On peut rêver (Papistache)
Cher Thierry, trois à zéro contre la modeste équipe de l’ile de Klebs, c’est la fin du rêve. L’équipe de France est éliminée de la sélection pour la coupe du monde. C’est une tragédie pour un capitaine de votre trempe.
Oooooh, cher ami, ne dramatisez pas. Ce n’est que du football, y’a pas mort d’homme. L’important, c’est que les meilleurs y soient à cette coupe du monde, Nous autres, les bleus, on n’a pas la carrure, faut se rendre à l’évidence, on n’a pas les...
Mais Thierry, quand même, tous les pays nous envient nos centres de formation, les ...
Attendez, mon bon, vous n’allez pas pleurer sur le sort d’une vingtaine de gamins en culotte courte qui cavalent derrière une baballe pendant une heure trente tous les huit jours. Ils vont vite se consoler les minots. Un volant de Ferrari entre les mains, cent-quatre-vingt sur les nationales, vitres baissées et sono à fond les gamelles, les larmes vont sécher fissa.
Mais... Thierry, l’orgueil de la nation...
Enfin, vous plaisantez, vous croyez encore à ces conneries ? Vous êtes vraiment journaliste sportif ? Même en perdant trois à zéro contre les iles Klebs, le moins payé des joueurs palpera plus que la totalité des ministres du gouvernement pendant tout un quinquennat ; alors... le patriotisme... vous savez, les billets de mille ça fait un sacré isolant... et la coupe du monde on y s’ra... les sponsors paient l’hôtel**** à tout le staff officiel, plus les épouses, voisins, belles-mères et tout le toutim. Non, cool, l’ami, y’a pas mort d’homme.
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Fleur Papadur, les chronomètres n’ont pas réussi à vous départager, votre adversaire et vous. 1 minute 123 millièmes, c’est unique dans les annales, vous allez partager la médaille d’or avec la nageuse autrichienne.
J’irai pas la chercher la demi-médaille. Qu’est-ce que vous voulez que j’en fasse d’une demi-médaille ? Elle peut la garder la Marie-Antoinette, sa médaille, de toutes façons, moi, j’sais plus quoi en faire des médailles, j’en ai partout, je les entasse dans des cartons que j’empile dans le garage de mes vieux. J’ai tout gagné. Qui c’est celle-là et puis d’ailleurs est-ce qu’on est sûr que c’est une femme ? Vous avez vu sa dégaine. Dans les vestiaires, elle garde son maillot pour prendre sa douche et puis, son sac, je veux pas balancer... mais c’est une pharmacie ambulante cette nana.
De toutes façons, mon entraîneur va déposer une réclamation. L’autre chienne, elle s’est fait un shampoing au silicone et moi, tout le monde le sait, le silicone ça me donne de l’urticaire intestinal. C’est pas très sport, même si ce n’est pas interdit par la fédération. C’est comme si moi j’utilisais un déodorant aux graines de bouleau sous prétexte qu’elle ferait de l‘asthme. De l’asthme ? Oui, une excuse pour sniffer de la Ventoline. Si elle était si allergique que ça, elle ne se s'rait pas alignée au départ après que je lui ai envoyé, courtoisie bien française, un bouquet de graminées champêtres dans sa chambre d’hôtel. Non, j’irai pas la chercher la demi-médaille...
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Khader, les arbitres vous ont déclaré vainqueur aux points. Vous auriez pourtant pu gagner par K.O. dès le troisième round ?
Non, vous savez... la boxe, c’est une chorégraphie intime. J’ai transformé la douleur, la mienne, celle de mon adversaire en un spectacle. C’est ce que je fais à chaque fois que je monte sur un ring. J’exprime ce qui est fondateur dans mon travail. Ce qui me plaît, c’est d’être dans le facétieux et la minute d’après d’être dans le sérieux le plus profond du boxeur. J’alterne le swing charmant, l’upercut dilettante, puis j’essaye de plonger les spectateurs dans l’œuvre. Souvent, ils sont prêts à faire le saut. C’est un exercice d’assouplissement de la pensée. Vous savez, Valéry disait : « La plupart des hommes ont une idée si vague...
Euh... merci Khader Luchini, mais on doit rendre l’antenne.