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28 mars 2009

On a tous nos petits soucis (Poupoune)

« Finalement, j'aimais assez bien la cave. C'est vrai qu'il y faisait froid et humide. Et parfois j'y restais presque deux jours sans manger. Et puis y avait les rats, qui me faisaient peur, surtout au début quand je savais pas trop ce que c'était. Mais finalement... j'étais tranquille, à la cave. Il y traînait plein de trucs avec lesquels j'arrivais toujours bien à m'amuser. Bon, la nuit, il faisait trop sombre, mais la journée ça allait, le soleil passait un peu par le soupirail. Et comme c'était à la cave que Papa enterrait les femmes qui voulaient partir, y avait toujours de la terre fraîchement retournée et je faisais des châteaux et des tas de trucs chouettes. D'ailleurs j'ai toujours le goût pour le travail de la terre. Y a pas de mystère, hein, ça vient de là mes sculptures en argile. Et puis pendant que j'étais à la cave, je l'entendais pas crier. Enfin si, je l'entendais un peu, quand même, mais c'était pas après moi, alors j'arrivais à faire comme si je l'entendais pas. En plus, j'ai toujours pensé qu'elle était probablement là aussi, ma mère. Y avait pas de raison qu'elle y soit pas. Elle avait sûrement dû vouloir partir, elle aussi. Forcément. Alors elle devait bien être là aussi... Du coup, quand il me mettait à la cave, ben j'en profitais pour lui parler, à ma mère. C'était obligé qu'elle soit là. Elle aurait pas pu me laisser avec lui. Non. Elle aurait pas pu. Quand j'ai commencé à grandir, à... changer, il a commencé à moins me faire descendre. Et puis y a eu cette femme, là, qu'a pas duré longtemps, et puis plus rien. De moins en moins de bonne terre à la cave. Au début, j'ai cru que c'était une bonne chose. J'avais pas trop l'habitude des relations normales entre un père et une fille, hein, alors je savais pas trop quoi penser, non plus. Maintenant, je me rends bien compte que j'aurais pu comprendre plus tôt, mais après coup c'est toujours plus facile, n'est-ce pas? C'est étrange, mais vous savez, il m'arrive parfois encore aujourd'hui de la regretter, la cave. Finalement, j'y ai passé les moments paisibles de mon enfance. Et puis ma sortie de l'enfance a été un peu brutale, pour le coup, alors tout ce qui me rappelle avant... Oui, non, je sais, c'est stupide. Je me dis parfois que s'il n'avait jamais voulu me toucher j'y serais peut-être encore, dans cette cave. Avec toutes ces femmes, celles d'alors, celles qui auraient suivi, ma mère, peut-être. Sans doute. Mais il a voulu me toucher. C'est étonnant comme je l'ai laissé me frapper des années sans opposer la moindre résistance, et à la première caresse... Un coup. Un seul. J'étais pas encore bien épaisse, mais la rage... Les ciseaux. Dans son oeil. Je l'ai regardé mourir et vous savez quoi? Je n'ai strictement rien éprouvé du tout. Et je suis descendue attendre à la cave. Mais bon: le passé c'est le passé, hein? Assez parlé de ça. Comme je vous disais, j'ai donc aménagé la cave en salle de sport, j'ai pris un coach, une diététicienne, mais ce foutu régime, je crois bien que j'y arriverai jamais sans un bon suivi psychologique, docteur. »

 

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Commentaires
S
Là il faut un sacré suivi psychologique quand même !!! Très bien ton histoire de la fille de barbe-bleue qui lui a tapé dans l'oeil !
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V
Jolie boucle finale, Poupoune. Le tout est rondement mené.
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J
Il donne froid dans le dos, ce texte!<br /> Une seule remarque (toute petite): j'aurais peut-etre un peu plus aerer le texte.
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A
On est presque soulagé à la fin de la lecture. C'est donc très réussi !
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W
Terrible !
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C
Excellent. Une fois de plus !
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T
poupoune : - qui c'est qui va me chercher une bouteille d'eau ? j'ai soif après tout ça, moi.<br /> tiniak : - elles sont où tes bouteilles ?<br /> poupoune : - à la cave.<br /> tiniak : - ... tu veux pas un sprite, plutôt ? y en a de frais au frigo...
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C
Ce texte à la couleur de la terre de cette cave. Et l'odeur aussi.<br /> On lit souvent dans les gros titres, on n'est pas égaux dans le bonheur. C'est le genre d'histoire qui ferait fureur...
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J
Si Barbe-bleue avait fait des enfants ?<br /> <br /> Ton texte me rappelle l'histoire récente de l'Autrichien qui gardait sa fille dans le sous-sol, et bien sûr que j'ai ressenti de la nausée en entamant ton texte, non pas à cause de celui-ci, mais à cause de celui-là.<br /> <br /> J'admire ton sang-froid. Il y a des sujets que je n'arrive pas à aborder, et cela fait de moi une pitre écrivaine. Au contraire de toi. <br /> <br /> Alors, bravo et admiration, Poupoune, tout simplement.
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T
... Tiphaine est embêtée, elle sait pas bien commenter quand elle est émue... merci Poupoune
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V
Poupoune j'aime ce texte. (En fait c'est souvent). Je pense comme Papistache, et même au delà: non seulement me pseudo, mais un petit bout de femme comme toi, que j'imagine très tendre contraste avec l'esprit de tes textes, mais c'ets délicieux!
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M
"On a tous nos petits soucis " .... évidemment ... dit comme ça !!!!! PFFFIOU !!!!<br /> Poupoune tu nous fait entrer dans le monde de l'horreur ! Un texte très dur superbement écrit !
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V
Un psy en a surement entendu d'autres, mais moi,ça m'donne le frisson... du lard ou du cochon ?
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J
Il doit bien y avoir une allusion à Oedipe quelque part mais je ne vois pas où. J'ai de la marmelade dans les yeux ou quoi ce matin ?
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R
poupoune ce texte mélé d'actualité et d'innocence est terrifiant.<br /> mais si bien conté que l'on se prend au charme de l'écriture.<br /> attention, avec vous je finirais par aimer les histoires de cave !
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B
Il me fait frissonner ce texte Pouponne !!
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P
Allumer une étincelle d'humanité dans l'œil de ce personnage. Joli challenge, docteur !<br /> <br /> Poupoune, souvent la dureté de vos textes contraste avec la douceur de votre pseudo.
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