Veilleuse (Tiphaine)
C’est la nuit et je suis dans ma voiture. Les roues avalent les kilomètres, doucement. C’est curieux cette impression d’aller lentement quand on est lancé à plus de cent sur une route… Le vroum-vroum a endormi depuis longtemps mes lutins. Dans le rétroviseur, j’aperçois leurs têtes d’anges. Ils sont beaux quand ils dorment, on croirait qu’ils flottent dans le bonheur… Un sourire sur le visage de mon fils, un rêve de chocolat ? Ma fille suce son doigt, j’aime tellement le petit bruit qu’elle fait, elle le perd soudain, son petit corps s’agite dans son sommeil, puis elle le retrouve et s’apaise immédiatement.
Les roues avalent les kilomètres et la nuit tandis que la radio chante un air nostalgique dont je ne retiendrai pas les paroles. J’ai mes propres mots.
« Dormez petits lutins de mon cœur, maman est là qui veille, dors mon homme chéri, je sais le chemin »…
Ma 206 ronronne, un lapin là-bas, dans les phares… Il me regarde surpris et détale aussi vite qu'il était apparu. Sur lui aussi, je veille…
J’aime ce moment, au cœur de la nuit. J’aime être celle qui veille. Mon petit monde dort, à l’abri du froid du dehors, bercé tendrement par les vibrations de ma voiture grise.
Et moi, je ne sais rien de plus doux que leurs sourires confiants, je ne sais rien de plus beau que ces nuits de veille…
Tout à l’heure, ils ouvriront les yeux, ils auront de petites têtes ensommeillées, tout étonnés d’être arrivés, déjà. Tout à l’heure…
« Dormez petits lutins de mon cœur, maman est là qui veille, dors mon homme chéri, je sais le chemin »…