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Le défi du samedi
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19 décembre 2009

Oh, n'arrivez pas trop vite... (Virgibri)

Cela ne date pas d’hier. Et ça ne cessera pas, je le sais, malgré mes airs désabusés, mes déceptions, et le reste.

Il y a longtemps, bien avant internet et sa simultanéité, il y avait les lettres. De vraies lettres. Les enveloppes étaient enluminées, les timbres vivaient leur vie colorée et gracieuse, l’écriture emplissait mon regard et donnait souffle à ses pages souvent parcheminées, de vélin délicat, de grenat, de curry ou d’une tonalité quelconque.

Et la magie opérait : pour une lettre envoyée, il y avait un retour. Je comptais les jours : deux voire trois pour la réception de ma missive, autant pour recevoir un écho splendide à mes bafouillages. Il fallait donc une semaine au minimum. Généralement, l’attente fébrile n’était jamais déçue.

J’avais beau savoir que rien n’arriverait avant huit jours, dès le lendemain du petit cliquetis de la boîte qui avait avalé ma production épistolaire, je guettais. Je savais que le facteur passait vers onze heures. Parfois, je descendais pour une quelconque raison nos quatre étages, et je m’armais de cette petite clef sur le trousseau, bien tenue dans la main, pour ouvrir la boîte aux lettres magique. Le moment le plus délicieux était celui où, plantée là, devant les casiers du hall, je voyais un pli épais dépasser de la fente. Ou celui où j’imaginais que la boîte était remplie de surprises.

Plusieurs de mes amis fonctionnaient sur le même mode. J’avais donc aussi des chances de croiser les courriers, et d’en recevoir un alors que je venais d’en poster un autre.

Parmi ces amis, il y avait une danseuse, une calligraphe, une photographe, des camarades de colonies de vacances, des amis Sénégalais, d’anciens professeurs… Une multitude de possibilités et de merveilles à découvrir.

Et je rêvais de recevoir une lettre d’amour, un courrier extraordinaire de quelqu’un que je ne connaitrais pas et qui me dirait comme il m’aime… Parce que, de toute façon, les lettres sont toujours des lettres d’amour.

Il y a eu cette fois où mon amie V. a dû se faire opérer du genou pendant les vacances d’été, en 1997. Je partais trois semaines travailler en tant qu’animatrice de colonie de vacances : je savais que je n’aurais pas le temps de lui écrire. Alors j’ai anticipé : j’ai créé environ quinze courriers à l’avance, sur lesquels j’avais fixé des post-it. Ma mère avait les dates auxquelles il fallait les envoyer. Une lettre tous les deux jours. Quand V. a émergé après l’anesthésie il y avait une pile de courriers sur son chevet.

Ou encore, quand j’ai passé l’Agrégation en dilettante, et que j’ai écrit une lettre sur une copie, au lieu de composer en dissertation…

Copie_agreg

Aujourd’hui, on estime qu’internet, c’est de la communication. Mais rien ne vaudra jamais le bonheur de l’écriture reconnue, l’attente fébrile avant d’ouvrir délicatement une enveloppe, le bruit du papier frotté contre les doigts impatients…


Je ne me vois pas imprimer mes mails ou mes sms, aussi beaux fussent-ils. J’ai gardé des dizaines de courriers au goût de cannelle dans des boîtes d’archives.

Parfois, bien plus rarement qu’autrefois, je me fends de ce qui est un effort au lieu d’être seulement un plaisir, et j’écris. Une amie a survécu à cela, même si nos échanges sont de plus en plus sporadiques.

J’écris pour être lue, pour donner et pour recevoir. Pourtant, je ne descends plus au courrier juste pour cela. J’allume mon ordinateur…

Mais ça ne cessera pas, je le sais, malgré mes airs désabusés, mes déceptions, et le reste.

