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Le défi du samedi
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7 novembre 2009

un secret (trop) bien gardé (Poupoune)

L’endroit était comme sur les photos : une belle maison ancienne à flanc de coteau, un grand jardin ni trop sauvage ni trop propret, à l’écart de la route et assez loin de tout pour se croire seul au monde… Exactement ce qu’il me fallait pour ces vacances. Le vieux proprio n’en finissait plus de me donner des consignes et, quand il m’a enfin remis les clés, il a dit :

 

- Une dernière chose. N’ouvrez pas cette porte. Jamais. En aucune circonstance.

 

Je ne l’avais même pas remarquée : vieille, envahie de végétation, dans un coin du jardin que je n’aurais sans doute pas eu l’idée d’explorer. Je ne sais pas pourquoi il a fallu qu’il m’en parle. Pour m’interdire d’y aller en plus.

 

Sur le coup je n’y ai guère prêté attention, mais en me couchant je me suis aperçue que je ne pensais qu’à ça. Que pouvait-il bien y avoir derrière cette fichue porte ?

 

Evidemment, je me suis imaginé un tas de choses : une chambre de tortures, la planque diurne d’un vampire, un équipement complet de sex toys, une collection de cadavres, une geôle puante où le vieux aurait séquestré des jeunes-femmes, un repaire de généreuses harpies aux aboiements lubriques offrant leur cellulite et leurs nichons blafards à de quelconques fouines en robes synthétiques fendues jusqu’aux néons de leur croupe ovipare… les trucs classiques, quoi.

 

J’ai super mal dormi.

 

Le lendemain, j’ai collé mon oreille à la porte. Rien. Pas de hurlements de loup-garou ou d’enfants violentés, pas de grognements de chien à trois têtes, pas de pleurs de femme violée, aucun bruit louche, en somme. Pas d’odeur pestilentielle non plus trahissant l’éventuelle présence d’un ou plusieurs corps en putréfaction.

 

Ça m’agaçait. Pire : ça m’obsédait déjà. J’ai essayé de me convaincre que ce n’était qu’une cave à vin et que le vieux avait juste peur que je lui descende ses meilleures bouteilles, mais rien n’y faisait. J’avais besoin de savoir.

 

Le jour suivant, je suis allée frapper à la porte. Après tout, hein… Un vieil ermite oublié, un bâtard difforme caché… mais non. Non plus. Ou alors sourds. Ou asociaux. J’ai frappé assez fort et assez longtemps pour réveiller un mort et personne n’a ouvert.

 

Oh ! et puis après tout, qu’est-ce que ça pouvait bien foutre si je l’ouvrais, cette satanée porte ? C’est vrai, quoi, merde…

 

J’ai fouillé toute la maison en quête d’une clé, sans succès. Evidemment.

 

Le jour suivant je suis retournée devant la porte. J’ai essayé de l’ouvrir. Elle n’était pas verrouillée… Oui. J’aurais pu essayer ça avant de retourner la baraque. Bien sûr. Et la porte, LA porte, cette putain de saloperie de porte de mes deux qui m’avait déjà gâché mes premiers jours de vacances était donc ouverte. Des jours à me demander ce qu’il pouvait bien y avoir derrière et là… je n’osais pas entrer. Le vieux était peut-être un sorcier maléfique qui me jetterait un sort affreux si jamais je désobéissais ? Un truc du genre :

 

hasard ou blizzard

 

guide les pas du curieux

 

malheur en son cœur

 

Mouais. Ou un truc du genre formule de sorcier maléfique, quoi. J’ai jeté un œil alentour pour vérifier qu’il n’y avait personne. Personne. Alors comment le saurait-il, le vieux, si j’entrais ? Parce qu’il était sorcier. Oui. Bon…

 

