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Le défi du samedi
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5 septembre 2009

L'écharpe de la Vierge ( Papistache)

Papi Jean s’est noyé voici quatre ans. Il serait bien surpris de découvrir qu’une des  petites histoires qu’il aimait raconter se sera finalement déposée au sein des défis du samedi, défis dont il n’eut jamais l’occasion de deviner l’existence, étant mort trop tôt, même si son rêve de gosse —passer l’an 2000 — lui fut accordé.

Dans la campagne vosgienne, entre les deux guerres, vivait une famille. Il devait en vivre quelques autres, Papi Jean ne nous entretint jamais que de celle-ci. Une famille d’autrefois : treize enfants. Papi Jean, lui-même était le douzième de sa famille, le tardillon.

Dans la maisonnée qui nous intéresse c’est également le tardillon qui intriguait. On vivait de la force de ses bras à cette époque, le père tonnelier, la mère fatiguée et les enfants à dure école : les filles occupées à mille tâches, les garçons en apprentissage, mais on s’aimait. Le soir, à la veillée, les langues s'agitaient.  Le tardillon délirait. Il voyait de ces choses. On riait de lui, mais on l’aimait bien, il était vigoureux et ne laissait à personne sa part de travail.

Un matin, cependant, le père et la mère prirent une décision. On irait à Épinal. On irait voir le docteur des yeux. Cette fois, il était allé trop loin, le tardillon. La veille, le ciel était sombre, sombre comme jamais. Il pleuvait sur Remiremont. Un rayon du soleil déclinant avait troué le ciel et le gamin s’était mis à genoux en pointant le ciel du doigt. Il s’était extasié un bon gros quart d’heure, appelant sa mère, son père, ses frères et sœurs.  « Comme c’est beau, on dirait l’écharpe de la Vierge à l’église du bourg » s’exclamait-il. « L’écharpe de la Vierge de l’Église ? Quelle imagination ! Une écharpe dans le ciel mouillé des Vosges? » se dirent ensemble parents et enfants.

Le docteur fit entrer la petite tribu. Tous étaient venus. Se rendre à Épinal était une fête. On allait en profiter, peut-être acheter un ruban ou des mouchoirs à carreaux... Le docteur examina l’enfant, interrogea, examina le père, la mère et les aînés, rendit son verdict : sur les quinze membres de la famille, quatorze étaient daltoniens, le dernier, seul, avait échappé à l’anomalie congénitale.

