Il y a sans doute quelque chose.
Il y a sans doute quelque chose d’inconvenant.
Il y a sans doute quelque chose d’inconvenant dans le fait de s’attacher à une personne.
Il y a sans doute quelque chose d’inconvenant dans le fait de s’attacher à une personne qui vous est étrangère.
Il y a sans doute quelque chose d’inconvenant dans le fait de s’attacher à une personne qui vous est étrangère et qui est morte.
Il y a sans doute quelque chose d’inconvenant dans le fait de s’attacher à une personne qui vous est étrangère, qui est morte et je ne sais pas s’il est convenable de faire de la littérature à partir de cet attachement.
Mais moi, voyez-vous, je ne suis peut-être pas un individu convenable et depuis le jour d’octobre ou novembre 1997 où j’ai fait sa connaissance, je voue à Isaure Chassériau un culte très particulier.
Comment ? Vous ne connaissez pas Isaure Chassériau ?
Accepterez-vous qu’un amoureux échevelé du mensonge sur Internet vous livre quelques vérités à son sujet ? Oui ? Alors continuez à lire !
Isaure Chassériau est née en 1818 et a vécu un certain nombre d’années sur la même planète que nous et sans doute même en France la plupart du temps. La seule trace tangible que l’on ait de son passage par ici est le portrait qu’a fait d’elle son oncle maternel, Eugène Amaury-Duval en 1838. Ce tableau, conservé au Musée des Beaux-Arts de Rennes, valut à l'artiste une médaille de première classe au Salon de 1839.
Et après ?
Après, plus rien. Après il faut mener l’enquête, fouiller dans les bibliothèques, faire chou blanc autour de la fille en rose. Après, il faut attendre, comme un pêcheur. Appâter. Prêcher le faux pour obtenir le vrai.
Désormais le vrai arrive par Internet. Le vrai est maigre, à croire qu’Isaure a toujours voulu disparaître sans laisser de traces. Vais-je en trouver plus dans le livre que j’ai commandé à M. Emmanuel François ? Il s’intitule "Les châtelains de Linières à St André Goule d'Oie". Inutile de vous préciser que ce château de Linières n’existe plus, lui non plus.
Chez Mme Nathalie Chassériau, une sympathique descendante, j’ai trouvé le récit de la fin d’Isaure ainsi que d’étranges histoires familiales. Si vous aimez la psychogénéalogie et la philosophie, allez-y. Cela s’appelle Vive la lenteur. Je souscris !
J'ai aussi été en contact avec l'épouse d'un ambassadeur de France dans un pays du Proche-Orient. Cette dame connaissait des tas de chose sur cette famille et sur cette période. Elle signait "Cousin Frédéric"
Finalement, malgré le côté farfelu et peut-être macabre du projet, je ne regrette absolument pas d’avoir accumulé autant de matériel littéraire fantaisiste autour des aventures d’Isaure Chassériau.
De l’enquête sur sa disparition en 1999 de sa toile au Musée des Beaux-Arts à sa traversée des siècles à bord de Tornado en compagnie des frères Park, sans oublier ses interviews truffées de recettes de cuisine pour le journal « Le Défi du samedi », je suis très heureux d’avoir donné une seconde vie bien plus gaie à cette jeune bourgeoise parisienne à l'air triste.
Je suis certain qu’elle se plaît beaucoup mieux dans sa famille rennaise avec son oncle Camille et toute la bande du café « Le vieux Saint-Etienne ». Même l’Agence de Flânerie Amoureuse de Rennes qu’elle avait dirigée dans les années 60 ne lui manque plus désormais. Peu importe ce qu'est devenu P'tit Louis Alllègre - oui, avec trois "l" ! - qui prenait des photos pour elle. Il avait fini par se faire appeler Lebreton, d'ailleurs. A cause du tueur en série ? Non, à cause de l'ancien ministre !
Rien n’est plus délicieux que de disparaître à soi-même. Moi-même quand je cesse de compter les sous et les titres de Madame Basdelaine, quand je cesse d’écrire des bêtises comme « Il eût mieux valu que je disparusse, dit Walrus » et que je me fais historien d’un jour, je deviens encore un autre homme et ça me ravit. "Oh oui, ravissez-nous", disaient les Sabines pour qu'on les enlève.
Le Joe Krapov de votre choix peut bien s’envoler, lui aussi. Marina trouvera toujours dans sa vie et dans son lit un des valeureux choristes de l’Armée rouge qui ne font que se succéder à l’intérieur de ce corps au cerveau dérangé !