Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le défi du samedi
Visiteurs
Depuis la création 1 052 562
Derniers commentaires
Archives
28 mars 2009

La chambre (Caro Carito)

Je me sens mal à l’aise chez ce psy. Je ne les aime pas de manière générale. Leur retenue glacée m’effraie. Il me demande un moment heureux. Ce ton tranquille me ramène au temps du collège, à cette prof de français détestée. Elle aussi avec la même tranquille assurance. Elle aussi nous demandait de nous dépouiller de notre intimité. Il nous fallait coucher sur le papier – quatre pages minimum -  des extraits de nos vies, des sentiments, des impressions. Tout ça pour inscrire une mauvaise note bien en vue, surlignée de rouge, au bas de la copie.

Il répète la question, je ne réponds toujours pas. Je jette un coup d’œil alentour pour prendre contact avec la chambre inconnue. Le canapé est recouvert d’un frais liberty et la fenêtre s’ouvre sur un jardin. J’aperçois les corolles rosées d’un cerisier et un merle qui se balance avant de plonger dans le vide. Sur le mur crème, deux ou trois estampes japonaises et une photographie en noir et blanc, un garçonnet sur le chemin de l’école. Un souvenir agréable ? C’est si simple en fait…

 

Tu es trop grand maintenant, je vais te couper… Il enfouit sa bouille ronde dans mon cou et s’arrache à mes bras. J’aimerais t’enlever quelques années. Je regarde s’éloigner la silhouette emmitouflée dans le caban bleu marine qu’une amie a prêté et qui lui va si bien. Un dernier signe de la main avant que la voiture des grands-parents ne disparaisse.


J’attrape l’un des doubles du doudou originel qui traîne dans l’entrée et gravis les escaliers. Sa chambre se trouve à gauche, au bout du couloir. La couette est roulée en boule comme toujours. Je serre contre moi l’oreiller Barbapapa et ne peux m’empêcher de le porter à mon visage. Son odeur d’enfant est restée là, incrustée dans les replis de coton.


Je m’allonge sur le lit en chien de fusil et je ferme les yeux. Je viens de fermer le livre d’images. Les volets sont clos. Nous nous pelotonnons l’un contre l’autre. Je chantonne. Toujours cette même comptine. Les notes se taisent dans le calme de l’après-midi. J’entends son souffle, je compte ses soupirs. Déjà le sommeil m’entraîne dans le paradis accueillant des rêves. Juste une minute, savourer mon tout petit.

 

Au loin, j’entends une voix étrangère qui me demande à nouveau : un moment heureux ? Je n’ai toujours pas appris à répondre. Et puis, tout se mêle : hier, demain, aujourd’hui. Le  désir de la fillette, de la jeune femme. D’une vieille dame au seuil de sa vie aussi, silhouette fragile qui se dessine le long de mes jours. Avec ce besoin inchangé de respirer encore une dernière fois, l’odeur de sommeil de mes brigands.  Jusqu’au bout.

 

Publicité
Commentaires
T
un texte silencieux où les creux font des brosses pour ajouter au tableau, d'une caresse étrange, du doux, du flou, de l'ombre et de l'orange...
Répondre
J
Des petits bonheurs tout simples, en fait...
Répondre
A
Superbe, serait un euphémisme...
Répondre
W
Ah, les mères !
Répondre
M
Très beau, très tendre, très Maman !!!
Répondre
P
quelle maman n'a pas aimé renifler le sommeil de son enfant...? <br /> voilà en effet un texte bien universel!
Répondre
C
pour la bière, comme ça tu te feras pardonner. :o)
Répondre
C
J'ai jamais rien raconté à mon psy de ce genre, j'adore la psychologie mais les psy comme je l'ai écrit, leur froideur me désarçonne. Je crois que si c'était un psy brésilien, bien gaulé, miam... ça me dégèlerait. Et en plus j'ai du mal à écrire de l'intimiste. A le dire aussi.<br /> <br /> Heu par contre j'ai pas trop compris le impressioniste mais si tu veux bien éclairer ma lanterne... J'étais pas claire dans mon texte? pour une fois que je ne fais pas dans le lyrique.<br /> <br /> Heu non pour les comm, ça me va mais tu peux quand même boire ta chimay, veinard avec ta mie (elle a des couettes?). Mais je préfère la bleue. ;oP Et même je préfère une carolus d'or ou une charles quint. D'ailleurs s'il t'en reste comme je passe de temps en temps près de Rennes, fais moi signe.<br /> <br /> Pour la petite histoire, le texte initial pour ce défi je ne l'ai pas envoyé. Je le poste demain chez moi. Et il n'a rien à voir ; mais je ne sais pas, j'ai eu envie d'écrire celui là après. C'est difficile un moment de bonheur.
Répondre
J
Trop tard ! Que la réponse soit non ou si, la Chimay rouge est au bout de nos orteils !
Répondre
C
Caro, ayez la bonté de dire à Joe que si, pour qu'il soit condamné à passer une agréable soirée avec sa dulcinée et une bonne bière !
Répondre
J
C'est vrai Caro ! J'allais justement poster que ce genre de confidences, tu faisais bien de les partager ici plutôt que sur le divan d'UN psy et que moi-même j'étais bien embarrassé avec ce bijou-là !<br /> <br /> Si je puis me permettre, ton texte est assez "impressioniste". Il faut cligner des yeux, prendre du recul pour apprécier sa poésie, ses ellipses, son côté taillé au diamant et "jusqu'au boutiste" de l'intime.<br /> <br /> (J'espère que je n'ai pas écrit trop de conneries ce soir dans ce comm'. Si tu me réponds que si, j'irai noyer mon chagrin avec ma mie dans une Chimay rouge !)
Répondre
C
Ca doit être un texte de maman parce que à part papistache, seules les femmes ont écrit qq chose. ;o)
Répondre
T
touchée.... à coeur....
Répondre
C
Un plaidoyer pour les joies de la maternité.<br /> De la douceur, de la vie<br /> Un texte qui roule<br /> Et on oublie la froideur, le conventionalisme du doc'
Répondre
K
Très beau texte...
Répondre
P
euh je reste sans voix et sans... mots
Répondre
T
Magnifique! j'ai le coeur qui se serre en lisant ton beau texte...
Répondre
P
C'est vous et cependant universel. bravo !
Répondre
J
La vie est un long fleuve tranquille où un texte comme le tien qui floue si expertement le présent et le passé par ses évocations majestrales, surtout celle de la vieille femme dont l'ombre colorie ton seuil.<br /> <br /> Excellentissime.
Répondre
R
wouhaOU, qu'il est bel'menTRISTE à la fois, ton texte caro!
Répondre
T
pardon pour le "merde", c'est juste ce que j'ai pensé à la fin de ma lecture...
Répondre
T
Merde alors, il est beau ce texte...
Répondre
V
L'odeur du sommeil de mes enfants... je ne connais rien de mieux moi non plus.<br /> Leur cou chaud à toute heure, ce parfum délicieux...<br /> Whouha, moi aussi, je suis partie loin, j'suis plus là.
Répondre
Newsletter
Publicité
Le défi du samedi
Publicité