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Le défi du samedi
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16 juin 2009

Mais pourquoi je me rénerve les nerfs, encore ? Je (r)sey pas ! (Joe Krapov )

Au moment où le réveil a sonné, j’ai regretté d’avoir accepté ce voyage que nous venions de faire. Il allait falloir reprendre le collier, regagner ma cage, côtoyer les apôtres du fonctionnalisme, retrouver la caste des reclus rationnels, ces locuteurs intarissables aux yeux comme grillagés en forme de fichiers Excel, sourds au chant et insensibles aux couleurs, les « ceusses qui travaillent plus pour avoir le plaisir de gagner plus ». Leur temps est trop précieux pour qu’on risque de les voir traîner par ici afin d’y lire ce type de récits qui venait d’emplir mes rêves :

 

« Houlà, les pieds ! Le ciel est resté couvert toute la matinée. Réticent comme moi ce matin à tâter du eggs and bacon. Pain, beurre, confiture, croissant, pamplemousse, café et jus d’orange ont suffi à mon bonheur. Et puis en route ! Nous sommes allés faire le plein de Figolu Crawfords au magasin Spar puis avons acheté des sandwiches et des pommes Pink lady, mes préférées, aux halles centrales. Ensuite direction l’Esplanade et long périple tout plat sur la jetée sous le ciel blanc vers Saint-Aubin (3 miles) au bout de la baie. A la sortie de ce village la petite route monte vers des hauteurs boisées. Marina commence à peiner à cause des ampoules attrapées hier. De mon côté je me fais « alpaguer » par une mamy anglaise à l’air « shocking » qui me trouve « very special » parce que je photographie les noms des maisons et les heurtoirs de portes.

- Pourquoi vous faites ça ?

- Parce que je suis Joe Krapov, old rouspéting lady ! Je photographie tout ce qui ne bouge pas !

 

 

Jersey_1

 

Parfois il y a des exceptions, comme cet écureuil et ce faisan sur la route de Noirmont. Après avoir croisé le chemin de Belcroute (non ce n’est pas encore l’heure de casser la) nous empruntons le chemin de randonnée qui mène à la pointe. Nous l’empruntons mais nous vous le rendrons, amis Jersiais ! Au mémorial de la guerre 39-45 nous jugeons la vue sur la baie de Portelet suffisamment agréable pour ne pas nous engager sur la petite boucle initialement prévue. Tant pis, nous ne verrons pas du coup la tour et la tombe de Janvrin. Nous retournons par le chemin de Noirmont, tournons dans Portelet Lane, le chemin du Portelet et le mont du Quaisné. Quelques gouttes de pluie nous accompagnent mais elles ne dureront pas, c’est juste du pipi de cat ! Nous arrivons à la Ouaisne Bay et nous pique-niquons là en compagnie d’un goéland effronté qui lorgne sur nos casse-croûtes. (J’aime bien les mots comme casse-croûte dont le pluriel est mystérieux. Et c’est toujours un réel plaisir que d’aller déposer un soutien-gorge dans le moteur de M. Google pour voir ce qu’il a sous le bonnet !).

 

 

Jersey_2

 

A la remise en route, la plage reste jolie avec ses couleurs de mer verte, de ciel gris, ses mouettes pataugeantes, son canard de mer et son bateau jaune. Puis nous montons au cimetière marin. De là nouvelle escalade forestière vers le belvédère au-dessus de la baie de Beauport. C’est ici que Miss Ampoule jette l’éponge ! Il faut qu’elle s’allonge sur l’herbe, mette les pattes en l’air et elle demande à retourner sur la route B45 pour choper un bus et revenir à la case départ sans toucher 20 000 £. Ca va pas la tête ? Je la menace de publier la photo de ses jambes sur Internet si elle ne change pas de discours et, superbement généreux bien que non natif du signe du lion, je lui accorde dix minutes de repos pendant lesquelles je m’esbigne pour photographier la baie de Beauport.

 

Finalement remise sur pied après cette partie de jambes en l’air [sic] Marina décide de poursuivre la route jusqu’au cromlech invisible puis jusqu’à la moche prison de l’île, bien moins hospitalière que le Norfolk lodge Hotel où nous séjournons depuis jeudi. Bien lui en a pris, elle souffre moins des pieds, ma belle plante ! Plus loin le sentier redevient côtier tout du long et surplombe de belles falaises mi-irlandaises, mi écossaises et mi-bretonnes car tapissées de genêts (ou d’ajoncs, je ne sais jamais lesquels piquent !). Quand nous arrivons au phare de Corbière, le soleil se lève enfin, le ciel se dégage et la récompense est là : nous achetons une glace à la cerise noire (black cherry) pour elle et une à la noix  de coco (coconut but with a curious saveur of fruits de la passion !) pour moi. « Beware of the seagulls ! » nous conseille le marchand qui ne fera jamais fortune puisque ces deux glaces ne nous coûtent que 2,80 £. « Les mouettes ! » Ah bon ? Elles attaquent en piqué comme celle de Gaston et vous piquent le cornet ou bien elles déposent un gateau sur la cerise ?

