Je n’ai pas souvenir de mon tout premier miroir, celui qui est sensé me classer dans la catégorie « humain ». Par contre, je me souviens de mon papa face à moi tentant de me faire comprendre que sa main droite c’était celle face à ma main gauche, çà n’avait pas été simple ...
J’ai toujours été fasciné par cet inconnu qui me regardait, qui imitait chacune de mes grimaces, longtemps j’ai essayé de le prendre en traitre mais il m’attendait toujours, il était là quand je revenais. Cet autre moi-même m’étonnait, m’agaçait, me déplaisait et parfois m’angoissait.
Plus tard, je découvre que la combinaison de miroirs disposés face à face (souvent dans les lavabos des hôtels classe) multiplie à l’infini mon image. J’aime partir à la recherche du vrai moi dans cet univers parallèle, véritable abîme, m’y perdre et m’y retrouver.
Il y a eu le miroir que Jonnhy, mon beau père, polissait longuement, régulièrement, élément indispensable du télescope qui nous a emmenés vers d’autres infinis.
Un bref passage par la psychiatrie (côté médecins, quoique. . .) m’a permis de comprendre l’importance du miroir ; aujourd’hui je réalise que mes malades me renvoient une certaine image de moi, rassurante ou angoissante.
Plus matériellement, je n’avais pas imaginé qu’une grande partie de mon travail me lierait à des miroirs.
C’est un double miroir concave ou convexe reflétant une petite source de lumière qui permet à l’ophtalmo de déterminer les lunettes pour un bébé (çà marche aussi pour un animal)
Mais laisseez moi vous présenter Igor, verre à trois miroirs de son état. Cette petite merveille posée (après anesthésie par collyres) sur votre œil (pas le mien, faudrait m’avoir à la course ! ) me permet de voir dans les moindres recoins de votre œil.
(malgré mes connaissances limitées en géométrie, je me doute qu’une sphère a rarement des coins et recoins, mais bon c’est qui le pro ici hein ?). Je vous épargne l’explication de l’utilité de chaque miroir, de forme et d’inclinaison différente. Bref Igor, est un vrai compagnon de travail…
Le miroir en littérature est aussi un sujet complexe de fascination et débouche sur différents jeux, dont le plus connu est le *palindrome *et le plus monstrueux l’autoréférence. Aspirine sur demande….
Miroir, Mon beau miroir... Dis moi si l'âme humaine Est le reflet des cieux... Miroir, Mon beau miroir... Dis moi pourquoi, parfois... Du tréfonds de mon âme Surgissent des tempêtes ...
Après avoir méticuleusement soigné son appât rance, Narcisse repousse
un peu plus loin le bouchon sur le ruban miroitant du fleuve en se
focalisant sur ses vibrations; il y a forcément du poisson sous la
surface trop polie pour être nette! Narcisse fredonne pour s'offrir
du courage: "Allez brillez Mirror, vous asseoir à ma table. Il fait si
froid dehors que je claque de dent..." C'est vrai qu'il caille, un
froid à faire pâlir un Berthillon et qui le glace jusqu'aux eaux, mais
il résiste en verre et contre toux, parce qu'il le vaut bien. "Psyché.. Psyché.. Psyché!" Le nez aux nues dans
l'éther il éternue, par trois fois risquant malgré sa raideur et comme Vercingetorix de perdre sa gaule. L'autre
jour il avait même failli emmêler la ligne de partage des eaux sous le
regard courroucé des Dieux :" Si tu nous brouille l'écoute, Narcisse...
tu subiras cette contrepètrie". Malgré la rime, il ne peut rentrer
bredouille (sans poichon, point de chalut) alors que la partie
s'éternise, longue comme un jour sans tain. Si ce froid mortel
continue, à ne pas mettre un Conti nu, avant longtemps il laissera sa
peau sur la berge et sans ses gants il gamberge: "on écrira plus tard
ci-gît Narcisse, Reflets éternels". Pourquoi gésir quand il serait
si bien au chaud à vivre sa vie par procuration devant son poste de
rétrovision, à regarder le patinage... Nelson et chandelle-au-rôt, ou à
feuilleter son télescope. Mais les Dieux, dans leur sagesse lui ôtent bien vite cette envie: "Méfie toi Narcisse, du miroir
aux alouettes, tu finiras Desperate, gavé de cacahuètes!" Narcisse se résigne, trépigne sur sa ligne, guettant le moindre signe... mais pourquoi tant de igne? Et
s'il baisse les bras d'autres viendront à sa place, les Dieux l'ont
tonné d'une voix forte: "Qui va à la pêche perd son esche..." et la
montagne glacée a renvoyé: "...et se retrouve avant leurre dans la
dèche". Narcisse en tombe sur sa berge, à une lettre près d'une
catastrophe: d'habitude le glacier des Beaux Sons est plus futé dans
ses renvois... Echo serait-elle devenue dure de la feuille? Grec bien avant Nikos, Narcisse en connait un rayon et n'a qu'un but dans la vie, aller se faire voir chez les siens. Au diable le bouchon, la gaule et les poissons, à quoi sert un beau nez transformé en glaçon?