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Commentaires
V
Je ne vois rien ces temps-ci, et cela me trouble... Et Ed est une zélée lectrice, oui. Merci à vous.
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P
J'avais lu, Virgibri, chez vous, l'observation de votre zélé(e) (un ange ?) lecteur (lectrice), j'attendais le feu vert,je peux aller me reposer.
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V
L'un de nos gentils administrateurs pourrait-il remplacer un mot par un autre dans mon texte, siouplè ? Comme je fatigue en ce moment, je fais pas mal de lapsus : il s'agit d'anesthésie à la place d'amnésie, évidemment... Mille mercis !
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J
Je trouve que ce texte voisine assez, dans l'esprit, avec celui que j'ai déposé ici cette semaine. Le livre numérique nous fera peut-être perdre demain le plaisir du livre papier comme le courrier électronique a fait diminuer notre pratique de la correspondance et donc disparaître toute une gamme d'émotions qui accompagnaient ces échanges comme tu le décris si bien ici. <br /> <br /> Personne n'y coupe ou n'y coupera au nom du "il faut bien vivre avec son temps", et nous les premiers qui, quel que soit notre âge, nous sommes emparés de ces nouveaux outils. L'essentiel est bien de conserver à Livreville, Rennes, Paris ou ailleurs, la curiosité, la circulation et l'ouverture aux autres plutôt que la vie derrière des écrans, la technicité pour la technicité et la fermeture des frontières, par exemple.<br /> <br /> Houlà ! "Poncifiant", le Krapov ! Poupoune va encore être attristée si elle repasse par là !;-)) <br /> <br /> Allez, soyons drôles à nouveau : voici ce avec quoi tout ce chantier de modernité destructrice a démarré : <br /> http://images.google.fr/images?hl=fr&source=hp&q=t%C3%A9l%C3%A9cran&um=1&ie=UTF-8&ei=YUQuS9GAIY-w4QaJ8amPCQ&sa=X&oi=image_result_group&ct=title&resnum=4&ved=0CCEQsAQwAw
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V
"J’écris pour être lue, pour donner et pour recevoir"<br /> Je suis tellement d'accord avec ça, Virgibri sans renier internet et l'ordi. Je ne trouve l'inspiration qu'au clavier...
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W
C'est bien vrai, Tilu, moi, ça me rappelle que durant mon service militaire, j'écrivais à ma fiancée au verso des feuilles de calcul du bureau de tir ;-)
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T
J'ai encore un gros carton avec les lettres quasi quotidiennes que nous nous envoyions, Ex et moi ... Un jour, notre fille les lira...<br /> <br /> Nos jeunes ados ne connaissent plus ce plaisir ... dommage !
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T
Beaucoup de nostalgie dans ce joli texte.... j'ai l'impression que ça nous rappelle à tous beaucoup de choses.. J'ai gardé ce petit pincement au coeur, ce zeste de fébrilité quand j'ouvre ma boite mail...
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M
Oui, Virgibri, je reprends le commentaire de Valérie ... l'attente des VRAIES lettres dans une VRAIE boîte aux lettres !!! Le pas du facteur, le guet en haut de l'escalier ! Il faut que ce soit moi la première à descendre les deux étages pour trouver LA lettre, SA lettre !!!!! Tu m'as fait revivre tout cela. Merci !!!
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P
La tortue "logo" ! Mes filles aussi l'ont découverte en même temps que vous. Elles dessinaient des villes en perspective. C'était un bel outil. Des codes sans fin ? L'art était justement de trouver des raccourcis. C'était un bel outil, avalé par la technicité mais presque aussi zen qu'un jardin japonais.<br /> <br /> Pour ce qui est de faire semblant de ne pas comprendre, je sais, j'ai déjà éprouvé ! "Oh ! n'arrivez pas trop vite..." Je ne suis pas pêcheur à la ligne mais je suis patient... L'attente, disions-nous ?
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V
@ Joye et Tilleul : merci !<br /> @ Val : de rien. Mais tu savais déjà tout cela, je crois. :-)<br /> @ Moon : oui, malheureusement...
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V
L'adresse du joli hall où j'habitais avec mes parents, Papistache ? C'est une adresse morte, en quelque sorte.<br /> L'immeuble d'aujourd'hui est plus modeste, et le hall ridicule, sans ce joli sol de pierre polie.. (Oui, je fais semblant de ne pas comprendre ! Héhé)<br /> Pour information, j'ai découvert "l'informatique" sur des ordinateurs Thomson, des MO 5, à la fin de l'école primaire.<br /> On y apprenait à taper des codes sans fin pour déplacer une sorte de torture basique sur un écran tout bleu...<br /> Je ne suis pas de la génération clavier en main, vous voyez.<br /> J'ai connu les débuts d'internet lorsque j'avais une vingtaine d'années...
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M
Et moi, faute de remplir mes cartons de courrier comme avant, je fais des dossiers de mails, sans rubans, sans senteurs mais avec un petit frémissement tout de même...<br /> Virgibri, notre regard sur la boite à lettres a vraiment changé, tu le dis si bien !
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V
J'ai lu ce texte hier, je crois (c'est la récompense des admins, ça... ne pas attendre!). Je l'ai aimé. <br /> Moi aussi, ado, je jouais ma vie sur des courriers. J'y jouais mes amitiés et quelques fois mes amours aussi. Et c'était bien. Et ce texte me fait penser à tout cela. Merci, Virgibri!
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P
Vous me semblez si jeune , n'êtes-vous pas née un clavier entre les doigts : il semble que non. Aussi acceptez-vous de donner l'adresse de votre boîte, au bas de l'immeuble, dans le hall ?<br /> Jolie chanson.
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T
L'attente d'une lettre... C'est joliment décrit!
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J
Très sympa attention pour ton amie V. !
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