OUEST
FRANCE - Normandie matin rubriques faits d'hiver. par
Rsylvie ben
oui, j'étais dans la salle avec Ginette ma co-locatrice. On est toutes deux
employées comme femme de ménage chez madame Éketoubrille. On papotait
chiffons, en attendant notre tour au prétoire, quand un journaliste pour le
très fameux magazine people « défiDUsamedi », s'est approché de nous avec son gros micro
alors…
-« alors moi l'avocat, j'le tiens fermement parc'qu'il est
vivace.
j'lui nettoie son p’tit surplus de chaire verdâtre et j'lui pique 3
cureDENT dans l'….
……… ………………………………………......................
bip … BIP….
……censure…..
afin de ne
pas
blesser les oreilles de nos
auditeurs
-« et j'le fous à
l'eau..... après y a plus qu'a maintenir la tête sous l'eau et attendre
que ça passe ! Si si, j'vous assure ça passe toujours.... Bon j'avoue que
la tige n'est pas toujours bien droite mais orientée vers la lumière avec
précision, elle retrouve sa fierté et vous donne une magnifique plante
verte, au feuillage persistant ..... si vous n'oubliez pas de l'arroser
régulièrement.
Et oui….faut d’l’eau, beaucoup
d’eau.
Enfin c’est c’que j’allais faire
quand …
quand cette pauvre madame, qui rentrait tout
juste de ses vacances aux Seychelles, a poussé un cri d’effroi….
L’avait plus une feuille
sur la tige !
C’est sur, il manquait d’eau. Mais de là, à
l’noyer » !!
….il n’y a qu’un
pas,……………………………………………
....…...
et c’est ce que je vais m’empresser de vous démontrer.
Si l’on veut bien,
enfin, me laisser la
parole !..........................
..............
Sa femme le trompait, il en était certain. L'ennui, c'est qu'il ignorait avec qui, mais au bout du compte, il s'en fichait...
Un beau soir, rentrant d'avoir promené le chien, il la trouve, étranglée !
Les flics lui trouvent, eux, d'excellents mobiles et un alibi... débile.
De fil en aiguille, il se retrouve inculpé de meurtre et on lui colle un avocat commis d'office.
Lui se contente de dire qu'il n'y comprend rien et que de toute façon, sans elle, sa vie n'a plus de sens.
Le procès arrive et son avocat n'a encore établi aucune stratégie de défense.
Vient le moment de la plaidoirie.
"Mon client a, selon l'accusation, commis un crime abominable,
néanmoins je vais vous demander de l'acquiter pour les raisons
suivantes : il est impossible qu'il ait pu assassiner sa femme.
En effet, j'étais l'amant de cette dernière. Tout se passait au mieux
jusqu'au jour où elle s'est mise dans la tête de me faire divorcer pour refaire ma vie avec elle. Comme de mon côté, je ne tenais
absolument pas à perdre mon épouse, cette riche héritière que vous
connaissez tous, elle m'a menacé de mettre celle-ci au courant de nos
ébats. Raison pour laquelle je l'ai étranglée. Si je n'avais pas été
commis d'office, je n'en aurais rien dit, mais mon serment d'avocat me
fait une obligation de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour sauver
mon client, alors..."
Je vous
demande d’excuser mon client. Le jour où la femme de sa vie l’a quitté pour
entrer au couvent, il est resté pendant des heures au pied du mur du
monastère… Il gardait l’espoir de
l’apercevoir encore une fois, ne fût-ce qu’une seconde au travers d’un vitrail…
Pouvez-vous imaginer son chagrin ? Il n’était plus lui-même quand il a
injurié les forces de l’ordre…Mais ce n’est pas sa faute si il a bu plus que de
raison ! C’est la vue de cette statue, logée dans une niche, qui lui a
donné soif...
L'avocat commence sa plaidoirie : « Ma cliente,
Iowagirl,a commis un crime abominable, néanmoins je vais vous
demander de l'acquitter parce que…
Son acte n’était pas
condamnable.
Elle a seulement pété un
câble !
Sa peine était bien
calculable,
Mais c’est une dame
canonisable !
De crime, elle n’en est pas
capable !
Son cas est donc bien
comprenable !
Pourquoi ? C’est simplement
captable
Qu’elle frappe avec sa grand’
cartable
Un pinailleur de langue
curable !
Tant pis pour lui, sa tête
cassable !