Mais pour mieux réfléchir il faut d'abord fléchir... c'est ce que fait la gaule traînée par un silure entraînant le pêcheur et sa
triste figure. O fleuve, o beau miroir, veux-tu bien m'affranchir? Est-ce moi le plus beau, malgré mes engelures? Désolé Narcissus, c'est encore le silure. Vaincu par un poisson, il disparait sous l'eau dans le reflet béant de son alter-ego.
* Petit jeu: trouver la quinzaine de mots (parfois déformés) évoquant le thème du miroir *
Un miroir est un objet possédant une
surface suffisamment polie... - Wikipedia
Ah oui, moi,
je suis poli, ce sont les autres qui m'agacent. Mais je commence par la
fin, il vaudra mieux commencer par le commencement. Donc, je me présente
: Rémi Oire, votre serviteur.
Ah, vous rigolez, vous aussi !
De vous, je m'attendais à mieux. Soupirs.
Mais bon, en dépit
de tout, j'aime les gens. Ils sont impayables.
J'aime les
tout petits bébés. Ça sent bon. J'aime les ados. Ils ne se croient pas
mieux que moi. Les adultes, ça dépend. J'aime pas ceux qui affectent un
air de supériorité, qui se croient trop élégants pour vous adresser la
parole, ou qui répondent aux tutoiement en parlant de ne pas avoir gardé
des cochons ensemble. Et pourtant, je pense que cela leur ferait le plus
grand bien de voir un peu ce que c'est. Je les prends en grippe, ces
ignares d'espèce de précieux. Pouah !
Mais j'aime surtout les
scientifiques. Ils sont merveilleux. Ils me font jouer aux jeux.
Qu'est-ce qu'on se marre lorsqu'on voit débarquer les scientifiques avec
leurs manteaux blancs, leurs caméras, leurs portables. Et surtout,
surtout, leurs bottes ridicules en caoutchouc. Terrible. Ahahahaha ! Une
de mes copines - Fifine la Fine, on l'appelle - elle adore le goût de
caoutchouc neuf. Dès qu'elle en flaire, elle mord ! Vous les verriez
sauter dans l'air, ces savants, c'est à mourir de rire !
L'autre jour, on a rigolé comme pas possible. Une bande nombreuse est
arrivée avec une grande glace. Et nous, on a fait comme si nous ne
savions pas ce que c'était. François Truffo - mon meilleur copain,
on est copains comme des...on est de très bons copains - François a eu
l'idée de l'attaquer, et donc, nous nous y sommes tous mis. Terrible !
Mais bon. on s'en est fatigués, après tout, tout passe, tout lasse, tout
casse - sauf les grands miroirs des scientifiques.
On a
joué, c'était rigolo, mais après un moment, on a vu que les
scientifiques voulaient autre chose, et nous, de bonne grâce, voulions
bien jouer. On a tout de suite compris qu'ils voulaient jouer à
cache-cache avec de la nourriture. Et ils se croyaient super futés
: ils ont mis des ventilateurs pour cacher l'odorat. Terrible !
Ils ne comprenaient pas bien que nous sommes des bestiaux curieux et
hyperdoués pour l'odorat. Je n'ai pas pris le temps de leur expliquer
que mon oncle Pierre Duroc est un des meilleurs truffiers de toute la
France. Ils n'en auraient pas compris, ce sont des éthnocentristes
éhontés. Mais bon, je divague...
Alors, comme je disais, ces
scientifiques dans leurs bottes hilarantes cachaient de la bouffe, et
l'on ne pouvait pas la voir, sauf dans le miroir. Or, comme nous sommes
tous des bonnes pâtes, nous avons fait semblant de pouvoir repérer la
bouffe en la zieutant dans leur stupide miroir. Quelqu'un aurait dû
expliquer à ces érudits que l'oeil du cochon est presque de la même
construction que celui des humains. Mais non, ils semblaient penser
qu'ils avaient dégotté un truc super important, alors, on les laissait
faire. Poilant !
Mais juste pour brouiller un tout petit leur
piste, moi, j'ai décidé de faire preuve de mon intelligence supérieure.
Au lieu de me ruer sur leurs Friskies-Cochon avec mes camarades, moi,
j'ai regardé derrière la glace.
Juste au cas où. Avec
les scientifiques, on ne sait jamais.
