Encrier (Sol-eille)
Mes doigts bien appliqués à tracer des ronds, des pleins et des déliés de ce poème de Prévert, la tête penchée sur l’onciale, élève consciencieuse qui perdue dans ses pensées regarde le fond de son encrier bleu nuit à la recherche des réponses à toutes ces questions existentielles qui surgissent au fur et à mesure où elle plonge à intervalles réguliers son rotring dans ce puits bleu marine, au reflet parfait sur le papier vélin écru.
Puits sans fond, insondable comme le puits de l’âme de l’humanité qui pressée par le temps, ses obligations, ses petits tracas et autres misères en a oublié qu’elle est une espèce faite pour vivre en meute, en groupe. Qu’en reste t-il dans cette tour à cinquante étages où le cœur de 1000 personnes bat ici silencieusement chaque nuit sans se connaître ?
Le vague à larmes l’emporte soudain, porte-plume suspendu à ce cœur liquéfié, mer de sel qui fond, où, sur son parchemin entre deux vers de Prévert s’étalent des tâches, camaïeu de bleu indécent au milieu de ces rimes, déliquescence de cette humanité qui a levé l’ancre et dessalé sans s’en apercevoir et se noie inévitablement.