Il faut être plus
charitable
Envers ce coup
coagulable !
Et donc le crime est
commuable !
Son amour
communicable
Est aussi assez
compactable :
N’importe qui de
comparable
Verra cet acte comme
compensable,
Sans parler de
concevable !
Elle voulait être
conciliable !
Sa liberté ? Pas
confiscable !
Son débit est
conjugable !
Son français est
considérable !
Trouvons stupide le dur
constable
Qui jugeait sa langue
méconnaissable !
Il était donc
contribuable,
À sa propre mort bien
contraignable !
Vous croirez peut-être
contestable
Qu’elle le tue,
inconsolable,
Parce qu’il la trouvait
critiquable !
Chers amis, le
consommable
Dans cette affaire est le
constable !
Et ma
cliente…incorrigeable !
Tournons la page. Tout con
vocable
Profite d’un us
controversable !
Qu’elle parle notr’ langue,
cette non-coupable !
Je trouve ça, moi, bien
convenable ! »
L’avocat
reprend sa place. Les membres du jury, au moins ceux qui n’avaient pas encore
perdu connaissance lors de ce discour effrayants, ont tout de suite voté un
non-lieu et la vilaine Iowagirl assassine incorrigible de lalangue française, retrouve sa liberté.
- La parole est à maître Sankoz ®, avocat de la défense.
- Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les jurés, jusques à quand enfin le ridicule en grève
refusera-t-il de tuer ceux qui viennent ici à l’instar de M. Nicolas Broutille ®, chef d’entreprise et ci-devant partie civile, encombrer
les tribunaux de leurs peccadilles ? Ce procès est une farce italienne,
une pantalonnade et je me fais fort, sans même faire dans la dentelle, de transformer
l’argumentation de la partie adverse en hachis de Parme entier. Car que
reproche-t-on à Monsieur Lamoule ®, mon
client, et que ne lui a-t-on pas reproché ?
Cet humble commerçant en
sex-toys, boules de geishas, pilules bleutées, accessoires et revues de la plus
basse pornographie n’est qu’une pauvre victime de la crise économique mondiale
qui sévit actuellement partout. M. Roger Lamoule ® a été contraint d’abandonner son emploi de gérant des
Portes du Paradis ®, un sex-shop situé
rue d’Echange à Rennes ®. Il s’est reconverti
dans l’aide informatisée aux candidats potentiels de la Staraque ® et autres pousseurs-pousseuses de chansonnettes. M.
Lamoule ® est devenu maître-chanteur
d’un genre particulier certes puisqu’il n’a pas craint d’exercer par
correspondance sa nouvelle activité de vendeur de corps beaux et de merlettes
chanteuses. »
(Rires dans la salle).
- M. et Mme Broutille ®
me font bien rigoler. Excusez-moi, Monsieur le
Président, mais consécutivement à leur lune de miel récente, ils ont de la
marmelade dans les yeux ! Comment ne pas voir en effet que les poupées
chantantes envoyées par M. Lamoule ®
à ses nouveaux clients n’étaient rien d’autre
en effet que des poupées gonflables à l’effigie de Mme Carla Broutille ®
au sein
desquelles un dispositif de lecture de fichiers MP3 ® se déclenchait lorsqu’on appuyait sur le téton
gauche, faisant entendre le voix de la Callas ®, de Céline Dion ®, de dame
Félicity Lott ® ou celles de Caruso ®, Jean Ferrat ®,
Serge Lama ®, ce en vue d’inciter les
jeunes talents à forcer un peu plus sur les cordes vocales que sur la cigarette
avant d’envisager une carrière musicale. »
- Mais, maître… ».
Roger Lamoule ®, entre deux de ses bâillements,
essaie d’interrompre l’avocat qui a visiblement la frite, bien lancé qu’il est
dans sa plaidoirie.
- Mon client est-il accusé d’atteinte au droit à
l’image ? Pas du tout ! Il n’est pas responsable non plus du
détournement d’usage qu’a subi l’objet du délit. La poupée Carla ®, puisqu’il
faut l’appeler ainsi, s’est vendue comme des petits pains le mois dernier lorsque
les employés de l’usine Broutille ® se sont mis en grève contre leur patron.