Il me regardait au nez et à la barbe A propos, ma barbe était de mauvais poil Ma peau d'âne me grattait à fleur de peau J'étais raide comme un passe-lacet, d'un calme olympien et laid comme un pou Je lui lançai le coup de pied de l'âne : un « Toi même ! » Regardant son nombril, il me faisait toujours la barbe Mais maintenant ma barbe avait reprit du poil de la bête N'ayant pas froid aux yeux, je fis l'âne pour avoir du son Mais il faisait la fine bouche Ayant compris que les yeux sont le miroir de l'âne, je fis demi-tour avec abandon J'avais bon dos Je me recouchai et ma barbe avait un poil dans la main Mais on se regardait encore en chien de faïence Je n'arrêtais pas de le regarder, en enculant les mouches Je m'endormis alors ensuite sur mes lauriers Mais voilà qu'il prit enfin mouche : il se moquait de moi en m'imitant Au taquet, je me retrouvai face à lui d'un bond Mais il ne bougeait pas d'un iota La barbe ! Je ne croyais évidemment pas avoir eu la berlue Je n'y avais vu que du bleu et avais l'air d'un âne bâté Alors je fondis en larmes et pas lui, car « le miroir est une glace qui ne fond pas, ce qui fond, c'est qui s'y mire » (Paul Morand)
"Bonjour. Tu sais que tu as une sale tête ce matin ? Mal dormi ou c'est juste une question d'âge ?"
Et ça y est c'est reparti pour un tour !
"Bonjour. Tu es trop aimable de me faire des compliments comme ça de si bonne heure, je n'ai pas l'habitude !"
"Mais je t'en prie, c'est la moindre des choses entre partenaires !"
Et ça continue comme ça toute la journée.
Au bureau "T'as encore une mine fatiguée, tu ne vas pas me dire que c'est parce que tu travailles trop ?"
Au restaurant "T'as trop mangé, bientôt tu vas déborder de tes fringues".
Dans la voiture "Tu pourrais faire un peu plus gaffe, t'as pensé à regarder dans le rétro ?"
Même dans la rue "Pas la peine de regarder ce pantalon, c'est pas dans tes moyens !"
Bref,
à nouveau je me demande ce qui m'a pris d'entrer dans cette sacrée
boutique. C'est vrai que vu de l'extérieur son petit côté mystérieux
m'avait séduite, une vitrine au verre fumé qui empêchait de bien voir
les objets exposés, et l'enseigne qui ne renseignait pas plus sur le
contenu du magasin "Incroyable !" disait-elle.
Etant d'un naturel raisonnablement curieux, je n'ai pas pu m'empêcher de pousser la porte.
C'était un sacré bric à brac là-dedans. L'œil avait du mal à distinguer les marchandises.
Un
mouvement attira mon attention, je m'avançai dans sa direction et je me
retrouvai alors face à moi-même. J'avais devant moi un superbe miroir,
une psyché en réalité.
Je
m'approchai et souris à mon reflet. Puis bien sûr, je commençai à faire
le singe devant, des grimaces, des mouvements saccadés, bref je
retombai en enfance.
Et c'est là que j'aurais dû me méfier. Un détail, et pas des moindres, échappa à ce moment là à mon attention.
Le
propriétaire de la boutique se matérialisa brusquement près de moi. Je
sursautai en avisant ce drôle de petit bonhomme au sourire figé sur les
lèvres.
Sans
trop comprendre comment je me retrouvai l'heureuse détentrice de cette
magnifique psyché et pour un prix défiant vraiment toute concurrence.
Je
l'installai dans un coin de ma chambre et ne pus m'empêcher de
recommencer à gesticuler. Et là ! Je remarquai enfin le détail qui
"tuait" ! Pas d'effet miroir ! Je m'explique, en principe dans un
miroir lorsque vous levez votre main gauche, celle juste en vis-à-vis
de votre reflet se lève, mais là non ! Mon reflet avec un sourire
goguenard leva la main opposée à la mienne.
Tous ses mouvements était la reproduction inversée et parfaite des miens.
Je sentis mon cœur se mettre à battre un peu trop vite, un peu trop fort.
Et je fus à deux doigts de m'évanouir quant une voix sortit de la psyché "Salut ! Comment va ? Satisfaite de votre achat incroyable ?"
Morte de frousse j'accrochai un drap sur la psyché et filai ventre à terre jusqu'au magasin pour avoir des explications.
Bien
sûr, vous vous en doutez, plus rien si ce n'est quelques personnes
regardant éperdument l'endroit où cette fichue échoppe aurait dû se
tenir.
Bêtement, je pensai qu'en gardant le reflet caché je n'aurais plus de problème.
Grave erreur !
Maintenant
mon propre reflet me traque et m'adresse la parole dans chaque surface
réfléchissante que je croise et d'ailleurs par moment je me demande qui
est le reflet de qui ?
