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Le défi du samedi
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27 février 2010

Qui va piano (Didier)

Elle m’a montré son montage. Une sorte de collage, sur fond beige. Elle semblait en être satisfaite. Sur le coup, franchement, j’ai reculé. Puis j’ai regardé, et regardé encore. Ensuite, j’ai fermé les yeux. J’ai choisi de m’évader.

Je me suis mis virtuellement un morceau de Didier Squiban entre les oreilles, cela collait parfaitement avec ce que je ressentais. Je me suis retrouvé au milieu de prairies verdoyantes et de ruisseaux généreux. Ils voisinaient avec des vagues écumeuses et des pins parasols. Un piano à queue sur une plage. Des enfants qui jouent. Un ballon. Il faisait soleil. Il faisait bon.Je souris en me disant que l’artiste avait aussi cette capacité : nous aider à aller chercher parfois au-delà de nous ce que l'oeuvre fait jaillir de prime abord. Cela méritait quelques efforts de notre part. 

J’ai de nouveau ouvert les yeux. Elle n’avait pas bougé. Comme suspendue.

Elle me demanda finalement : Alors, tu en penses quoi ?

Je lui dis : Je ne sais pas encore.

Elle insista, un peu : oui, mais tu aimes ou tu n’aimes pas ?

Je secouai la tête. Fermai les yeux de nouveau. Tout était là, en place. Je les rouvris.

Tu sais, Laure, je crois en fait que je ne vais pas te répondre.

Elle blêmit. Je me sentais un peu vache. Je ne pensais pas qu’elle jouait l’ensemble de son existence dans les deux secondes qui venaient. Cela semblait exagéré. Ne l'était peut-être pas.

Je m’expliquai : Je ne vais pas te répondre parce que je crois que ce n’est pas la bonne question, aimer ou ne pas aimer. Je ne sais pas quoi dire à cela.

Elle tenta une dérivation, sautant sur l’occasion. C’est façon de parler, bien sûr.

Un bout de sourire était apparu sur les vestiges de la grimace précédente. Ca faisait un drôle de tableau.

Je poursuivis. Ce n’est pas la bonne question parce que je crois que la création, la tienne, la mienne, c’est d’abord quelque chose qu’on a en soi, quelque chose qu’on a envie de sortir de soi. C’est un message, un langage, qu’elle chose qu’on exprime. C’est le plus important. Après, on montre ou ne montre pas ce qu’on a créé, mais c’est déjà autre chose. Faut pas mélanger les regards. Les artistes devraient essayer de dire ce qu’ils ont voulu faire. Ca ne serait pas pour nous aider à comprendre. Mais pour nous aider à savoir si nous allons ou pas dans une direction.

Je la regardai. J’observai de nouveau son montage. Je lui dis : C’est ma réponse, et crois-moi, elle n'est pas si évidente que cela. Parce que… comment dire... parce que Je me dis, si ça se trouve, elle a mis des heures et des heures à créer cela, elle a un espoir immense, elle va peut-être pleurer en partant de cet hôpital. Je pourrais dire autre chose, bien sûr. Mais ce serait te mentir. Et ça je ne le veux pas. Non, je ne le veux pas.

Elle pianotait des doigts sur le radiateur pendant que je parlais. Je souris en mon for intérieur de la coïncidence, elle et son radiateur, moi et mon pianiste.

Allons boire un verre, si tu veux bien.

Il était temps de prendre un peu l’air. L'air du temps qui passe. Du temps suspendu.

Au fait, c’est qui Olivier ? je lui demandai.

Elle rougit.

Ambiance musicale

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Commentaires
C
étonnante et réussie interprétation de la consigne. L'auteur comme le héros s'en sort avec brio.
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C
Un beau texte sur la "difficulté" d'être proche de celui qui crée ! Mais "les artistes devraient essayer de dire ce qu'ils ont voulu faire"... hum, je crois plutôt qu'ils doivent accepter qu'il y ait d'autres regards possibles que le leur sur ce qu'ils ont fait... et que parfois ça ne parle pas à certains, même si ce sont des proches... C'est compliqué, certes ! :-)
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S
Un texte qui donne à réfléchir, bravo Didier !
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W
Un texte très beau et très intéressant, il devrait plaire à notre amie Pivoine.
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V
Finalement la critique n'est pas si aisée que ça... surtour quand on connait l'artiste!<br /> Un texte touchant<br /> Sourire<br /> Vanina
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V
l'art est difficile la critique est aisée ce texte illustre ce paradoxe
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J
elle va peut-être pleurer en partant de cet "hôpital" : Qui va piano va sana, alors ?<br /> <br /> Bienvenue chez les Déménageurs bretons !
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P
En tout cas Didier, c'est sympathique d'avoir répondu au défi de Tiphaine et de nous montrer un peu de l'intimité d'un ami de Tiphaine.<br /> Revenez quand vous voulez !
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M
Pour ne pas mentir, mieux vaut ne rien dire ! Comme c'est bien exprimé et la musique est extra !
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K
Très beau texte sur lequel je reviendrai sûrement...<br /> Quand à la musique: très heureuse de la découverte.
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D
Phénomène chapeau rond ? En tout cas, on est plusieurs à avoir pensé Bretagne ! <br /> Comme quoi la chanson trotte dans nos têtes !<br /> Content que Squiban en fasse partie !
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V
J'ai aussi aimé l'illustration sonore. Bravo
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A
beau texte!
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J
J'aime BEAUCOUP cette musique !!! Je reviendrai demain relire ton texte AVEC, mais il tient la route tout seul.<br /> <br /> Je comprends tout à fait l'hésitation du narrateur qui a dû, comme moi, grandir au Mid-West, où si tu ne sais rien dire de sympa, tu ne dis rien.<br /> <br /> ;-)<br /> <br /> Beau texte !
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T
;-) (c'est tout!)
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