Tout le monde garde encore en mémoire l’image de ces syndicalistes brandissant
la poupée, scandant « Carla ® avec nous ! » et lui faisant
chanter à pleins poumons « L’Internationale ® ». Mais sommes-nous ici
pour une accusation de complicité de grève illicite, injure ou
diffamation ? Pas plus ! Encore moins pour des faits de sorcellerie.
Les quelques farceurs situationnistes qui croient que le veau d’or est toujours
debout et que le vaudou est toujours Debord ® se trompent. Planter des
aiguilles dans la poupée Carla ® n’aboutit à rien qu’à un grand
« Pffff… ». Même pas une petite « clique » ou un grand « claque ».
Autant marabouter des bouts de ficelle, envoûter des plafonds de cave,
magnétiser des aimants à Vérone ®. »
- Abrégez, maître Sankoz ® », demande le Président,
sinon on va encore devoir couper en deux votre contribution au « Défi du
samedi juridique » ! »
- Mon client, Mesdames et Messieurs, a commis le crime
abominable d’écrire sur l’emballage et les prospectus publicitaires vantant les
mérites de sa Galatée ® à la voix dilatée cette accroche : « la
poupée qui fait nom ».
Or monsieur Broutille ®, suite à une affaire
juteuse réalisée par un de ses adjoints, commercialise en Chine des mannequins
d’un genre un peu particulier. Comment appelez-vous, M. Broutille ® votre
top-modèle pour l’export ? »
- La poupée qui fait nain ®. »
(Manifestations
d’étonnement dans la salle).
- On peut voir ici, Messieurs dames, reprend l’avocat en
brandissant une photo, ce que produit désormais M. Broutille ® dans son usine
de vêtements : un
modèle de pin-up qui sert de nain de jardin sur les balcons des HLM ® en
Chine ® ! Cela fait quatre pages que vous vous esquintez les yeux pour une
vulgaire affaire de simili plagiat de slogan, pour une querelle de voisinage entre
mercantis concernant la propriété intellectuelle des mots « la poupée qui
fait » ! Avons-nous réellement du temps à perdre avec les appétits
mesquins de ces marchands du temple ? Surtout, qui, de nos jours, à part
un Ch’ti d’Arleux, de Dourges ou de Wahagnies peut se montrer incapable de
faire la différence entre la poupée qui fait non et « cheul poupée qui fait nin » ? »
(Rumeurs de
stupéfaction dans la salle)
- Pour terminer et vous prouver qu’il n’est pas très
difficile d’enfreindre la folie de telles lois et de telles moeurs, qu’il me
soit permis de questionner le plaignant. Monsieur Broutille ®, quand votre
épouse Carla ® se rend au supermarché pour faire ses courses, comment
appelez-vous le chariot dans lequel elle entrepose les victuailles de la
semaine ? »
- Un… Un caddie ® ? »
- Parfait ! Et quel est le nom de la danse nouvelle à
laquelle s’adonnent des adolescents gominés sur les places publiques de nos
cités ? »
- Le rockabilly ®? »
- Vos références culturelles datent un peu, M. Broutille ®
! Vous êtes carrément à côté de la plaque. Et en disant ça, je vous aide ! »
- La Tecktonik ® ? »
- Voilà, Mesdames et Messieurs ! La démonstration est
faite. Le plaignant n’hésite pas lui-même à utiliser des termes qui sont des
marques déposées dûment enregistrées auprès de l’INPI ®. Il vient de faire la
preuve que nul ne peut survivre dans un monde où l’on privatise tout, y compris
les noms et les mots. Je vous remercie de réfléchir à cela avant de délibérer. »
- Mais maître… » hasarde encore M. Lamoule ®.
- Ta gueule, Roger ®, répond l’avocat à voix basse.
T’inquiète pas, c’est gagné. »
- C’est que… On ne risque pas d’avoir des ennuis avec Michel
Polnareff ® ? »
***
Effectivement, à l’issue des délibérations, le diffuseur de
la poupée qui fait nain ® a été débouté de sa plainte contre le fabriquant de
la poupée qui fait nom. Le tribunal a condamné le couple Broutille ® à payer
les frais de justice de Roger Lamoule ®. Madame Broutille ® ne décolère
pas :
- Mais enfin, Nicolas ® ? Pourquoi as-tu répondu
« Caddie ® » à cette question sur ces endroits où je ne vais
jamais ? Tu sais très bien que je fais tout livrer par Fauchon ® directement
à la maison ! ».