Quelque chose – la mauvaise conscience ? – m’empêchait d’entrer malgré tout. J’ai dû rester pas loin d’une éternité devant cette porte entrouverte et d’un coup, je sais pas… j’ai flippé. Toutes les conneries que j’avais imaginées, là… alors je me suis précipitée dans la maison et j’ai sorti les clés de ma poche pour m’enfermer à l’intérieur. C’est là que je l’ai vue. Bêtement sur le trousseau que m’avait filé le vieux. Une belle grosse clé bien rouillée, exactement comme celle que j’espérais trouver. Alors j’ai pris mon courage à deux mains et je suis retournée devant la porte. J’ai essayé la clé et c’était bien la bonne. J’ai fermé cette foutue porte à double tour sur son putain de mystère et je suis retournée quant à moi m’enfermer dans la maison. A compter de ce jour je me suis mise à entendre des bruits étranges en provenance de la porte… Je n’y ai pas tenu : foutues pour foutues, j’ai passé la fin de mes vacances chez moi à me gaver d’antidépresseurs. Cette histoire m’avait rendue dingue.

 

A la fin de l’été, je suis juste retournée rendre ses clés au vieux, mais j’ai même pas voulu approcher de la maison. Quand il m’a demandé, avec un sourire en coin et un clin d’œil complice, si j’avais mis longtemps à l’ouvrir, la porte, j’ai juste fait « hin hin » et je me suis barrée loin de lui, de son trou et de cette histoire à la con qui n’en était même pas une.

 

 

 

Quand, quelques mois plus tard, on a retrouvé derrière cette porte les restes de mes amis et du buffet qu’ils avaient préparé pour me faire une surprise pour mon anniversaire, je me suis sentie con.

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Commentaires
J
^^C'est excellentissime, Poupoune. Vraiment du grand art !
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C
Avec une telle imagination débordante, voilà des amis qui ont pris des risques ! J'aime cette noirceur drôle.
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V
Surprise sur prise! Quelle chute, vains dioux !!
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P
La chute est à la hauteur du mystère !
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B
Excellent!!!<br /> Ceci dit, les amis ils sont un peu neuneu non? Ils auraient pû se manifester avant le tour de clé fatidique! :-)
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P
... mais faut dire aussi que ce n'est pas forcément non plus très connu.<br /> Il s'agit de Hubert-Félix Thiéfaine, mon idole absolue, et la chanson "La nuit de la Samain", extraite de son excellent album "scandale mélancolique".
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J
Ahalalala, j'ai bien ri à la fin. Mais je fais pareil aux films de zombie. Bien écrit, comme d'habitude, Poupoune. Tu excelles à l'humour noir, comme à l'épouvante.<br /> <br /> Mais je ne suis pas assez astucieuse pour relever les paroles de la chanson, tu vas devoir me les indiquer.
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V
Je pense indirectement à Edgar Poe, tiens.
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A
La chute est superbe. Excellent! cela m'a fait penser à la nouvelle de F. Brown "Surprise".
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M
"Que sont mes amis devenus" ....<br /> TERRRRRRRRIBLE et EXCELLLLENT !!!!
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J
J'ai bien fait de ne pas participer à cet anniversaire-surprise ! J'ai horreur de ça !
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P
... de mon dieu, oui.<br /> (après toi mon chouchou, bien sûr ;o)
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T
(c'est qu'on fait de très bonnes compils, tsé)<br /> <br /> quant au doigté de Poupoune, il trempe toujours dans quelque soupière avant de repointer son nez au déssert... que c'est un régal d'en lécher le bout à la fin.
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Z
poupoune c'est du grand art !
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P
Mon dieu, Poupoune, vous vivez donc environnée de scénarios lesquels n'ont rien à vous refuser. Chapeau l'artiste.
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T
Ah.. moi aussi j'adore la chute... <br /> En deux lignes après ce long récit !! Super !!<br /> Un texte où on tremble avec toi ! (heu, enfin, avec toi... tu trembles, parfois ?)<br /> Ok, je sors ;-)
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W
Involontaire, mais un crime malgré tout, là je vous retrouve, Poupoune. Quelle imagination et quel entrain dans le récit. J'adore !
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V
Ah Poupoune, j'aime bien la chute. J'aime bien cette histoire et l'absurde de la situation. Un vrai bonheur...<br /> <br /> Et puis aussi, j'adore le côté poupounesque de l'énumération qui se termine pas "les trucs classiques, quoi".
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