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5 juin 2010

De passage (Papistache)

Monsieur Courlis collectionnait les buvards publicitaires. Des milliers, des dizaines de milliers de buvards, tantôt rangés dans des classeurs, tantôt dans de grandes boites rectangulaires, occupaient le moindre espace disponible de sa grande maison cévenole. Monsieur Courlis avait même fait ajouter une aile à l’imposante bâtisse pour stocker le fruit exponentiel de ses inlassables recherches.

Petites annonces, vide-greniers, brocantes, revues spécialisées — il était même abonné à deux magazines, l’un russe et l’autre japonais, dont il ne parlait pas la langue — et, depuis l’avènement de l’ère informatique, forums, sites et blogs, rien n’échappait à sa fièvre. Monsieur Courlis était LA référence internationale en matière de buvards publicitaires.

La nuit du 27 août 2009, un orage d’une ampleur exceptionnelle, creva dans les montagnes qui surplombaient son village ; une masse de plusieurs millions de m³ d’eau engorgea le lit du torrent qui traversait la bourgade.

Au petit matin, les secours dénombrèrent trois-cent-vingt-sept victimes. Monsieur Courlis était du nombre.

Quoi « les buvards  » ?
Ne me dites pas que vous avez cru que j’allais vous promener dans un conte de fées ?
Si ?
Vraiment ! Que lèvent le doigt tous ceux qui ont pensé que le Papistache oserait se fendre d’une histoire où une collection de buvards, même de référence, endiguerait la crue d’un torrent cévenole.

Non, je suis désolé de vous décevoir, mais un auteur est responsable de ses personnages (voyez combien nombre d’entre nous répugnent à faire souffrir leurs protagonistes), si j’avais laissé survivre Monsieur Courlis à la destruction de sa collection (fût-ce pour sauver la vie de ses concitoyens) je m’en serais profondément voulu, l’accablement dans lequel je l’aurais plongé m’aurait ôté le sommeil.

Certes, j’aurais pu vous bercer d’illusions en développant l’idée que Monsieur Courlis, pour avoir tant d’années accumulé ces milliers de buvards, aurait lui-même développé une faculté d’absorption phénoménale et je vous aurais dit comment, pour sauver sa collection, il aurait tant gonflé qu’il aurait obstrué la vallée et qu’incidemment, bien qu’égoïstement devenu hydrophile, il serait devenu le héros du Languedoc-Roussillon, que la population reconnaissante lui aurait élevé une statue de cellulose au sommet de l’Espinouse et que... pffff ! Comment voudriez-vous que j’aie eu ne serait-ce que le dixième de l’inspiration nécessaire à ce puéril fatras ?
Hum ?

Non, croyez-moi, la réalité, pour dure qu’elle soit — pour dure qu’elle est — en imposera toujours aux calembredaines. Ah ! Monsieur Courlis se fût nommé Perdreau, il eût collectionné les bouchons de liège, je ne dis pas, que peut-être, profitant de l’étranglement du vieux pont romain situé en amont de la première maison du bourg, un barrage se serait formé et que... mais il aurait fallu que, circonstance toute littéraire, la maison de monsieur Perdreau fût bâtie en dehors du bourg et précisément entre le sommet de l’Espinouse et le resserrement du pont romain, c’était solliciter de trop nombreux artifices et jamais l’idée ne m’en serait venue.

Non, tant pis. Monsieur Courlis est mort. C’est la vie !

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Commentaires
R
oups ! c'est pas bien se rire du malheur des autres...<br /> mais là, c'est trop<br /> amusant<br /> .... pardon pardon
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V
En couvrant le texte pour le découvrir, j'ai imaginé un écrivain qui faute de papier finissait par écrire sur sa collection de buvards...<br /> Peut-on vraiment être sûr que les écrits restes?!<br /> Sourire<br /> Vanina<br /> <br /> J'oubliais, si mon imagination s'est égarée, votre texte m'a remis dans le droit chemin!<br /> ;-))
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P
c'est amusant, je viens de lire à propos d'un auteur que j'aime beaucoup qu'il évitait de "reprendre" ses personnages d'un roman à l'autre parce qu'il trouvait cruel de les faire souffrir plusieurs fois... et vous avancez le même type d'argument pour "épargner" votre collectionneur en le tuant (non non, ce n'est pas paradoxal).<br /> Indépendamment du florilège que vous nous servez là et dont je me suis délectée, j'aime bien cette idée-la !<br /> (oui, c'est long et pas très intéressant, je sais, mais moi ça m'a bien intéressée cette coïncidence... ;o)
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K
Sympathique, cette encre sympathique !<br /> Quel plaisir de découvrir le changement de ton et d'entendre l'auteur/narrateur se rapprocher ainsi du lecteur/de nous !<br /> L'idée était déjà géniale : collectionner les buvards dans une zone de pluie cévenole, alors là !
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J
Imbibé, le pauvre courlis, sa collection- malgré tout- n'était pas suffisante !
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W
"Jamais l'idée ne m'en serait venue"... et il ose l'écrire, tout il nous aura fait !
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K
Il n'y a pas que les lèvres Papistache , les joues<br /> et autre endroits pour des bisous... mais je ne serai pas usée par cela , ce qui m'userait serait d'en manquer, je me ressource de cette manière, je vais charger mes batteries aux sources des baisers..<br /> M Courlis aurait du collectionner autre chose , et les buvards ces ingrats n'ont même pas épongés<br /> la coulée .. ça aurait pu lui sauver la vie , tout compte fait je préfère mes bisous....
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F
Je reste sur ma fin... mais celle-ci me plaît bien aussi.
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V
voilà comme j'aime les écritures aspirées par le récit lui même laissant le lecteur non pas sur sa faim mais libre de son évocation .<br /> les buvards ne sont pas bavards!!!
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J
C'est ta boule à neige ? ;-)
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T
Je savais bien que ça sert à rien les collections ! Bravo Papistache de ce conte moral et édifiant : "rien ne sert d'amasser il faut mourir à point"..
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M
Eh bien voià un compte de fait !!!! Un règlement de conte ?
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C
Si vous aviez écrit les fins suggérées, vous auriez écrit du Roald Dahl. Là, c'est plaisant comme du Papistache. Mais tout de même, un conte de fée... non ? :-)
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J
Don't be cruel ! Papistache s'en charge ! ('tain, qu'est-ce que ça peut faire mal aux yeux cette écriture à l'encre sympathique, tu trouves pas, Pécuchet ?)
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V
"Qui a bu boira" (Philippe Buvard)
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Z
double détente ! qu'il est bon de vous voir sans pitié pour vos persos...<br /> de plus plein de jeux de mots consternants se pressent de on matin dont par ex"mieux buvard que jamais"
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T
Comme vous êtes cruel avec vos lecteurs ! :-)<br /> Et que c'est bon, la cruauté !
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