M. Broutille ® ne dit rien. Il sort piteusement du tribunal et s’enfuit rapidement, la queue entre
les talonnettes ®.
Mesdames et messieurs les jurés, ma cliente a commis un crime abominable, néanmoins je vais vous demander de l'acquitter pour les raisons suivantes :
Cette frêle créature, derrière ces vitres blindées qui la protègent tout en l’enfermant — d’ailleurs a-t-elle vraiment mérité ce traitement réservé d’ordinaire aux criminels de haute volée ? — a assassiné son mari. C’est exact. D’une manière qui vous a choqués au cours du procès.
Je vous rappelle qu’elle s’est présentée vierge au soir de ses noces et que précisément, c’est au petit matin que la parentèle abasourdie a découvert le forfait. Vierge, innocente. Chez ces gens-là, mesdames, messieurs, on ne connait du mariage que l’acte de procréation. Bestial.
Vierge. Innocente. Totalement remplie de son désir de maternité. Chez ces gens-là, que notre société trop souvent enferme, comme ce soir ma cliente en son bocal, on ne badine pas, mesdames, on copule pour l’avenir de l’espèce. Alors, cette jeune épousée, une fois ses ovaires comblés a ressenti une grande oppression. Un espace vital réduit, une chiche liberté... et là, offerte à ce mâle perforant, elle a mesuré, en une fraction de seconde, qu’il lui fallait impérativement éliminer celui qui allait lui disputer les maigres allocations que la société lui octroierait.
La société ? Vous, nous, mesdames, messieurs. Ma cliente a tué son époux parce qu’elle allait devenir mère et que le cri de ses entrailles le lui a enjoint.
Mais aussi songez que nous en sommes responsables et c’est pourquoi nous allons la libérer de cette cage de verre alors que son abdomen distendu montre à tous que la vie s’apprête à en sortir. Oui responsables, car qui, sinon, vous ou moi, l’avions soumise à cette ignoble alternative ? Assurer un avenir à sa progéniture ou risquer de le voir contrarié par la vorace attitude du mâle que nous avions introduit dans sa couche virginale.
Car, je soutiens que c’est nous, humains qu’on dit civilisés, qui avons —notre curiosité est si maladive et obscène — ourdi la situation qui a généré ce meurtre. Elever une vierge en la laissant tout ignorer de son milieu naturel et lui adjoindre de notre propre chef un géniteur à son côté, c’est nous qui devrions nous trouver sur le banc, à sa place.
Imaginons un état de grâce, loin du carcan de ce que la science a produit de pire. Croyez-vous que l’inimaginable se serait produit ? Non, mesdames, non messieurs, le galant aurait pris la fuite une fois son plaisir éprouvé, la belle se serait baissée pour cueillir à poignées son ordinaire et même son extra.
Mesdames, messieurs, nous avons voulu contraindre la jeunesse et la beauté et avons récolté le sang et l’horreur. Je vous assure que j’ai vu, de mes propres yeux, dans les buissons des sauvages garrigues de la Corse se perpétrer mille acrobaties copulatoires, et plus, sans que jamais la moindre victime ne soit à déplorer. Vierges ou presque, amants frénétiques ou patients, chacun repartait au soir vers de nouvelles aventures. Moi-même... mais ce n’est pas le sujet de ma plaidoirie.
Je vous demande d’acquitter ma cliente, mesdames et messieurs les jurés ; si la nature vous avait fait naître orthoptères plutôt que primates vous auriez agi comme elle. Ma cliente, Mantis religiosa, doit être acquittée et remise en liberté séance tenante. Comprenez-vous les enfants, que ce que vous avez pris pour un acte de cruauté n’était qu’un geste d’amour ? Relâchez cette mante religieuse et allongez-vous dans l’herbe — enduisez toutefois vos épaules de crème solaire — et prenez la loupe que je vous tends. Observez toujours les animaux dans leur milieu naturel. Croyez-vous que vous tireriez des enseignements sur les mœurs d’un lion encagé entre trois grilles et un mur de béton sale ?
Dévissez le couvercle et ouvrez vos yeux.
— Papa, pour la Corse, tout à l’heure, qu’est-ce que tu as voulu dire ? — Une autre fois, mes enfants, une autre fois... je vous laisse à vos observations in naturalibus, je vous appellerai pour le goûter.