 

 

Jersey_3

 

Courageusement, malgré la présence toute proche d’un arrêt de bus, Epouse-courageuse-qui-marche-sur-des idées-géniales-de-bandes-dessinées m’accompagne sur la Corbière walk. Sur le tracé de l’ancienne voie de chemin de fer vers Saint-Aubin il y a maintenant un joli chemin de terre bordé de pins et écrasé de soleil revigorant.

 

Nous n’irons cependant pas jusqu’au bout. Après avoir longé un terrain de golf et croisé d’étranges fleurs oranges, nous bifurquons après le Clos des sables, prenons la petite rue des Mielles et revenons à Red Houses où nous trouvons un arrêt de bus. 8 minutes après, le véhicule bleu stoppe à notre hauteur. Pour trois livres en liquide, le chauffeur nous ramène à Saint-Hélier. Il n’a pas l’air bourré comme ça mais il l’est : il roule complètement à gauche tout au long du trajet, ce fou ! Heureusement, en face, les autres ont bu aussi et font pareil ! Ca fait peur, quand même !

 

Il nous dépose devant la Frégate, nous rentrons nous écrouler et nous doucher à l’hôtel. Le soir à la pizzeria « Express », dans une ambiance « sortie en famille du samedi soir » je me régale d’une Four seasons en hommage à Antonio Vivaldi qui fut longtemps mon compositeur préféré avant que je ne devienne fan invertébré de la plus baroque encore Iowagirl. Bien que cela ne soit pas très diététique, je goûte à une Péroni Gran riserva, une bière italienne qui ressemble un peu à la Leffe et que je recommande à Walrus pour patienter pendant les pauses trilili de Madame ! Attention, les gourmand(e)s ! On ne sert pas de desserts dans les restaurants de Jersey le soir ! Même aux gens qui ont marché 22 kilomètres !»

 

Voilà ! Quand le radio-réveil a sonné, il m’a tiré de mon paradis perdu (lost paradise !) et de mes vannes à deux balles pour me faire entendre la dernière saillie de M. Heurtefoi. Hélas pour moi, il fallait que je retourne dans la réalité, chez M. Hajtyla et chez Mme Yonyon, avec, pour résister toute une sainte journée, le seul soutien solidaire de Stella Monétoile, ma voisine hypotendue chez qui je vais prendre ma pause-pomme.

 

Madame Yonyon ! C’est l’exemple type de ce que je dénonçais gentiment au début ! Elle le sait bien pourtant que je suis un fou de Venise ! Il y a des calendriers pleins de gondoles partout sur les murs de mon bureau ! Eh bien pensez-vous qu’elle aurait pris ne serait ce que trente secondes de son temps pour me raconter son séjour de cette année au carnaval de la cité des doges ? Que Tarchinenni, comme on dit chez Exbrayat !

 

Et Brice Heurtefoi ! C’est peut-être un homme exquis dans le privé bien que, je le vois d’ici, certains étrangers sans papiers parmi vous me semblent en douter. Lui, tout ce qu’il trouve à me dire ce matin c’est qu’il songe à repousser plus loin encore l’âge du départ à la retraite !

 

M’enfin Marina, explique moi ! Moi, Joe Krapov, je ne comprends pas tout ! Pour combler le déficit de l’Etat et le trou de la Sécu, on ne pourrait pas plutôt mieux partager les richesses, piocher dans les milliards à Total ou dans ceux de Carcopino qui rachète les palais de Venise pour y exposer ses croûtes ? Ils en font quoi, à part ça, de leur pognon, tous ceux qui en ont ? Tu dis ? Ils le planquent ! Où ça, que je fasse un casse ! Dans des paradis fiscaux ? Mais où ça donc ? Quoi ? A Jersey ?

 

Waooh ! A Jersey !

 

OK, je n’ai rien dit, rien écrit.

