ELLE ET LUI (Jo centrifuge)
- Alors Mademoiselle AUFRAY, avez-vous découvert notre voleur?
Elle était toujours nerveuse devant Monsieur le proviseur :
- Eh bien, Madame la surveillante générale a procédé à la fouille des chambres et nous avons confisqué quelques paquets de cigarette, des allumettes et un magasine féminin. Mais aucun indice quant à la plaquette de beurre dérobée dans le réfrigérateur de l'internat hier soir.
-Poursuivez vos investigations Mademoiselle l'intendante. Je ne puis tolérer un quelconque comportement qui ternirait la respectabilité de notre institution. Les parents d'élèves ne le pardonneraient pas, vous me comprenez?
- Très bien...Au revoir... Monsieur.
Mademoiselle AUFRAY se rassit et contempla le butin de la journée étalé sur son bureau. Elle piocha une cigarette, une américaine, et l'alluma en faisant jouer d'une seule main un briquet à essence. C'était un "truc" que lui avait appris des GIs en janvier 45 sur un hôpital de campagne des Ardennes. Quoiqu'en dise le Proviseur, peu lui importait que des pensionnaires se grillent à l'occasion une petite clope dans les toilettes. Mais que certaines passent leurs soirées à lire en cachette les imbécillités frivoles d'un magasine de mode, voilà qui dépassait son entendement. Drôle d'époque.
Pourtant il fallait poursuivre l'enquête tant que ces demoiselles étaient encore en classe. Eh bien, il lui restait une heure pour fouiller les poubelles des parties communes du lycée. C'est dans une caisse en bois près de la petite porte menant au parc qu'elle découvrit, sous des feuilles mortes, l'emballage du disparu. La sonnerie de la fin des cours retentit.
Parfait, se dit Mademoiselle AUFRAY, voilà le cadavre. Il me reste à découvrir un mobile et je pourrais confondre le coupable. De retour à l'économat, assise à son bureau, elle s'offrit une nouvelle cigarette et tenta d'élaborer un plan d'action : faire surveiller la porte du parc, questionner le personnel sur des allers venues suspectes,.. qu'est-ce qu'une interne peut bien faire d'une plaquette de beurre?... Ses pensées finirent par dériver lentement comme les volutes de tabac qui emplissait la pièce à présent. Et c'est alors qu'elle remarqua comme une anomalie sur la couverture du magasine saisi. Une trace de doigt avait fait gondoler le papier et enlevé un peu d'encre. C'était comme... une trace de gras!
Elle feuilleta le journal à la poursuite de ces traces jusqu'à la page fortement abîmée des conseils beauté. On y découvrait comment une friction de beurre mou pouvait redonner leur splendeur à des cheveux abîmés. Ridicule... mais elle comprit immédiatement. Elle tenait son mobile, elle pouvait tendre une embuscade.
La nuit était tombée sur le parc et Mademoiselle Aufray, cachée derrière le tronc d'un grand peuplier, souriait car les faits confirmaient ses brillantes déductions. Plus loin, derrière une brèche dans le mur d'enceinte du lycée, une pensionnaire avait retrouvé un beau jeune homme. A les voir, elle devinait qu'un grand amour unissait ces deux là. En partant discrètement, elle se dit qu'ils méritaient bien leur bonheur.
Le beurre passerait par pertes et profits, n'en déplaise à Monsieur le Proviseur. Après tout, elle et lui...