*textes extraits de « Ma
bouche tordue » (éditions Le Manuscrit, 2006). Pardon, mille fois pardon,
pour cette fausse publicité qui n’a rien à faire sur ce site amical… mais je ne
peux plus utiliser ces mots sans dire d’où ils viennent… et surtout, surtout,
rien d’autre ne me vient lorsque l’on me dit « miroir »...
− Miroir, mon beau miroir, dis qui c’est la
plus belle ? C’est moi, pas vrai ?, racontait Zélie, 4 ans et
demi, en se mirant dans son miroir. Ses petits doigts encore boudinés lissant
ses longs cheveux aux reflets dorés, tandis que ses pieds écrasaient prestement
sa robe jaune en satin effilée. Robe un peu trop longue, que sa cousine, après
bien des tergiversations, avait accepté de lui prêter, bien qu’elle ne lui
aille plus depuis bien des années, contre la promesse que Zélie jouerait le
chien, un peu plus tard dans la soirée. Son visage poupin se reflétait dans un
splendide miroir de princesse à coquillages incrustés offert par tati Linette
l’été dernier, à son retour de l’île de Ré et que son papa avait accroché
religieusement, pas trop haut sur le mur de sa chambre, pour qu’elle puisse s’y
admirer à loisir.
− Non !, lui répondit sa cousine
Hortense, pimbêche assumée de 7 ans à peine et qui se croyait déjà descendante
des plus grandes lignées de reines du monde, toutes en même temps, s’il vous
plaît, parce qu’on ne parle pas de n’importe qui, « J’ai pas envie de
jouer à Blanche-Neige. C’est nul, Blanche-Neige ! Ma maman, elle dit que
c’est des histoires de poul’mouillées ! Attends, on va jouer à un autre
jeu. Tu as des peluches ? »
Zélie vida devant elle un grand bac de peluches
et en sortit sa préférée : le grand méchant loup. Elle avait pour habitude
de l’enfoncer tout au fond du bac, le soir, avant d’aller se coucher, histoire
de s’assurer qu’il ne viendrait pas lui croquer les doigts de pieds pendant la
nuit, comme lui avait raconté Tonton André, un jour de grande forme, voilà un
bail déjà. Lui, il avait bien rigolé, persuadé qu’elle n’avait pas compris ou
que la peur à cet âge-là n’existait pas. Mais il n’y connaissait rien, c’était
un vieux tonton célibataire, qui préférait courir la demoiselle, jeunette, de
préférence, que s’embêter avec femme et gosses. Ses neveux et nièces lui
suffisaient et pour chance, il en avait une ribambelle.
Zélie qui tenait sa perle de nounours dans sa
main la présenta à Hortense :
− Tu veux mon grand méchant loup ?
− Oui, bonne idée !, lui répondit
Hortense, tandis qu’elle commençait à se remuer les méninges pour trouver un
jeu intéressant. Sa mère ne lui lisant jamais d’histoires et la laissant la
plupart du temps jouer toute seule dans sa chambre, son imagination se trouvait
un peu courte et elle avait bien du mal à inventer.
Zélie, bien plus zélé qu’Hortense lui arracha
la peluche des mains et recommença sur son thème chéri de Blanche-Neige. Ses
parents lui avaient lu tous les contes possibles et imaginables, des vingtaines
de livres ou plus. Mais Zélie ne voulait rien entendre. Seule comptait
Blanche-Neige, c’est tout juste si elle n’était pas sourde aux autres histoires.
Elle attrapa son méchant loup fermement par la peau du dos et se posta devant
son beau miroir
− Miroir, mon beau miroir, où est la méchante
reine, tu sais, la sorcière moche ! Elle a donné la pomme avec du poison qui
a dormi Blanche-Neige. Il faut la punir pour la bêtise ! Zélie avait du
mal à prononcer distinctement tous les mots que sa tête voulait dire tout en
même temps.
C’est alors que Tonton André est entré. Il
écoutait depuis un moment sa petite nièce derrière la porte. Et il se met à
rire.
− Va moins vite, ma chérie, tu veux dire trop
de choses à la fois et tout se mélange !
Il s’approche de Zélie qui se trouve vexée. Et
regarde effarée le Grand méchant loup censé punir la sorcière de son méfait.
− C’est ça ton Grand méchant loup, ma
puce ?, demande-t-il en riant, on dirait un petit chiot tout mignon !
Fais-lui plutôt un câlin ! Tu sais que c’est un petit husky, tu sais les
chiens de traineau, qui vivent dans le froid, avec le Papa-Noël ?
