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Le défi du samedi
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9 mai 2009

L'au-delà de la toile (Virgibri)

 

Phil s’affairait alors que nous n’étions que trois oiseaux de nuit, en plein cœur de cette nuit estivale, à humecter nos lèvres sur les tasses ou à faire semblant. Les cafés refroidissaient souvent trop, mais Phil en resservait toujours du chaud de bon cœur.

Je finissais ma cigarette alors que John et lui parlaient base-ball. Imaginant la tête que j’avais à cette heure tardive, j’ai envisagé de me repoudrer le nez. Tout était lent. Je manquais d’énergie pour aller jusqu’à la porte des toilettes, sur ma gauche. Je savais aussi qu’elle menait aux cuisines, et à l’idée de nager dans des relents de friture, mon cœur se soulevait déjà.

John avait maintenant les yeux dans le vide. Je savais que l’on ne rentrerait pas de sitôt pour autant. Mollement, je me dirigeai vers la porte de toilettes. J’entendis John parler au troisième client, un type que l’on connaissait de vue et qui lisait son journal en mangeant une part de cheesecake.

Etonnamment, je ne plongeai pas dans des odeurs de graillon ou de cuisine : cela sentait presque le propre. Un parfum citronné émergea puis disparut aussi vite qu’il était apparu subrepticement. La porte des toilettes était à gauche. Au fond, celle des cuisines. A droite, une autre porte sur laquelle était inscrit « Staff only » et à laquelle je n’avais jamais porté vraiment attention. Mais là, elle était légèrement entrouverte. J’entendis quelques bruits lointains. Sans savoir pourquoi, prise d’une certaine curiosité, je m’approchai de la porte et penchai la tête.

Il s’agissait des vestiaires pour les employés. La pièce était sombre, à peine éclairée. Mes yeux se sont habitués pourtant assez rapidement. Une employée, celle à qui je devais sans doute la délicate odeur citronnée, me faisait dos. J’aurais dû m’éloigner discrètement, car je devinai qu’elle allait se changer. Mais non. Je restai là, immobile, incapable de bouger.

Elle portait une robe légère surmontée d’une grande blouse blanche aux rayures roses. Au mouvement de ses bras, je devinai qu’elle déboutonnait celle-ci. Sans comprendre, je me mis à frissonner dans ce couloir étouffant. Je suspendis mon souffle. J’aurais presque pu entendre le bruit des boutons pression se décapsulant tour à tour, lentement. On sentait la fatigue de cette femme. Elle soupira en ôtant sa blouse. La robe qu’elle portait était de couleur crème, aussi discrète que la mienne était voyante. Pourtant, je crus deviner ses dessous…

Il fallait que je quitte cet endroit, il était encore temps. Mais non. Aucun mouvement n’était possible. Si je bougeais maintenant, la jeune femme serait surprise et je ne saurais me justifier. Je sentis mon pouls s’accélérer d’un battement d’aile imperceptible. Sa main droite alla masser sa nuque, doucement. J’étais suspendue à cette longue main fine…

Elle s’assit sur le petit banc derrière elle, toujours sans tourner la tête. Elle se pencha. Retira ses chaussures. Et elle massa alors ses pieds délicatement. Je la vis relever ses jambes l’une après l’autre, les appuyer contre les casiers des vestiaires, et ôter ses bas. J’étais suspendue à ces jambes tendues comme un fil…

Les bas pendaient sur le banc, pauvres voiles de tissu morts de n’être plus accrochés à ses cuisses. Elle était toujours assise et ne bougeait maintenant plus. Sa tête était penchée en avant. Elle refit les mêmes gestes que pour ôter sa blouse, mais cette fois-ci avec la robe crème. Le bruit que fit la robe en tombant était splendide. A peine un froissement d’ailes. J’étais suspendue au papillon…

Pourquoi ne bougeai-je toujours pas ? Que m’arrivait-il ? J’étais hypnotisée par les gestes simples de cette femme sans visage. Elle était en dessous et j’eus soudain très chaud. Elle se leva, ouvrit un plus la porte de son casier, et en sortit une robe… rouge. Elle l’enfila presque trop rapidement. J’étais suspendue aux courbes du dos, à la cambrure délicieuse, aux fesses insolentes…