- Ma cliente a commis un crime
abominable, néanmoins je vais vous demander de l’acquitter. Votre honneur, je
vous demande la plus grande indulgence pour ma cliente. Cliente, qui bien sûr, est très désolée de ce
qu’elle a fait…
[Plus fort]Cliente, qui bien sûr, est très
désolée de ce qu’elle a fait…
- Maitre, ce n’est pas la peine de
répéter la même chose, la Cour n’est pas sourde
- La Cour non, mais MA CLIENTE peut-être!
[La cliente sursaute, interrompue dans ses
pensées, et baisse enfin la tête devant le regard courroucé de son défenseur]
- Voyez d’ailleurs, comme elle est
contrite. De plus, tous ici peuvent remarquer que son état n’est pas normal. Ce
sourire niais dénote une grande perturbation mentale et je suis étonné que
l’expertise psychiatrique ait conclu en sa responsabilité. Allons votre
honneur, même mon cocker a l’air plus
éveillé !
[Les personnes assises au premier rang peuvent
voir le coup de pied discret sur le tibia de la cliente qui essayait de protester…]
- Pensez-vous qu’une incarcération
soit justifiée dans cet état ? Tout ça pour quelques mots malheureux ?
- Maitre, il s’agit de plus que
« quelques mots malheureux »
- Des insultes de cours de
récréation
- « Espèce de sale Pute »,
« je vais te tuer Salope » et « Je vais t’exploser ta gueule de
pétasse » ? Dites-moi de quelle école il s’agit pour que je n’y
envoie pas mes enfants…
- Votre honneur, les mots ont
dépassé la pensée (fort limitée) de ma cliente…
- Si ce n’étaient que les mots,
Maitre…
- Vous voulez parler de la gifle
peut-être ?
- Maitre, relisez l’acte
d’accusation mais ne nous faites pas perdre notre temps !
- Excusez-moi Votre honneur, mais cette
gifle n’est qu’un malentendu
- Je vous confirme que la plaignante
entend mal depuis la gifle, mais je ne vois pas de malentendu
- Ma cliente ne voulait pas faire de
mal à la plaignante
- Ah bon Maitre, que voulait-elle
faire alors ?
- Ecraser un insecte.
- Ecraser un insecte ?
- Oui, une horrible araignée qui
s’apprêtait à attaquer la plaignante
- Maitre, vous vous moquez de
moi ? Savez-vous ce qu’il en coûte en cas d’outrages à la Cour ?
- Votre honneur, je vous garantis de
la bonne fois de ma cliente et vous le répète : elle n’a pas toute sa
tête. Vous voyez bien d’ailleurs qu’elle est blonde
- L’expert affirme pourtant le
contraire…
- Le coiffeur de ma cliente peut
pourtant l’attester
- Je ne parle pas de sa couleur de
ses cheveux, Maitre
- Pardon votre honneur. C’est peut-être
parce que ma cliente n’est pas malade.
- C’est ce que le psychiatre expert
a conclu, oui….
- Elle n’est pas malade votre
honneur, mais elle n’est pas dans son état normal. Elle est amoureuse…
[La cliente relève la tête et sourit béatement
à son avocat]
- Maitre, parlez clairement et qu’on
en finisse
- Votre honneur, ma cliente a cru
que la plaignante jeune et ravissante, mais délinquante notoire, soit dit en
passant, voulait s’en prendre à son mari et s’est défendue avec toute l’énergie
d’une femme amoureuse. Mais elle ne recommencera plu, n’est-ce pas ?
[La cliente fait non énergiquement de la tête]
- Ne la mettez pas en prison je vous
en prie, vous allez briser cette femme, vous allez briser un jeune couple…
- Très bien Maitre, je relâche votre
cliente avec une amende et des indemnités pour la plaignante, mais seulement si
vous vous engagez devant la Cour de ne plus défendre à l’avenir que des clients
de sexe masculin ou apparenté. La Cour ne supportera plus ce genre de
débordements, même de la part d’une femme jalouse. C’est clair ?
- Oui votre honneur. Merci beaucoup votre
honneur. Mon épouse et moi-même vous sommes infiniment reconnaissants. N’est-ce
pas chérie ?