− Non, c’est pas un chien, lui dit Zélie de
plus en plus zélée, c’est un loup et c’est toi qui me l’a donnépour qu’il me croque les pieds la nuit… Alors,
si c’est un loup, ça fait peur ! Tandis qu’elle dit ces mots, elle avance
et manque s’entraver dans sa longue robe brillante.
− Zélie, tu devrais enlever cette robe, elle
est trop grande pour toi, tu risques de tomber et de te faire mal, lui
conseilla Tonton André.
− Mais moi, je veux être grande, arrête de me
dire que je suis petite ! C’est pas très gentil, rétorqua la petite fille.
Tonton André se retourna. Quelle ne fut sa
surprise lorsque ses yeux se posèrent sur le miroir kitchissime de tata Linette,
de découvrir en lieu et place du reflet du craquant petit chiot, un loup
terrible, aux babines acérées, bavant et montrant les crocs dans une grimace
qui aurait effrayé l’adulte le plus incrédule qui soit prêt à lui bondir dessus.
Déstabilisé, il quitta la chambre sur le champ.
Ce fut ce jour-là que Tonton André fut
définitivement mouché.
Moralité : Une chambre d’enfants est un royaume aux mille surprises. Ce
n’est pas là un endroit pour les grands. Des choses bien curieuses peuvent s’y
dérouler. Laissez la magie opérer et affairez-vous donc à des occupations de
votre âge… Il vous faut accepter qu’il y ait des choses qui ne vous regardent
pas !
Le type dans le miroir
Semble de plus en plus
Etonné de me voir !
‘tain !
Le type dans le miroir
A bien du mal à croire
Que j’ai déjà 20 ans !
‘tain !
Je n’ai plus le temps
D’admirer les grimaces
Qu’il me faisait enfant !
‘tain !
Le type dans le miroir
Ca lui tire sur la mine
Que les jeux se terminent,
Qu’il faille prendre la route
Aller gagner sa croûte
Et que cela nous coûte !
‘tain !
Le type dans le miroir
Peut bien aller finir
Un jour dans un mouroir
‘tain !
Moi je le sais très bien
Que je n’ai pas changé :
J’ai une âme d’enfant,
Je joue toujours dehors
Avec mon appareil à arrêter le temps
‘tain !
Le type dans le miroir
A peut-être raison
D’un certain point de vue.
C’est qu’au fil des saisons
Quelque chose évolue :
Les miroirs, maintenant,
Deviennent déformants !
Mes yeux se sont éteints de ne plus s’accrocher aux tiens. Ma peau s’est ternie de ne plus frémir sous tes caresses. Mes lèvres ont fané de ne plus recevoir tes baisers.
Miroir, au haut de la tour de quel manoir, accroches-tu l'éclat de lune qui miroite à ta surface? Quel minois y accroche son reflet que le tain renvoie à son admiration? N'est-ce pas Vénus qui éparpilla ses multiples miroirs bleus dans le jardin ? Ou une fée facétieuse qui parsema de délicates ocelles la queue du paon? Quel ténébreux Narcisse se mire dans l'eau noire de l'étang, aspiré par son tremblant et mortel reflet? Quelle angoisse plus aigüe peut étreindre la gorge de celui qui sonde d'un regard incrédule la surface aveugle du miroir vide? Quelle hallucination spéculaire s'échappe du miroir vénitien pour affoler celui qui, dans sa folie, croit soudain voir son image renvoyée par le mur nu, dans un terrible face à face?
Il avait acheté un appareil numérique. Ça lui
avait donné l’impression de partir en voyage. Mais c’était bien ce qu’il
faisait, non ?
Il partait. Sauf qu’à ce voyage-ci, il n’était
pas prévu de retour.
Il partait. C’était sans regret. Bientôt il
serait riche. Quand il aurait récupéré le pognon.
Il était riche, en fait. C’est du moins ainsi
qu’il se sentait.
Il avait loué une chambre dans un hôtel
modeste faisant face à la gare routière, à quelques centaines de mètres du
port.
Pendant que la jeune femme procédait à ses
ablutions dans le cabinet de toilette, il avait déballé son matériel tout neuf.
Il avait monté le zoom sur le boîtier. Il avait inséré une carte mémoire dans
le logement prévu à cet effet. Il avait tourné le sélecteur en position « on »,
puis il avait fait face à l’armoire, dont la porte centrale était pourvue d’un
miroir faisant toute la hauteur. Cette armoire lui avait rappelé celle de sa
grand-mère et il avait eu une pensée émue.
