Trop petit, mon ami ! (Joe Krapov)
Les vieilles dames sont des petites filles comme les autres. Ce n’est pas parce qu’on date un peu qu’on n’aurait pas le droit de se prendre pour une reine.
Moi je suis une vieille dame comme les autres et donc, quand on me caresse, j’aime ça. Même si ce n’est que du regard.
L’avantage du grand âge, c’est que tout le monde autour de nous paraît jeune. Même les hommes d’âge mur, nous les appelons « jeune homme ». Nous ne leur disons pas « suivez-moi J.H. » mais nous ne sommes pas fâchées quand ils nous prennent en filature. Suivez moi J.K. !
Joe Krapov est comme ça, un jeunot toujours à mes basques. Pour lui, il a vingt ans, pour moi, il en a douze. Il ne se passe pas de jour sans qu’il s’occupe de moi, d’une manière ou d’une autre. Je crois bien qu’il m’aime. Et moi ça me fait rire.
Il n’est jamais qu’une petite fourmi, un ciron, qui me gratouille, qui me farfouille, qui me chatouille, qui va son chemin sur ma peau et que je peux, d’une pichenette, envoyer paître s’il m’ennuie trop. Mais je ne lui fais rien. Je le rassure, je lui apporte la joie d’être là en moi, de s’activer dans tous les sens, de frissonner dans mes artères, de jouir dans mes jardins secrets, de chasser mes trésors et surtout de causer pour faire ma publicité.
Peu importe si j’ai des problèmes de circulation, il est mon agent ! Mon bâton blanc, ma canne d’aveugle. Moi je ne peux plus bouger mais lui m’emmène au bout du monde. L’Iowa me connaît sans m’avoir visitée, la Belgique me voit, des quatre coins de France on sait ma garde-robe ! Car il n’arrête pas de me photographier ! Car il ne cesse pas d’adorer mon image et de vouloir que tous, comme lui, soient séduits.
Même si, quelquefois, je m’enflamme (1), je suis une timide, une réservée, une silencieuse. Pourtant je ne déteste pas qu’on joue, qu’on fasse la fête, qu’on m’aime pour cela, pour mes bijoux de nuit, mes douceurs de printemps, mes danses de l’été, mes couleurs de l’automne.
Il ne me reproche qu’une chose sur mes tenues vestimentaires. Je ne porte que rarement du blanc en hiver.
A part ça, ce jeune homme est charmant, un excellent page qui me consacre bien des pages sans vouloir m’emmener au page. Pourtant… ce n’est pas parce Condate un peu qu’on n’aurait pas le droit de se prendre pour une Rennes !
Continue de me célébrer, Joe Krapov, je suis une ville qui le vaut bien ! Et tu peux chanter « I’m just a gigolo, i’m just a rigolo» : tu es celui que je préfère parmi mes amoureux transis… du froid de la pluie des braderies !
(1)
Parle m’en de 1720 et de 1994 !