[Et la cliente de remercier le juge d’une voix
timide (qui ne ressemble plus du tout à celle qu’elle avait quelques jours plus
tôt quand elle s’en était prise à la jeune cliente de son mari) et de se
précipiter dans les bras de son époux et défenseur]
Moralité : On
a toujours besoin d’un avocat. Tant qu’à l’avoir chez soi, autant l’avoir dans
son lit
Je m'adresse à vous, mères entre
toutes.......les mères.......Elle ne pouvait pas.......Non, elle ne pouvait pas,
elle ne pouvait plus.....Les cheveux collés au front par la sueur des efforts et
les yeux perdus dans un regard suppliant, un visage hurlant la crainte de
l'abandon et de l'irréversible, la peur de l'impossible et de l'inutile, elle a
crié "non, non, je ne peux plus, je n'en peux plus, je ne veux plus, je n'en
veux plus.......!" Qui parmi vous peut juger cette ultime faiblesse tandis qu'il
suffisait.......de donner encore et encore?.......Qui , peut être certain, qu'à
cette même place et à ce même instant il aurait pousser encore? Parce que depuis
la nuit des temps, il en est ainsi? Je fais appel au plus profond de
vous.....au cri puissant d'une délivrance qui n'en finit pas, un cri qui d'elle
à moi, de moi vers vous retentit et.......vous demande de l'entendre.......Je
vous demande de l'entendre....de l'entendre et de lui
pardonner........ J'étais dans la salle....... d'accouchement.......
Je
me souviens encore de la dernière plaidoirie de maître Ernest
Bonimenteur au palais de justice de Bruxelles. "Ma cliente a commis
des crimes abominables, néanmoins je vais vous demander de l'acquitter
pour les raisons suivantes" l'auditoire était suspendu aux lèvres de
Maître Bonimenteur, un des plus brillants avocats de sa génération, qui
n'avait jamais perdu un seul procès en vingt ans de carrière. Chacune
de ses plaidoiries était attendue avec impatience car elles étaient de
véritables bijoux où chaque mot était pesé et ciselé avant d'être admis
à prendre place dans ce discours, cette épopée, ce récit mythique.
Maître Bonimenteur était petit et rond mais dés qu'il commençait à
parler il séduisait son public qui l'écoutait religieusement, il
devenait alors l'être le plus grand et le plus beau qui ait jamais
arpenté un tribunal. Comme tout le monde, je m'attendais à un grand
moment, à un instant historique et je me réjouissais d'avoir été
envoyée pour couvrir cette affaire - l'affaire de la Belle de glace
comme disaient les médias - par mon journal parisien "La vérité
alternative". J'étais la spécialiste juridique de mon journal, j'avais
l'habitude des tribunaux et ce n'était pas la première fois que je
voyais Maître Bonimenteur à l'œuvre mais rien dans ma longue carrière
ne m'avait préparée à faire face à ce que j'entendis ce jour là.
Maître Bonimenteur défendait une jeune femme de 21 ans accusée d'avoir
assassiné quatre-vingt-dix-neuf personnes dont trente-trois
handicapés, trente-trois enfants et trente-trois personnes âgées, elle
avait avoué et avait été prise sur le fait alors qu'elle étranglait sa
dernière victime. De plus, on avait retrouvé chez elle de nombreux
bijoux ayant appartenu à soixante de ses victimes. Elle avait justifié
ses actes en disant simplement qu'elle en avait eu envie. Anne Clozot,
l'accusée était une belle femme, grande et mince, avec une magnifique
et longue chevelure brune qui encadrait un long visage hâlé, dominé par
une grande bouche sensuelle et des yeux verts émeraude. Ele n'exprimait
aucun regret et regardait l'asssemblée comme si elle était la reine
d'Angleterre.
Rien
dans sa vie passée ne pouvait lui servir de circonstance atténuante et
nous nous demandions comment Maître Bonimenteur, malgré son génie,
allait pouvoir s'en sortir. Quand il se leva pour prendre la parole, le
silence était tel qu'on aurait pu entendre respirer un insecte. Sa voix
grave et profonde s'éleva jusqu'aux voûtes construites par le génial
Joseph Poelaert : "Ma cliente a commis des crimes abominables,
néanmoins je vais vous demander de l'acquitter pour les raisons
suivantes..." il marqua un courte pause avant de déclarer puissamment "
je l'aime et je vais m'enfuir avec elle!".
