles de se retenir de pleurer…