Mme Dubois. (Caro_Carito)
Directement
inspiré de Medium, série véhiculée par M6. Je regarde
ses traits doux, tordus par l’effroi. Je n’ai pas besoin de me tourner vers
les deux hommes qui asphyxient la pièce de leurs carrures épaisses pour partager
avec eux leur désarroi et leur scepticisme. Elle
secoue ses mèches blondes et prend cette expression butée que nous connaissons
bien. Les autres parce qu’elle les a aidés dans toutes sortes d’enquêtes, les
menant sans faillir vers une tombe, un meurtrier, une réponse. Moi, parce que je
partage sa vie depuis plus de dix ans. Ainsi que trois filles, si semblables à
la femme qui se tient devant moi, s’échelonnant à différents âges, de la
fillette à l’adolescente montée en grappe. Sans oublier les traditionnels hauts
et bas maritaux. Plus brutaux que ceux du commun des mortels. Parce que ses
songes à elle sont peuplés de morts, de drames et que j'attend avec patience et
désespoir que le défunt, apaisé, la délaisse, la délivrant de son harcèlement
inlassable. Jour comme nuit. Surtout la nuit. Oui,
je connais bien cette lueur au fond de ses yeux. Mieux, je la
déteste. C’est
Scanlon qui démarre les questions. Bille en tête, avec l’obstination pesante du
détective à qui on ne la fait pas. La pièce, elle était comment. Taille ?
Peinture? Elle se rappelle la couleur des murs ? Une indication, la plus
infime. Une ouverture sur l’extérieur. Un bruit. Un symbole. Il la voit secouer
la tête énergiquement puis le foudroyer avec cette pensée presque inscrite sur
son visage : il ne comprend rien. Puis,
ce fut le tour de Devalos. Il
s’accroche à ses affaires, le proc . Il les récite comme il devait réciter ses
cours, de l’école primaire à la fac de droit ou comme il noue sa cravate. Avec
application et sérieux. Mais il n’y a rien qui colle. Juste des voleurs à la
ramasse, un braqueur, des rixes entre bandes. Pas de meurtres bizarroïdes.
Phénix est étonnamment calme en ce moment. Moi,
je me tais. Je ne fais que la regarder. Je la dévore des yeux. En fait, je n’ai
jamais cessé depuis cette première fois. Elle était jeune et, moi, inconscient.
Elle a vieilli. Comme moi. On vieillit toujours quand on aime de concert. Mais
la flamme reste la même. Elle défaille parfois. Ou, comme en ce moment, elle
crame comme jamais et rien n’a plus d’importance. Bon
Dieu, Allison. Dis-moi que c’est un rêve. Un truc en toc. Que je ne m’appelle
pas Joe Dubois. Que tous les quatre. Que tous les deux, on squatte un plateau et
des spots, des décors en placo et du gazon synthétique. Qu’un gars dans l’ombre
va nous dire. « On arrête les gars c’est la quille on se revoit
demain. » Je
te regarde détailler ton rêve. Encore et encore. Tu es seule. Dans une pièce. Il
n’y a plus que toi sur Terre. Et quelqu’un frappe à la porte. Et je sens que tu
as peur. Tu trembles, tu défailles. Et cette peur, elle nous colle à la peau, à
Scanlon, à Devalos et à moi. Elle s’insinue avec adresse. Dans chaque pli de
notre peau, dans chacune de nos pensées. Ils essayent encore un peu de trouver
une affaire qui s’accommoderait de tes visions. Bientôt, ils vont essayer de
croire qu’un médium, c’est jamais fiable. Mais non. Ca fait trop d’années qu’ils
te connaissent. Des jours, des mois, des saisons. Comme moi. Nous savons que tes
songes sont obscurs et infaillibles. Moi
qui t’aime, je suis glacé tout d’un coup. J’ai froid parce que pour la
première fois, je vois l’avenir avec tes yeux. Et je suis seul dans une pièce.
Le dernier des hommes. Tu n’es plus là. Ni même les filles. Pas même Scanlon ou
Devalos. J’aurais jamais pensé qu’ils pourraient me manquer autant. Même
l’épicier je le chercherai. Et le médecin. Tiens, je croise même ce mec qui
a failli me buter et qui est mort maintenant. Tu te rappelles, pendant la prise
d’otages. Je
crève de froid. Ou de peur. C’est peut-être la même sensation humide. Je ne sais
pas. Surtout, je meurs de me dire que tu n’es plus là, Allison, dans mon rêve.
Que tu te retrouves toute seule aussi. Ailleurs. Tu
ne dis plus rien, mon ange. Plus personne ne parle. Tu
ne dis rien, mon ange. Et je ne peux même pas te dire, on va dormir, ça va
passer. Maintenant,
il faut juste attendre. Allez viens, on rentre. Je crois que Scanlon préfère
retrouver sa blonde et Devalos sa femme et ses fantômes. Allons rejoindre les
filles. Après tout, il n’y a plus rien à faire. Simplement rester
éveillés.