Parlez-nous de vous (Pivoine)
Et pourquoi pas de trois jours majeurs dans ma vie ?
Quand, dans la grande salle Art Nouveau de "l'Ecole normale de l'Etat", au carrefour de deux avenues, ixelloise, uccloise et forestoise, le 25 juin 1981; quand, dans le silence le plus complet, le coeur battant sous mon petit tailleur de jeune fille chic, et complètement ignorante de moi-même, - et pas que de moi-même, d'ailleurs- j'ai entendu que j'avais obtenu mon diplôme de futur prof de français avec une mention.
Quand, au terme d'un certain nombre d'heures qu'on appelle le travail, j'ai passé une porte et suis entrée en salle d'accouchement. Quand j'ai vu la tête du bébé, dans un miroir et quand, dans cet ultime effort qu'on ne peut pas décrire, qui vous conduit à la fois au plus profond et au-delà de vous-même, l'enfant a atterri dans les mains du médecin, des infirmières, du papa; quand les lumières se sont brusquement éteintes; quand le silence s'est enfin fait; quand on a posé l'enfant contre mon épaule, et enfin, quand j'ai senti ses paupières veloutées ourlées des plus longs cils que j'aie jamais vus... glisser le long de mes joues...
Quand, en mars 2002, dans le cabinet d'un sénologue, je ne pouvais que regarder le mur en face de moi. Et la silhouette du médecin qui se découpait sur ce mur. Quand il m'a expliqué que j'avais une tumeur et qu'on allait m'opérer, faire de la radiothérapie et, peut-être, une chimiothérapie (parce que j'étais jeune). Je ne pouvais que regarder le mur en face de moi. En l'espace d'un instant, j'ai vu ma propre mort, je suis passée par ce "direct" sur la mort - pour naître aussitôt à une vie où il me faudrait travailler la guérison -ou non- de la maladie.
Mais ce que j'allais laborieusement découvrir, c'est que dans cette vie-là, je serais toujours accompagnée.