A partir de cet instant, la situation devint véritablement irréelle,
chacun réagit à sa façon à cette incroyable déclaration : certains
poussèrent des cris rauques ou stridents, d'autres grincèrent des dents
ou se mirent à gémir, quelques personnes se levèrent et ouvrirent la
bouche mais aucun son n'en sortait. Le juge Alondonc écarquillait
démesurément les yeux et se tournait en alternance vers le procureur du Roi, ses assesseurs et le jury qui restaient pétrifiés, comme
pour vérifier qu'il n'était pas en train d'halluciner. Mais cela ne fut
rien par rapport à ce qui suivit. Le temps semblait s'être arrêté
depuis que Maître Bonimenteur avait pris la parole, aussi, bien que
j'eus l'impression que cela durait une éternité, il ne s'écoula que
quelques secondes avant qu'il ne s'empara de la main d'Anne et qu'ils
ne bondissent hors du box des accusés en direction de la barre
des témoins qui se mit aussitôt à tourner sur elle même pour dévoiler
un escalier colimaçon en pierre dans lequel ils s'engouffrèrent. Cet
accès se referma avant que les gendarmes aient pu faire quoi que ce
soit. L'émotion fut alors à son comble, quelques femmes s'évanouirent,
quelques hommes se mirent à rire frénétiquement, le procureur du Roi hurlait "Arrêtez-les! Arrêtez-les" et le pauvre juge
Alondonc s'écroula victime d'un malaise cardiaque.
Je connaissais ces légendes qui faisaient du palais de justice une des
entrées d'un monde parallèle, une cité souterraine appelée "Brüsel"
mais je n'aurais jamais imaginé que cela fut vrai. On ne revit jamais
ni Ernest Bonimenteur, ni Anne Clozot, et on ne trouva jamais le moyen
de faire réapparaître l'escalier de pierre, ce fut un grand scandale
dans toute l'Europe pendant plusieurs semaines, avant que les médias ne
se lassent et ne trouvent un autre sujet vendeur. Mais moi, je n'ai
jamais oublié ce moment unique de ma carrière que je vous conte
aujourd'hui alors qu'il a eu lieu il y a trente-deux ans, trois mois et
huit jours.
Je vous demande de tourner la tête, et de regarder quelques
instants la mine déconfite de ma cliente. Regardez ses yeux embués, ses lèvres
tremblantes, sa figure désolée…
Observez-la attentivement, et demandez-vous !
Est-elle cette abominable ravisseuse que nous dépeignent les
médias et les associations de parents mécontents ? Je vous le
demande !
.
Son crime n’est certes pas excusable. Néanmoins, ma jeune
cliente a des circonstances atténuantes.
Je vous prie, Mesdames, Messieurs les jurés, de faire preuve
d’un peu d’empathie, et de revivre avec elle la journée qui a précédé ses actes
odieux.
Le crime qu’elle a commis n’est pas un acte motivé par une
malveillance malsaine, mais plutôt le résultat de l’accumulation de petits
déboires qui ont fait déborder le vase, trop plein, de ma cliente.
.
-Ce vingt-quatre décembre, elle devait le passer dans la maison
familiale de son époux, comme les sept Noël qui avaient précédés celui-ci.
-Son époux, bien décidé à l’épargner cette année de cette
corvée, était finalement revenu sur sa parole, repoussant encore d’une année la
délivrance tant attendue.
-Son beau-frère, qu’elle aimait tant, et avec qui elle avait
partagé ses pauses cigarettes les années précédentes, avait cette année, pour
la première fois, été remplacé par un autre. Ce nouveau beau-frère, au
contraire de l’ancien,n’était pas du
genre de ceux à qui elle avait envie de planter une fourchette dans le
derrière.
-Les deux tantes de son époux, celles qu’elle considère comme
ses amies, étaient aux abonnés absents cette année parce qu’elles allaient au
bout de leurs envies, ELLES !
-La grand-mère de son époux, qui la distrayait beaucoup
également, avait préféré suivre ses deux filles « rebelles » et ne
serait pas là non plus.
.
Vous vous demandez ou je veux en venir et je le comprends
tout à fait.
Ma jeune cliente, qui avait rêvé d’un Noël en
« famille », se résignait à passer un réveillon entourée certes de
son époux et de ses enfants, mais également :
-d’un beau-père chasseur, et fier, de surcroit, d’avoir voté
pour qui-nous-savons.
-d’une belle-mère très attentionnée, qui ne songeait qu’à la
faire arrêter de fumer pour la nouvelle année.