Il avait rencontré la jeune femme alors qu’il
savourait un chocolat chaud une terrasse, à l’ombre de la cathédrale, du côté
où la place domine le fleuve et les anciens quartiers de pêcheurs. Il observait
pensivement les allées et venues des touristes lorsqu’il avait capté sa
présence. Il avait été intrigué par son parfum, quelque chose de très discret,
évanescent, à la senteur légèrement anisée. Il aimait les parfums discrets. Il avait
alors remarqué qu’elle se tenait debout, accoudée à une table haute ressemblant
à celles qu’on trouve dans les buffets de gare. Toutes les tables basses,
devant lesquelles on pouvait s’asseoir, étant occupées, elle n’y avait pas
trouvé de place. Voyant cela, il avait proposé à la jeune femme de se joindre à
lui.
Ils avaient fait connaissance, comme on dit.
Ils avaient découvert qu’ils allaient dans la
même direction.
Il était en auto. Il lui avait proposé de
l’emmener. Elle avait accepté.
Pour une raison dénuée de cohérence, il avait
estimé que s’afficher avec une créature digne de faire la couverture de
n’importe quel magazine de mode lui permettrait de donner le change aisément.
Ils avaient couru dans l’herbe rase et humide
du cap. Ils avaient ri. Ils s’étaient donné la main. Il l’avait embrassée. Du
haut de la falaise, il lui avait montré le large et avait dit, sentencieux, le
proverbe qu’il venait d’inventer, à savoir que si on voit l’Angleterre, c’est
qu’il va pleuvoir, et que si on ne la voit pas, c’est qu’il pleut déjà. On ne
voyait pas l’Angleterre. Elle avait ouvert son parapluie et avait ri avec
indulgence.
Il faudra que je mette en charge la batterie
de l’appareil, pensa-t-il. Il avait le temps. Son rendez-vous avec le passeur
était fixé à trois heures. Du matin, évidemment.
Il continua à jouer avec les mollettes de
l’appareil, faisant face au miroir de l’armoire, s’y cadrant dans toutes les
focales possibles. Il fit même un gros plan virtuel sur les mailles de son
chandail.
Il touchait au but, il en avait la certitude.
Dans quelques heures il serait de l’autre côté. Provisoirement à l’abri au
milieu des montagnes que le vent balaie en permanence, à la limite de
l’Angleterre et de l’Ecosse. De là, il avait une filière sûre pour passer au
Nigéria.
Ils le retrouveraient peut-être un jour,
c’était possible, ce sont des gens acharnés. Mais pas de sitôt. En attendant il
pourrait s’offrir du bon temps.
Il était toujours accaparé par le maniement de
son appareil lorsqu’il sentit la présence de la jeune femme derrière lui. Il la
sentit. Toujours ce parfum inimitable, à la vague senteur anisée.
Il ne parvenait pas à se remémorer le prénom
de cette femme. Un nom finissant en A. certainement faux, il n’en doutait pas. Elles
aiment se donner des airs exotiques. Il se demanda fugitivement s’il devait
l’emmener avec lui de l’autre côté. Elle lui avait paru, comment dire,… pas une
aventurière, non, ce n’est pas le terme. Disons qu’elle semblait aventureuse,
ce n’est pas pareil. Il chassa cette idée. Ce n’était pas prudent. On a passé
un bon moment ensemble, merci beaucoup, et maintenant chacun sa route.
Il détacha son attention du viseur pour la
regarder dans le miroir. Elle se tenait derrière lui, souriante. Elle était en
sous-vêtements et elle avait défait son chignon. Ses longs cheveux blonds
cascadaient sur ses épaules.
Le parfum de la jeune femme l’enivra
brièvement. Toujours cette senteur anisée.
Il n’eut pas le temps de remarquer l’objet
qu’elle tenait en main. Il entendit un bruit bizarre. Comme celui des flingues
avec silencieux dans « les Tontons Flingueurs ». Et pour cause. Il
fut amusé par cette pensée et soudain une douleur fulgurante lui transperça le
dos, son visage fut frappé de stupeur. Son regard se voila, puis s’éteignit. Il
lâcha l’appareil photo et il bascula tête la première dans le miroir de
l’armoire qui se brisa.
Seule devant son miroir, dans la salle de bain, ce matin là, elle se regardait avec attention. Avait-elle changé ? Vieilli, peut-être ? Était-elle encore elle ? Une autre ? Le miroir était tout petit. La buée rendait son reflet un peu flou. Qu’esperait-elle apercevoir, dans ce reflet de mauvaise qualité ? Quelle nouvelle ride aurait-elle traqué dans ces conditions ?
Seule devant son petit miroir embué de la salle de bain, ce matin-là, elle se trouvait pourtant bien. Juste bien. Elle en était certaine, elle n’avait pas tant vieilli que cela. On voyait mal, et c’était tant mieux. La réalité ne l’intéressait pas, ce matin là.
Qu’importaient son reflet, ses rides, les défauts de son visage bien trop rond. Qu’importait ce petit vaisseau sanguin sous l’œil gauche qu’elle n’avait jamais aimé. Qu’importait sa mâchoire qui lui avait toujours semblé disgracieuse.
