Mensualités (Virgibri)
Depuis quelque temps, j’égraine les secondes, j’acrobate les minutes, je mordore les heures, j’arrose les jours pour qu’y poussent des fleurs.
Depuis quelque temps, je combats le temps. Il s’étire en longueur devant mon écran, à tel point que je ne vois aucun de ses bouts.
Depuis quelque temps, je fais pousser devant chez moi l’espoir d’heures volées au quotidien. Les bulbes tardent à monter au balcon de mes espérances.
Depuis quelque temps, mes nuits sont plus courtes que les battements de mes journées.
Depuis quelque temps, je regarde mon corps s’écouler, partir vers un autre fleuve, plus au sud, et mes yeux pétiller au champagne de mes envolées.
Depuis quelque temps, il me suffit d’entendre un rire éclater au bout d’un fil pour arrêter le temps.
Depuis quelque temps, j’ai mis le passé de côté, pas très loin, mais de côté, pour marcher sur un sentier de traverse qui avance.
Depuis quelque temps, je souris bêtement à mon fond d’écran, lisse mais profond, qui me rassure lumineusement.
Depuis quelque temps, je gangrène l’attente, je pourchasse les dates, je projette les semaines, je mensualise l’amour.
Depuis quelque temps, je dévide la bobine du rêve ; aucun nœud à y faire pour l’arrêter mais beaucoup à recoudre.
Depuis quelque temps, je suis la maîtresse de l’âge d’or, je suis la trentenaire éternelle, je suis le tourment temporel qui s’allège.
Depuis quelque temps, je suis gérante du bonheur au compte-goutte, comptable des mots doux, répertoire des abonnées présentes.
Depuis quelque temps, je me dis que j’attendais depuis si longtemps, que j’en ai oublié le goût âcre des jours sans rien ni personne à attendre.
Depuis quelque temps, je prie pour que l’on me laisse le temps d’en profiter, pour voir pousser les fleurs et les cueillir à quatre mains, parce que le Temps, le Temps file si vite, parce que le Temps, le Temps est si court, parce que le tant, le tant peut être si long…