UN ETRANGE COLLECTIONNEUR (Martine 27)
Partie ce jour là pour une longue promenade, la jeune fille avait croisé, au détour d'une route, son regard noir et insondable.
Elle était restée un instant pétrifiée, perdue dans ce lac sombre. Puis secouant, la tête elle avait réussi à repartir, mais la balade était gâchée. Bien malgré elle, sans cesse ces yeux venaient s'imposer à elle.
Pendant plusieurs jours elle n'arrêta pas de penser au regard de cet homme étrange. Allait-elle oser retourner se promener là où elle l'avait croisé ?
Pas question, il fallait oublier.
Mais plus facile à dire qu'à faire, sans cesse le regard hypnotique apparaissait devant elle aux moments les plus divers.
Un lundi, elle ne vint pas au travail. Ses collègues ne s'inquiétèrent pas trop le premier jour, mais le second ils tentèrent de la joindre au téléphone. Pas de réponse. Le troisième, ils réussirent à contacter ses parents et ils apprirent la terrible nouvelle.
La jeune fille avait disparu pendant le week-end, laissant derrière elle son appartement ouvert. Rien ne semblait avoir été volé et il n'y avait pas trace de lutte. L'inquiétude de ses proches était à son comble et en dépit des efforts de la police, on ne retrouva pas traces d'elle.
Pas plus, d'ailleurs que celles d'autres personnes, jeunes, âgées, hommes ou femmes qui disparurent tout aussi mystérieusement dans les mois qui suivirent.
Pendant ce temps, la jeune femme s'était éveillée dans un espace noir et clos. A tâtons, elle voulu faire le tour de sa cellule. A peine un pas, elle ne pouvait que se tenir debout, sans pouvoir bouger.
Elle hurla, appela au secours, insulta celui qui la tenait enfermée. Mais rien. Pas un bruit, si ce n'est parfois le léger murmure d'une voiture qui passait non loin.
Elle n'avait plus aucune notion du temps, elle ne ressentait aucune envie, ni faim, ni soif, ni besoins naturels. Rien, si ce n'est parfois l'oubli provisoire dans un sommeil agité.
Puis, il lui sembla percevoir les cris et les pleurs d'autres personnes. Elle cria à son tour, mais la communication fut impossible.
Quelques temps passèrent encore et en se réveillant d'un de ses sommes pesants, elle perçu un changement dans son environnement. Devant elle, ce n'était plus de la pierre qu'elle sentait, mais une surface polie comme du verre. Un léger reflet de lumière arrivait jusqu'à sa geôle.
Et toujours, en fond sonore, le bruit des voitures, les cris et les pleurs.
Il y avait bien longtemps qu'elle ne cherchait plus à comprendre où elle était et qu'elle avait abandonné tout espoir de fuir, quand une lumière diffuse éclaira la cellule qui l'emprisonnait.
En face d'elle, elle distingua un homme, une autre femme et un enfant qui, comme elle, se tenaient debout et raides dans leur propre "boite". Leurs yeux hagards la détaillèrent.
Brusquement, dans le couloir qui les séparait passa une ombre, une ombre avec des grands yeux noirs immenses, des yeux qui les dévoraient plein de plaisir, admirant les visages, les corps de ses acquisitions.
Des yeux qui les caressaient, leur disait tout l'amour qu'ils portaient à sa magnifique collection. Et dans les yeux des prisonniers la dernière lueur d'espoir s'évanouit.
Tous se rappelèrent cet étrange tag qui, sur le bord de la route, les avait attirés, fascinés.
Ils comprenaient maintenant que cet être quel qu'il soit, les avaient pris dans sa toile comme une monstrueuse araignée et que jamais plus ils ne connaîtraient la liberté, sauf peut-être si le mur qui l'accueillait venait à être détruit !
(PS - Cette photo a été prise lors d'une de mes promenades, je peux vous dire que ça fait drôle de se retrouver face à une image de ce style aussi grande que vous)