Ce matin là, elle était elle. Elle se sentait elle. Tout simplement elle. Le miroir lui avait menti depuis bien trop longtemps. Il lui avait fait croire qu’elle était une autre. Le miroir l’avait bien trop de fois trompée et effrayée. Son reflet lui avait très souvent fait peur, si peur…
C’était fini, à présent. Le miroir ne serait plus jamais méchant. Ce matin là, dans le miroir, elle redécouvrit celle qu’elle avait si longtemps été, et qu’elle avait aimé être. Ce matin là, seule face à son miroir, elle était redevenue celle qu’elle avait trop longtemps oublié d’être.
Elle frotta un peu le miroir d’un revers de main, pour faire disparaître un peu de buée. Cette jeune femme qu’elle aimait bien lui apparut plus nette. Et elle lui sourit, comme avant elle savait le faire.
C’était décidé : ce matin là marquerait la renaissance de son ancienne vie.
Tous ces architectes - pour un seul Gaudi ? affectent d'infecte symétrie les galeries sélect d'insectes asservis qui n'ayant queue ni tête et rien à espérer de doctes têtes au carré doivent tout au contraire taire et se contenter de leurs habitats similaires à en pleurer
Ah, ce culte manichéen, Minerve ! - binarité des gens de bien, m’énerve !!
II
Je suis hors de moi toujours, mais à l'envers - c'est l'endroit qui veut ça le premier de nous deux qui décroche perd ses verres
III
L'enfer du miroir, pour sûr ce n'est pas de s'y voir c'est de ne s'y voir pas ainsi qu'on se figure l'être ou l'avoir été
Stupeur médusée le corps étranger de mon reflet
IV
Où laitue bêle " L'es-tu, belle ? " Carotte lui répond : " ...pas en fin de cuisson "
A trop cultiver ta beauté il pourrait bien t'en cuire Carotte pour finir t'en donne la leçon
Je te préfère crue, tfasson
(salade grivoise)
V
mais il est des reflets dans l'eau qui me transportent larme et sourire à nouveau plutôt et plus sûrement vrai que ne le peut le charme de l'apprenti sorcier depuis sa tour d'ivoire venu me présenter quelque mage miroir de l'âme sans sourciller
VI
Toi Moi La lumière
et puis l'armoire
où le miroir s'en tint à ce puissant mystère que je me vois en toi plus clair et qu'en moi tu puisses te voir, ma chair
Souvenez-vous,
Janeczka riait de sa petite taille. Dans les loges des défis du samedi,
pour apercevoir sa frimousse dans le miroir vénitien au-dessus du
lavabo en marbre de Carrare, elle devait grimper sur la poubelle ; et
même juchée ainsi, seuls son front et son chignon bouffant
apparaissaient.
Quand
il en eut assez que la maréchaussée le verbalise, à titre
d’avertissement, pour “photographie non ressemblante” le toujours jeune
Walrus imagina coller un fin miroir de 3 cm sur 4 cm en lieu et place
de sa sympathique bouille sur son permis de conduire. A la suite de
cette opération, qui contrevenait indubitablement et intentionnellement
avec les lois de son royaume, les pandores qui contrôlèrent ses papiers
s’excusèrent régulièrement en déclarant : « Oh, vous êtes de la maison,
mes respects, collègue ! » Ils le saluaient à chaque occasion et
parfois lui ouvraient même la route. Il advint également qu’un 27
septembre, fête de la Communauté française de Belgique, un aspirant
l’invite à goûter le velouté de chicons à la mimolette de son épouse ;
notre ami allait refuser quand un argument à 9° fit fondre ses
dernières réserves : la Chimay bleue serait servie directement au
sortir de la cave de l’officier soit précisément à 10,5° C !
Dans
ces conditions, pour enduire ses cils de mascara (voir récit concernant
l’autre co-fondatrice du blog) elle se voyait contrainte de sauter, ce
qui constituait au quotidien : 1° une gymnastique éprouvante ; 2° un
maquillage approximatif (nous passerons sous silence les séances
d’auto-coiffure dans ces conditions acrobatiques) ;et ce qui constitua,
et ce sera notre dernier point : 3° la raison qui la tient —
momentanément — éloignée de son bébé (les défis du samedi).
