Et si un canard s’occupait de l’ours… (Vanina)
Je suis le jeune policier, observateur attentif, qui se tient derrière la vitre sans tain d’une salle d’interrogatoires, dans les bureaux de l’immeuble devant lequel a été retrouvé le fameux nounours. Je vous livre le fond de ma pensée, ma version des faits…
* * *
Sans doute les policiers avaient-ils été prudents : la peur probablement de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Car, avant même que ne paraisse la dépêche, ils interrogeaient un homme ramassé à quelques dizaines de mètres de la porte de l’immeuble abritant les services de la police. Cet homme en pyjama n’avait rien d’un ours mal léché malgré, à l’évidence, son alcoolémie élevée. Lorsque les policiers l’avaient arrêté, l’homme souffrait du tic de l’ours, il ne cessait de se balancer d’un pied sur l’autre, répétant, pour lui-même, être à la recherche de son doudou...
Il tentait de répondre depuis plus d'une heure maintenant aux questions de la police, pendant que son ours lui avait-on dit allait passer aux rayons X. Il semblait ne pas comprendre leur histoire d’attentat.
Il se souvenait être allé en pyjama sous son imperméable, le nounours sous le bras, à une fête thématique, « Retour en enfance », chez d’anciens camarades de classe retrouvés grâce au site Internet « copains d’avant »… Ils avaient écouté de vieux tubes, musiques de leur jeunesse, Led Zep, Franck Zappa, etc. ; lui revenait en mémoire « Teddy bear »… Bien que les évènements de la soirée lui soient flous, il se doutait que pris par l’alcool, la nuit étant douce, il avait dû oublier de récupérer son imperméable en partant de chez ses amis ; c’est pourquoi il n’avait pas ses papiers. Mais, il ne se souvenait plus du tout à quel moment il avait perdu son ours au retour de cette soirée bien arrosée de Bear Beer entre autres. Peut-être l’avait-il posé, au moment où il avait uriné, dans la rue, le long d'un mur en renfoncement...
Le commissaire commençait à tourner comme un ours en cage sentant bien que cette histoire allait le rendre ridicule : il risquait d’être montré comme un ours de foire.
Il commençait à imaginer la presse satirique s’emparant de l’affaire… et titrer :
- « Un ours chez les poulets »
- « Face au petit ours, la police perd le nord »
- « La commissaire épluche la peluche »
- « Dure, dure, d’être doudou… »
- « Bear Beer contre nounours »
- « Ours court ! »
- « Il allait faire la bombe chez des amis avec son ours »
- « Il ne faut pas confondre "faire la bombe" et "aller à une boum" »
- etc.