Mais nous on ne trempe pas nos tartines dans la chicorée… (Adrienne)
Cet après-midi-là, on donnait un péplum à la télé. C’est toujours agréable à regarder, les péplums, des hommes en jupette laissent admirer leurs muscles et c’est si simple à suivre qu’on peut se faire un thé à la cuisine, répondre à quelques mails ou passer un coup de fil sans perdre celui de l’histoire.
Simple, reposant et parfois même instructif. « Vare, legiones redde ! » déclame César Auguste à la tête coupée de son général Varus, sous prétexte qu’il lui a fait perdre deux ou trois légions en Germanie. Sauf qu’à l’écran c’était une version doublée en allemand.
C’est à ce moment-là qu’on a sonné à la porte. Deux policiers. Un homme et une jeune femme. J’avais envie de leur faire un grand « Ave César » mais ils ne sont ni en jupette, ni musclés, ni venus pour rigoler. Petite enquête. On a trouvé aux alentours de fortes doses d’un poison mélangé à de la viande hachée. On a trouvé un renard mort. Un chien mort. Pourraient-ils entrer un instant, juste quelques questions à poser. Mais bien sûr. Nous voilà dans le couloir, je referme la porte derrière eux.
C’est alors que j’ai vu leur regard : l’effroi. L’épouvante. Ils me regardent avec une horreur hagarde. J’en reste pétrifiée moi-même. Je ne comprends pas. Est-ce moi qu’ils regardent ainsi ? Je me retourne. Il n’y a personne derrière moi. Le couloir, le portemanteau, un petit meuble, quelques plantes, un cadre au mur… Non, c’est pour moi, cette frayeur panique dans leurs yeux ronds et exorbités.
L’homme se racle la gorge et déglutit péniblement. La jeune femme est déjà toute pâle, on dirait qu’elle va se trouver mal. Elle tient sa main devant sa bouche.
Et là, dit-il en montrant la porte qui va vers la cave, qu’est-ce qu’il y a là ?
Je me dirige vers la porte de la cave et l’ouvre en grand pour leur permettre de voir que je n’y cache rien d’illicite. Pas de mort-aux-rats. Pas même des granulés anti-limaces. Rien. Aucun poison. La provision de pommes de terre. Les confitures. Quelques sacs de croquettes pour chats…
Ah ! dis-je, soulagée d’avoir enfin compris d’où vient leur malaise, ça doit être le maroilles qui vous fait cet effet-là ! C’est vrai qu’après un moment on s’habitue à l’odeur, mais quand on vient de l’extérieur, ça surprend, n’est-ce pas ?
Et je leur ai mis sous le nez l’assiette sur laquelle un beau maroilles enveloppé dans un linge humide exhalait ses effluves pédieuses.
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Addenda pour ceux qui veulent prendre un bain (de pieds) dans la culture chti :
Plus qu’cha pue et plus qu’ch’est bon http://www.youtube.com/watch?v=b7soKsdM4zo
La tartine avec le maroilles qu’on trempe dans la chicorée au petit déjeuner http://www.dailymotion.com/video/x4itk9_bienvenue-chez-les-chti_shortfilms
Mais moi qui suis Belge, la prochaine fois, j’enverrai à César Auguste du fromage de Herve ou de Bruxelles. Ceux-là, pas besoin d’y mettre les pieds ;-)