Pauvre comme Job (Tiniak)
Je sais attendre
dans le froid mordant mes pieds tendres
sur le trottoir gelé
à la grille fermée
aussi fermée que moche
en attendant la cloche
Je sais délier
les nœuds inextricables
des ficelles, lacets,
des cheveux pris dans les cartables ;
les langues qui rechignent
l'intrinsèque dans la consigne
et de l'ombilical cordon
le lierre
qui fait de toi leur mère
Je sais répondre
au désir pressant de se fondre
aussi bien parmi les bosquets
où débusquer l'imaginaire
qu'en ces endroits où piétiner
pour l'une ou l'autre bonne affaire
à dénicher à la bonne heure ;
au téléphone
dont je ne suis destinataire
que par erreur
et sachant bien le distinguo
entre telle ou tel numéro
Je sais grogner
à l'occasion
opportunément dire non
différer ce petit plaisir
tant qu'on n'aura pas su tenir
sa parole
ou finir son devoir d'école
Je sais murmurer
dans les cous
pour un mot secret
un mot doux
et fredonner quelque berceuse
au pied de couettes duveteuses
pour assurer des nuits paisibles
aux inquiétudes indicibles
Je sais modeler
des avions
et la pâte du même nom
dont on se fait toute une histoire
comme personne dans le square
Je sais cela
et d'autres choses…
mais je mettrai quelque fierté
à n'être jamais salarié
pour ce bouquet de compétences
ni ces responsabilités
cependant j'ose
prétendre à quelque indemnité :
rallongez un peu les vacances,
s'il-vous-plaît.