Suite de Tilleul (Tiphaine)
La version de Tilleul
Où, nus, allongés sur le dos, nos deux héros discourent de la forme des nuages, de la caresse du soleil sur la peau, des petites bêtes qui peuplent la lande et du plaisir d'être, tandis qu'à l'horizon, l'adversité tisse ses noirs desseins.
Une petite brise légère rafraîchit l’atmosphère lourde de cette fin de mois de juin… Les examens sont terminés. Les résultats devraient être à la hauteur des efforts fournis durant cette longue période de torture estudiantine. Les vacances promettent d’être belles…
Elle attendait depuis longtemps ce jour où il lui déclarerait enfin sa flamme… Maintenant, elle a l’impression que son cœur est trop petit pour contenir la joie qui l’habite.
Il se demande pourquoi il a tant tardé à lui avouer son amour…
En observant le bleu du ciel, ils s’amusent comme deux adolescents sans soucis à interpréter le dessin formé par les quelques voiles cotonneux qui traversent l’azur… Ils sont seuls au monde… Leur bonheur durera longtemps !
Soudain, effrayés, ils se redressent d’un mouvement brusque… et c’est debout qu’elle s’exclame :
« Non ! Ils ont osé ! »…
Suite par Tiphaine :
Un grondement s'élève, sous leurs pieds, le sol se met soudain à trembler.
Leurs yeux sont maintenant rivés sur le pic des mouches…
Hier encore, ils s'étaient promenés sur ses sentiers, main dans la main.
Hier encore ils avaient ramassé des crocus en souriant aux bécasses des bois…
Hier encore il disait à sa belle d'un ton docte que la montagne continuait de grandir, que des chercheurs avaient estimé que chaque année son sommet prenait jusqu'à 7 millimètres… Et ils avaient ri à l'idée qu'eux-mêmes ne seraient jamais que des petits moucherons à l'échelle de cette nature qui les dominait de toute sa majesté…
Mais c'était sans compter sur les promotueurs…
"Ils ont osé… ces ânes…"
Droit devant eux, la Sainte Victoire est en train de s'écrouler.
Terrain rentable.
Côte surchargée, immobilier en crise, bénéfices à faire…
Droit devant eux, la Sainte Victoire s'affaisse.
Un noir nuage de poussière se forme à l'horizon.
Et c'est comme si la montagne pleurait,
Et c'est comme si elle rageait
Comme si elle pouvait encore parler…
Quand la victoire est morte, que reste-t-il aux hommes?
Un terrain vague, bientôt aplani par les camions chenilles?
Quand la victoire est morte, il reste le souvenir.
Quand la victoire est à terre, il reste la rage de reconstruire.
Quelques touches de peinture sur une toile.
Pour nous montrer la voie.
A nouveau.
Il prend sa main doucement.
Elle se blottit tout contre lui.
Lui et elle
Elle et lui
Deux petites montagnes au cœur du monde.