Au
sein de la famille de la petite Maguelotte-Adeline-Pulchérie, c’était
péché d’orgueil que tenter de voir son reflet dans une glace. Le père
de l’enfant, seul, s’autorisait à extraire d’une petite boîte de carton
rouge et noir un éclat de miroir brisé — qui tenait dans le creux de sa
main — dont il se servait, le dimanche matin ou pour les grandes
occasions, pour ordonner les larges sillons que le coupe-chou, hérité
de son aïeul qui fut maréchal des logis au septième régiment de
hussards de la Grande Armée de l’Empereur, traçait sur ses joues
hérissées de poils durs et préalablement enduites de savon mousseux. La
jeune fille conçut de ce rapport à l’image une si grande humilité qu’à
l’aube de sa retraite professionnelle, elle refusait toutes les
supplications de ses amis l’encourageant à sacrifier à la mode de son
siècle. Elle promettait mais ne se résolvait pas à ouvrir son propre
blog.
En
effet, tout laisse penser qu’un soir où elle œuvrait seule aux
commandes, un saut moins adroit que les autres provoqua l’ouverture du
couvercle de la poubelle. Son Croûton se souvient avoir déposé les sacs
de l’association (il faisait gracieusement et dans l’ombre les basses
besognes dans les coulisses) au point de collecte du secteur.
Un
soir, très tard, alors qu’elle interrogeait de nouveau son miroir
magique : « Miroir, miroir, vilain miroir, dis-moi que je suis la plus
méchante des méchantes de toutes les prairies du Far-West » et que la
réponse de celui-ci eut le don de l’agacer à la puissance dix : «
Valérie, tu es méchante autant que moi je suis l’inventeur du Rimmel
waterproof » —ce qui était une manière ironique de dire qu’elle n’était
pas méchante parce que le Rimmel waterproof fut inventé par Eugène
Rimmel (1820-1887) parfumeur et homme d'affaires français responsable
de la fabrication et du marketing de produits de beauté ; associé à son
propre père, à Londres, en 1834, il commença à commercialiser ses
premiers cosmétiques. Très vite, les deux hommes présentèrent le
premier produit non-toxique : le mascara. Il est devenu si populaire
que le Rimmel est à ce jour le mot pour le mascara dans plusieurs
langues notamment en français et italien — la jeune administratrice des
défis du samedi, plutôt que d’entrer dans une colère noire et de jeter
son miroir magique dans le fleuve qui roulait des eaux sales sous sa
fenêtre, mue par un instinct surgi de son cerveau reptilien, projeta
violemment, d’un mouvement des épaules, son front contre la paroi de
verre et, stupeur, alors que son mari s’attendait à voir s’étoiler
l’objet sous l’impact irréfléchi, il vit son épouse disparaître toute
entière de l’autre côté du miroir. En dépit des litres et des litres de
café que l’époux, inconsolable, dépose avec obstination et cérémonie
devant le miroir choyé comme nul autel païen ne le sera jamais, à ce
jour, la jeune femme n’a pas consenti (ou réussi) à effectuer le chemin
inverse.
Avec
l’accord du mari, nous avons laissé courir le bruit de l’installation
du couple en Arizona pour éviter de paniquer le lectorat de notre
sautillant Aramis et nous écumons inlassablement les centres de
traitement et de valorisation des déchets urbains du Royaume-Uni —
notre connaissance en rudologie, croyez-le, s’est accrue
considérablement.
Né
le 31 13 1881 à 16 h 61, le Papistache* fut porté sur les fonts
baptismaux, le jour de la Saint Hannah, en la belle ville de Senones
(Vosges 88) par sa marraine Eve Sées et son parrain Léon-Noël Lebel.
Les fées facétieuses qui s’étaient penchées sur son berceau avaient
scellé son destin. Sa joie fut grande quand Zigmund donna son défi —
MIROIR — à la communauté, il allait versifier en se jouant de la
symétrie inversée, trop de palindromes avaient veillé sur ses premières
respirations. Il déchanta vite : la tâche dépassait ses forces.
Il pondit bien (enfin, bien ! disons qu’il excréta dans la douleur) :
Son miroir à Rio, rimons
mais une erreur fatale entachait le vers, il eût fallu écrire “rimnos” : l’exercice était difficile. Obstiné pourtant, il osa :
Un rêveur à la rue, ver nu
mais se vit incapable d’enchaîner. Léon-Noël Lebel, son parrain ne l’inspirait guère :
Rime grave Var gémir... Rêver reflet, tel fer rêver...
C’était
maigrelet et dépourvu de sens. Il se découragea. Comme l’envie de
piller ses aînés ne lui vint pas, il jeta au panier ses scories et
renonça au Panthéon. Lui auriez-vous tendu cette perche : gros_émir@rimes.org afin qu’il y puise inspiration et joie d’écrire, il n’aurait pu assurer.
L’ami servile livre si mal.
* Ne
lui souhaitez pas son anniversaire, bien qu’affublé du doux patronyme
de Narcisse à l’état-civil officiel de Senones (88), il a horreur des
commémorations égotistes.
Nous ne désespérons pas ; si personne ne l’a encore vue, il est impossible que nul ne l’ait entendue.