Elle tordit ses bras pour faire remonter la fermeture éclair dans le dos, et noua la ceinture qui fit ressortir sa taille. Je la vis ranger ses affaires, replier les bas, glisser la robe crème et la blouse dans un sac. J’aurais eu largement le temps de m’éclipser. Mais non. J’étais suspendue à la paire de chaussures rouges qu’elle allait enfiler…

Elle glissa ses pieds fins dans les escarpins carmin, ferma la porte de son casier, et fit ce geste renversant d’enfin libérer ses cheveux qui étaient jusque-là attachés. Elle passa ses doigts dans sa chevelure en agitant la tête sur les côtés, comme pour les gonfler. J’étais suspendue à la toison épaisse…

Elle se retourna. Et me vit. Elle ouvrit simplement la bouche en signe de surprise. Se reprit aussitôt. Dignement, elle prit son sac, marcha jusqu’à moi avec ce que je pris dans la pénombre pour un sourire. Je ne savais plus quoi faire. J’étais suspendue à ses lèvres, à ses hanches, au bruit léger de ses talons…

Elle ouvrit la porte en grand. Nous étions face à face. Mon cœur battait la chamade, mon corps battait le rappel.

 

A mon retour dans la salle, John me dit assez satisfait que j’avais repris des couleurs. J’allumai une cigarette en tremblant. Et en souriant.

Mes mains sentaient le citron.

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Commentaires
T
Hum hum... une autre façon de regarder ... le tableau !!!<br /> Bravo !!
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C
Très sensuel, il est adorable ce texte.
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P
Une histoire toute en points de suspension(s)...
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V
Ok Walrus, merci pour ce point technique. J'aime l'idée des caresses en double, cependant... ;-)
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W
Je crois, Virgibri que cela se produit si vous utilisez le retour en arrière suivi d'un rafraîchissement après avoir enregistré un commentaire. Vous répondez oui au message d'avertissemnt qui s'affiche et vous avez un double de votre com. En tout cas, ça m'est arrivé plusieurs fois dans le passé.
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V
Canalblog débloque, je n'y peux rien ! Cela fait la même chose avec certains comm' sur mon blog... Désolée.
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V
Voilà qu'elle recommence...
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V
Oui, il y a mille façons de caresser une femme, Berthoise...<br /> (Je sors en rougissant légèrement...)
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V
Oui, il y a mille façons de caresser une femme, Berthoise...<br /> (Je sors en rougissant légèrement...)
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B
C'est joli cette façon de caresser du regard.
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V
Mine de crayon, Val ? ;-)
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V
Mine de crayon, Val ? ;-)
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V
Ses mains sentaient le citron mais juste un doigt!<br /> <br /> ( Pardon, j'ai pas pu m'empêcher, désolée).<br /> <br /> J'aime ce texte, il est très sensuel et évocateur. Le citron? Comme quoi on peut écrire un texte sur l'acidité des plus doux qui soit... tu ouvres des portes pour le défi prochain, mine de rien ;).
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J
J'etais suspendue a ton histoire... tres sensuel sans etre vulgaire, voyeur sans etre pervers et avec un leger zeste de malice. J'adhere!!
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T
Magnifique!
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J
Bravo pour les odeurs, les auteurs n'y pensent pas très souvent, et pourtant, c'est le sens le plus ancien et vital.
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W
Quel talent !
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M
On en vient à se demander qui est qui, très bien menée cette histoire
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P
faut jamais se retenir. <br /> on sait jamais.<br /> ;o)
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S
Un texte vraiment très bien écrit et d'une originalité sans conteste !
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M
Ses mains sentaient le citron mais juste un zest !
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J
- Garçon, remettez moi un double !<br /> - Tu vas encore voir trouble !<br /> - Peu importe j'aime ces nuits magiques où l'on perd sa lucidité au profit de l'acidité.<br /> - Bon eh bien puisque c'est ça , salut ! A la semaine prochaine !
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