L’école ménagère (Caro_Carito)
Sa mère lui avait passé la brosse dans ses cheveux. Prête, dans sa chemise de nuit fleurie, elle n’avait plus qu’à se glisser sous l’édredon. Un chapitre d’un livre rose qu’elle lirait avant d’éteindre la lampe. Demain, elle natterait ses cheveux. Il lui faudrait vingt minutes pour arriver au collège. En chemin, Maria et François la rejoindraient.
Ils réviseraient en marchant l’interro du jeudi. Des déclinaisons allemandes. Ils divagueront sur les copies que leur rendrait la prof de français. Sandrine savait que sa note ne dépasserait pas la moyenne. Il y avait dans le regard de cette femme, une sentence muette qui la clouait sur place et indiquait la barre qu’aucune note ne franchirait, quelque soient ses efforts. Devant cette silhouette courtaude, elle se sentait devenir idiote, comme quand son père rabâchait à sa mère, qui trimait entre ourlets passepoilés, fronces et patrons, que les femmes n’étaient bonnes qu’aux affaires la maison.
Treize heures trente. La sonnerie annonça le cours d’Éducation manuelle et technique. Le premier trimestre n’avait pas été très glorieux, une session cuisine où elle avait aligné des gâteaux épais et des gougères plates comme des limandes et la création d’un circuit électrique de guingois. Là, il s’agissait de la partie couture où Sandrine se trouvait encore plus godiche que devant son dernier sujet de rédaction. Elle avait dû recommencer trois fois la coupe des tissus de la pochette matelassée que les élèves étaient censés vendre à la kermesse. Aujourd’hui, toute la classe devait s’installer derrière la machine à coudre. C’est quand elle appuya sur la pédale qu’elle sût que les séances restantes allaient être un enfer. Ce truc était un engin du diable que rien ne pouvait arrêter. Elle faillit se piquer les doigts, créa laborieusement un matelassé psychédélique. Elle réussit à casser l’aiguille lors de sa dernière tentative. Finalement, la machine partit à la réparation puisqu’elle avait réussi à coincer un nombre incalculable de fils dans la petite trappe qui contenait les engrenages.
Elle ramena pour Pâques un bulletin peu glorieux. Ses parents haussèrent les épaules avant de replonger dans le feuilleton du vendredi soir. Elle aurait sans doute éclaté en sanglots, le visage enfoui dans son coussin… s’il n’y avait pas eu cette remarque du prof d’EMT : il vaut mieux que Sandrine se consacre aux maths et à la physique plutôt qu’à un quelconque travail manuel. C’était là où elle trouverait sa place. Elle se dit que c’était la première fois qu’une note exécrable lui procurait autant de plaisir.