City trotteuse (Virgibri)
Je suis de tous les voyages, quand je le désire. Je vogue dans l’espace et dans le temps.
Ce matin, j’ai commencé par l’Espagne avec un jus d’orange, puis saut de puce vers les Caraïbes, avec un yaourt citron vert coco. Et l’Italie, comme tous les jours, avec mes deux espresso.
Puis direction la ville lumière en scooter.
Quand j’enfourche mon fidèle destrier à moteur, je me sens comme une jeune femme outrancière du XIXème siècle qui osait monter à cheval à la cavalière. Une fois mon casque mis, je deviens pilote d’une 500cc, ou encore spationaute, peu importe.
Ma galaxie est vaste.
Place Péreire, Villiers, Malsherbes, Saint Sulpice, Madeleine, Opéra, le Louvre : quartiers chics, mais leurs pavés tape-cul qui fanfaronnent tout du long, me projettent en Inde ou en Afrique.
Le long des quais, j’ai droit à ma petite madeleine proustienne, qui me ramène des années en arrière, quand je me baladais là, à pied…. Mais quand était-ce ? Un été parmi tant d’autres, sans doute.
Le bazar de l’hôtel de ville, empli de bourgeois bohème, de vieilles dames qui cherchent un tapis d’évier, mais surtout de touristes, me rappelle où je suis. Des housses de coussins splendides m’emmènent encore en Inde, et le thé Kusmi en Russie…
L’hôtel de ville en lui-même, d’où je ressors armée de paquets, sous ce ciel divinement parfait, me fait penser à la piazza Navona, à Rome...
Je prends le temps de tout admirer avant de repartir. La tour Saint Jacques, sur le trottoir gauche de la rue de Rivoli (encore l’Italie), et c’est Breton avec sa clique. Desnos. Soupault.
Auber, Place de Clichy, boulevard du même nom : me voilà au Moyen-Orient, avec le roi du poulet hallal, les odeurs de merguez, Tati qui m’appelle. Ben J, le roi de la frite, fait ses livraisons.
Tout est parfait… Jusqu’au moment où une berline blanche se réinsère sans prévenir. Paris. Les voitures qui déboîtent, les deux roues qui défilent, qui défient la ville, qui finissent en boîte…
Tati m’offre une huile de lotus qui m’envoie en Egypte, des maillots de bain bariolés dignes de Miami, des marshmallows américains, des t-shirts faussement punks qui me ramènent à Londres, alors que je suis au milieu du quartier musulman…
Je repars, toujours chargée, avec un sac posé tant bien que mal sur le siège arrière et tenu par un tendeur : je suis sherpa à moteur.
Le temps est parfait. Ni trop chaud, ni trop frais. A peine une brise pour de temps en temps me caresser le visage. Je pourrais être à Madrid, Rome ou ailleurs. J'aurais presque envie de pleurer devant tant de beauté.
Je finis mon voyage sous le soleil de mon balcon, devant une assiette italienne. Mon petit New-York me fait face, sans un nuage pour lui donner de l’ombre. Je termine sur deux ou trois gâteaux que ma mère a rapportés d’Algérie : cornes de gazelle, pâte d’amande, fleur d’oranger… Et sur un verre de menthe et de citron, qui pourrait être un mojito… sans alcool.
Je suis en France. Je suis partout. Je suis bien : je ne
vivrais nulle part ailleurs.