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Commentaires
T
Le fil de ma souris me lie à ces instants partagés avec nous. Merci.
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S
beau carnet de voyage, un vrai guide du rou(spé)tard. Merci de nous faire partager ce genre de moment, j'ai l'impression d'avoir voyagé avec toi, sans quitter mon tapis de souris.
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C
Justement Jersey est prévu comme ballade cet été. Ben oui, les brigands ont déniché le déplaint lors de notre dernier séjour.<br /> Mais je sens bien que je prendrai qq poèmes de Victor . Ah oui Déclamer du V Hugo devant les flots émeraude...
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A
C'est très riche, très beau, très drôle, très ... enthousiaste, si je puis reprendre les paroles de zigmound :D<br /> <br /> <br /> On se perd un peu quand on n'y connait rien, on passe à côté de beaucoup de clin d'oeil (et c'est dommage éè) mais les photos font envie, ça c'est certain !!<br /> <br /> Un des passages que j'ai adoré :<br /> <br /> "Marina commence à peiner à cause des ampoules attrapées hier. De mon côté je me fais « alpaguer » par une mamy anglaise à l’air « shocking » qui me trouve « very special » parce que je photographie les noms des maisons et les heurtoirs de portes.<br /> <br /> - Pourquoi vous faites ça ?<br /> <br /> - Parce que je suis Joe Krapov, old rouspéting lady ! Je photographie tout ce qui ne bouge pas !"<br /> <br /> ... "old rouspéting lady"... morte de rire !!<br /> <br /> Ta façon de parler, comme ça, ça me fait VRAIMENT penser à quelqu'un...<br /> <br /> <br /> <br /> Y'a pas à dire, quand je serai riche (je ne cacherai pas mon pognon, non xD), mais je le gaspillerai dans des voyages comme ça. En particulier pour ce coin-ci...<br /> <br /> <br /> J'ai déjà dit que ça donnait envie, tout ça ? Hum ok, ok, je sors.... ===> []<br /> <br /> <br /> ;o)
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T
Après une si belle description, je suis convaincue. Il faudra vraiment que j'y aille!<br /> Les montages photos sont aussi très beaux!
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Z
vos photos donnent envie. <br /> pour les ampoules suis moins enthousiaste.(cercle vicieux "tu marches pas assez t'as des ampoules, tu marches pour t'entrainer t'as des ampoules" c'est galéroîde)<br /> bon si je pars sur vos traces, je m'offre le bus ou la chaise à porteurs...
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V
A voir ces superbes photos Jersiaises, ce voyage méritait bien quelques ampoules
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M
C'est un vrai festival Joe ! Epatante cette balade "Jerseyse" avec le chauffeur "bourré" qui roule à gauche ... la pizza vivaldienne ... les mouettes façon Gaston ... et tutti quanti !<br /> (Ah l'"old rouspeting lady "!!!)<br /> C'est toujours un grand plaisir de te lire et que dire de ces beaux montages photos faits pour nous tenter de visiter Jersey ! C'est une réussite !
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W
Voilà Moon, j'ai fait un test et ça fonctionnait, j'ai donc modifié ici. Merci.<br /> Bon, je retire provisoirement ma démission.
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B
C'est vrai ton texte est comme un prolongement du carnet de voyage.. et puis j'aime beaucoup les montages de photos.. magnifiques !
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V
Joe, vous faites encore durer un peu la consigne du carnet de voyage..
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M
Oups la balise a été effacée donc mon message est incompréhensible.<br /> J'essaie d'envoyer ça par mail.
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P
ALors là, j'adore. Carrément. Surtout le début, avec les apôtres du fonctionnalismes et autres cornichons. Et puis j'ai envie de revoir Jersey avec ma belle plante à moi. Et puis j'aime bien la référence à Exbrayat, ça c'est de la littérature.
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M
Chez Canalblog je ne sais pas mais chez OB, il suffit de mettre avant une balise et après les photos en passant en html quand ça déraille,,,,, parce que ça déraille chez tout le monde Walrus, rassurez vous...
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W
Je crois que je vais suivre l'exemple de Janeczka et abandonner le navire : dans l'éditeur de Canalblog, les photos sont centrées. Escrocs !
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W
Eh bien, je suis bien content d'avoir rencontré une dame qui n'a pas besoin de restaurant pour se taper la cloche !
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P
Ah ça, Joe, tu dois effectivement être un compagnon de voyage réjouissant! Ton enthousiasme est communicatif et ta difficulté à rentrer me rappelle... moi. <br /> Tu me donnes envie de partir ce qui, dans le contexte présent, est un compliment!
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P
Détrompez-vous Joe, vos collègues sont ici incognito, il parait même que des génréraix lisent Rimbaud et jouent du pipeau, c'est Moon, qui l'affirme.<br /> <br /> Quand je lis votre récit, je me dis que ce doit être un spectacle que d'assister à un feu d'artifice en votre compagnie. Vous vous émerveillez à ravir.
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J
J'ai traversé le New Jersey en allant de Philadelphia à NYC en taxi, et toussa pour pouvoir aller en France ! Grâce à toi et la ravissante Marina, j'ai pu parcourir le Old Jersey aussi. Bolshoi spasiba !!! :-)
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