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Le défi du samedi
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26 juin 2010

A quoi ils jouent ? (Venise)

Je dépliais la carte d’état major sous l’arrêt de bus.

- Je te dis qu’on s’est pommés entre le quai de Churchill et l’avenue Willy Brant.

La saharienne que je portais était trempée comme une soupe. Ce violent orage nous avait rabattus sur cette impasse et mon écharpe de coton blanc ressemblait à une serpillère.

Mon ami me dévisageait comme s’il me voyait pour la première fois. Les plis de son visage étaient des rigoles qui se jetaient dans ses paupières désespérées.

Il me parlait comme si j’étais son vieux pote.

- T’en fais pas, on a de quoi tenir une ou deux bonnes heures avant qu’ils ne lâchent les lions !

- Comment ça les lions ?

-  Je te parle de la police.

J’avais du mal doser le gin-fizz du midi. Il ne savait plus lire une carte et la nuit commençait à tomber. J’aurai pu m’échapper de ma vie banale en prenant un amant ou partir par une porte dérobée en planant avec un solex le long d’une falaise. Mais voilà l’option safari urbain m’avait paru alléchante comme offre.

De toute façon, il avait raison. Avec deux ou trois lampes de poche, on devrait retrouver l’hôtel.

Et tout ce dont on ne serait pas sûr, on le jetterait à la poubelle ; les infos bidon, les horloges qui donnent la mauvaise heure, les panneaux en tout genre qui se moquent de nous ; bref toutes ces conneries vertueuses dont l’hystérie contemporaine avait besoin.

On s’en remettra à la boussole et au soleil, avait dit mon ami. Le problème, c’est qu’il pleuvait comme vache qui pisse.

A qui profite le crime, me disais-je en pensant au dépliant de l’agence qui nous avait vendu ce voyage.

Personnellement, cette question ne m’intéressait pas. Moi, je voulais simplement poser mes valises dans l’hôtel de luxe qui s’était évaporé en plein milieu de Manhattan.

Mon compagnon ne partageait pas cet avis, il ne se contenterait pas d’un voyage boueux.

- Bonsoir, me dit un individu. Vous ne me posez pas la question ?

- Quelle question ?

- Pourquoi je me suis assis à côté de vous ?

- Je n’en sais rien.

- Pourquoi et quand les mongols ont-ils envahi l’Asie ? Cette question est importante à l’étape du jeu.

- Quel jeu ? m’entendis-je répondre sous cette pluie battante.

L’homme bondit de joie !

- Mais l’agence ne vous a rien dit ? Il n y aura pas de billet retour pour les perdants…

Quelque chose s’était déréglée dans le cours de notre vie. On ne savait pas quand ça avait commencé.

Pris par l’inondation, nous nous étions refugiés dans la bouche de métro dans laquelle nous vivions depuis cinq ans maintenant.

 

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Commentaires
K
Merci pour Leonard Cohen, j'adore même les titres de ses chansons !<br /> Un jour, peut-être, j'arriverai à mettre un "lien" dans un texte...<br /> Les inondations ? Ah, oui, Venise, bien vu !;)
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C
Effectivement, il vaut mieux prendre un amant ! :-))
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J
J'aime beaucoup l'atmosphère étrange de ce texte.
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J
Evidemment, avec Leonard Cohen au bout, c'est normal qu'on se retrouve au 36e dessous ! Ton récit colle merveilleusement à son univers !
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F
Carrément barré ouais ! Me fait penser à Substance Mort.
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M
Un récit fantastique à souhait !!!
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T
les risques insensés que prennent les gens quand même ! belle fable.. urbaine
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W
Est-ce bien prudent de se réfugier dans le métro lors d'une inondation ? Vous êtes une vraie aventurière, ma parole !
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J
Bien déjanté, juste comme il faut !!! Bravo !
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