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Commentaires
R
sans bonnes nouvelles de mes beauParents partis passer quelque semaines au bord de mer !<br /> vous auriez pu, me prévenir papistache.commencer votre récit de la sorte "Papi Jean s’est noyé voici quatre ans"<br /> <br /> m'a quelque peu boulleversée !<br /> _____________<br /> tréve de plaisanterie c'est une belle histoire que vous nous contez là, et j'aime l'ambiance qui en ressort... c'est tellement vrai. mme que par chez nous des fois, à la veillée d'une fête des voisins,,, les langues se délient et l'on se raconte.
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J
C'est une histoire très touchante. J'aime beaucoup.
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T
Une écharpe, un ciel, une étole, des étoiles...<br /> L'histoire continue...
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C
Le soir au coin du feu, Papistache contait...<br /> :-)
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Z
le petit dernier d'une grande famille avait reçu pour nom Bertrand et son père d'ajouter "finement" parce que Bertrand du déclin...<br /> (cette histoire est vraie)
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J
Les vues et les couleurs ! :-) C'est un récit très charmant, Papistache.
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J
On est très contents de compter dans nos rangs un ophtalmo aussi mathusalémien, efficace et généreux que Zigmund qu'on a reconnu au passage (15 patients examinés, une seule facture !) et un conteur aussi captivant que Papistache.
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T
Le ciel , ses nuages et ses nuées bleues, en voilà encore un domaine où les enfants voient des merveilles...<br /> Le tardillon s'appelle par chez moi le caganis.
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W
Voilà Papistache qui nous conte, à son inimitable manière, les frères (et soeurs) Dalton !
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T
@zigmund : "les filles daltoniennes" relèvent très vraisemblablement de la licence poétique dont Papi Jean était manifestement un heureux dépositaire et qui ne manqua pas d'en faire usage dans ce récit.<br /> <br /> pour ma part, j'y vois une métaphore qui tendrait à expliquer la nature morose des soeurettes - elles voyaient tout en gris !
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T
j'en suis, c'est pourquoi, je n'ai jamais vu de vierges, c'est ça ?...<br /> <br /> quelle belle langue !! un appel de la nostalgie ?<br /> soufflée par une Vénus alsacienne* à l'oreille de son Papi' ?<br /> <br /> je sais pas vous, les Aminches, mais si cela avait été écrit sur une copie à grands carreaux, bien rangé dans la marge et tout et tout, moi j'y mettrais la note suprême (au risque de voir débouler M. L'Inspecteur dans l'heure).<br /> <br /> <br /> oui, oui, celle d'Ivan Goll, oui oui.
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M
Ah, j'aime beaucoup cette histoire ! Je connaissais l'expression "le petit dernier" mais pas "le tardillon", c'est encore plus parlant !
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P
La vue est basse depuis longtemps, je crains que cette fois-ci la fatigue ne s'y soit ajoutée et ait multiplié la baisse de l'acuité, sinon rétinienne, peut-être directement cérébrale. Merci de votre lecture attentive, Valérie.
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V
Mais? Mais? Mais?<br /> Est-ce que vous perdez le vue? Ou c'est moi qui délire? Le sens, je l'ai saisi, le sens, mais...<br /> Je lis: <br /> "Le soir, à la veillée, les langues s'agitaient. racontait. Le tardillon délirait."
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P
Valérie, c'est vrai j'avais écrit "Le soir, à la veillée, on se racontait." C'est un tour biscornu qui me plaisait bien je voulais montrer que ces gens simples ne maniaient pas la langue avec aisance.On se racontait quoi ? Non, on se racontait soi-même (on se racontait, comme on se livrait, pour donner un équivalent à "on s'écoutait" pour s'écouter il faut bien qu'un se raconte. <br /> J'ai senti que la phrase heurterait, je l'ai modifiée dans la nuit.<br /> L'enfant est le 13e et Papi Jean est le 12, mais Papi Jean n'est que le passeur d'histoires.<br /> <br /> C'est un compliment qui me touche de votre part Tilleul-la-Conteuse.<br /> <br /> Poupoune, que l'écharpe de la Vierge vous tienne chaud.<br /> <br /> Zigmund, Papi Jean était le père de mon épouse. Je ne peux plus l'interroger sur l'authenticité du récit. Désormais, le récit, je le passe à mon voisin et à chaque fois, je convoque un fantôme que, vivant, on aimait bien.
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Z
belle et touchante histoire (mais un truc me chiffonne : les filles daltonniennnes sont une rareté génetique).
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P
... ils n'étaient pas que quatre les Dalton ?<br /> (pfffffffffff)<br /> <br /> Joli comme tout et du coup c'est sur cette lecture bien douce que je vais aller me coucher!
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T
Elle est jolie cette histoire... Il est évident que les daltoniens ne voient pas de la même manière... Ce texte me plait bien...
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V
Mais? Mais? Mais? <br /> Cet enfant? Il était le douzième? Ou le treizième? On ne sait plus... <br /> Bon, il n'était pas tout seul, en tous cas, lui, il était bien entouré, à la différence du mot "racontait". <br /> Je suis embêtante? Je sais. Pardon. <br /> <br /> Le texte!<br /> Je l'aime bien, moi, cette histoire. Elle est amusante, et puis c'est en racontant les histoires que perdurent les souvenirs familiaux.
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