Un rêve (Berthoise)
C'est un peu flou dans ma mémoire. Pourtant, j'ai encore rêvé de lui cette nuit. Nous marchions main dans la main dans la campagne.
Avions-nous déjà marché dans la ville ? Non, c'était un amour de grand air, de verdure, de longues promenades, un amour d'été, brûlant dans le soleil. On était sérieux, comme quand on est amoureux à vingt ans, tout éblouis de tant de lumière. Je passais ma main dans ses cheveux, comme pour vérifier la réalité de sa présence, je le mangeais des yeux, je buvais ses paroles. Il avait une voix grave, très grave, qui faisait frissonner mon âme. Il murmurait des choses très importantes, des choses dont on se nourrit longtemps encore, après les avoir entendues. Nous avancions sur le chemin. S'il savait où nous allions, moi, je n'en savais rien. Les rayons du soleil chauffaient mes épaules. Les grillons faisaient bruire le gazon rasé par la saison. Nous avons passé la porte pour arriver dans les vignes. Le soleil à la verticale écrasait nos ombres. C'est là, dans la lumière crue de midi que nous avons fait un serment. C'est un peu ridicule un serment d'amour à vingt ans quand on ignore tout de l'amour. Mais nous n'avions pas le sens du ridicule, pour voir le dérisoire de nos promesses.
Après tout ce temps, avons-nous failli à nos paroles ? Lui, peut-être mais pas moi, je rêve encore de lui.