-d’un nouveau beau-frère qu’elle se refuse à comparer avec le
répudié qu’elle aimait tant et pour qui elle éprouve une profonde empathie
mêlée de tristesse.
-d’une belle-sœur, qui passerait probablement sa soirée à faire
le procès de ce dernier –sans qu’il puisse se défendre- et ce, dans
l’indifférence générale, voire dans l’unanimité de l’auditoire.
.
Le décor est planté, Mesdames, Messieurs les jurés.
.
Certes, le crime épouvantable qu’elle a commis était
prémédité.
MAIS !
Songez qu’elle n’a jamais imaginé -ne serait-ce qu’un quart
de seconde- gâcher la fête de Noel de cette famille dont elle faisait partie.
Jamais !
Elle aurait pu ! Elle n’y a tout simplement pas pensé,
Mesdames, Messieurs,parce que son cœur
est trop doux pour commettre pareil délit.
.
Notez, par ailleurs, que la victime n’a subi aucun traumatisme
majeur, et qu’aucune plainte pour coups et blessures n’a été déposée.
Evidement, vous allez objecter :
« Le pauvre homme a été enlevé, bâillonné, attaché,
enfermé dans le coffre d’une automobile, puis séquestré dans une chambre, le
soir de Noël, alors qu’il avait tant de travail…Et que ce kidnapping –le terme
est juste- a mis en péril la distribution des cadeaux »
.
Je ne vous contredirai pas. Les faits sont là, et ils sont
impardonnables.
.
Maintenant, je vous implore !
Laissez de côté les faits -gravissimes- survenus avant, et
concentrez-vous quelques instants sur la libération de l’otage, si vous le
voulez bien.
Ma cliente, consciente d’avoir mal agi, prise de remords
terribles a, d’elle-même, délivré Monsieur Noel à minuit.
.
Contre cet homme –la victime- qui pourtant l’avait toujours
plus ou moins ignorée, même lorsqu’elle était enfant, elle n’éprouvait aucune
rancœur. Elle avait simplement souhaité l’avoir pour elle durant quelques
heures…
.
Notez bien, Mesdames, Messieurs les jurés, que ce crime,
aussi atroce soit-il, était dépourvu de toute autre motivation que cette envie
désintéressée. A aucun moment ma cliente n’a soutiré de l’argent à Monsieur Noël. Elle n’a d’ailleurs exigé aucune rançon.Elle l’a juste voulu pour elle, tout simplement…
.
C’est un crime passionnel, Mesdames Messieurs les
jurés ! Je vous l’affirme !
.
La victime, elle-même, a certifié, dans sa déclaration, que
sa ravisseuse l’avait détaché de son plein gré, sans compensation. Elle lui
aurait même indiqué une porte de sortie avant de lui demander pardon.
.
Le préjudice est énorme, effectivement. Monsieur Noël,
évidemment, a pris un retard considérable sur sa tournée et beaucoup de parents ont
dû le relayer pour la distribution (Parents qui, d’ailleurs, sont les seuls à
demander des dommages et intérêts, Monsieur Noël n’ayant pas déposé plainte,
entre parenthèses).
.
L’acte est irréparable, mais ma cliente est dans le repenti.
Elle affirme –et je la crois- que c’est avec son cœur qu’elle a libéré sa
victime. Elle a songé à tous ces enfants qui attendaient Monsieur Noël. Elle a
pensé surtout à l’inquiétude intolérable de Madame Noël.
.
A aucun moment elle n’a pensé le relâcher par crainte des
représailles. Elle s’y est résolue,tout simplement, parce qu’elle aimait assez cet homme, pour comprendre
-et surtout accepter- quesa vie soit
ailleurs qu’auprès d’elle.
.
Pour toutes ces raisons, Mesdames, Messieurs les jurés, je
vous demande – ni plus, ni moins-l’acquittement.
Mesdames et Messieurs les
Jurés mon client a commis un crime abominable, néanmoins je vais vous demander
de l’acquitter pour les raisons suivantes …
………………………………………………………………………………...
A ce moment de sa plaidoirie
Maître Termeau porta les mains à sa poitrine. Le public crut à un mouvement de
manches théâtral destiné à impressionner le jury mais l’avocat s’écroula
soudain, victime d’un infarctus, au grand dam de son client !
"Mon client a commis des
crimes abominables, néanmoins je vais vous demander de l'acquitter"
Dans le tribunal c'est le
tollé général.
Le président a bien du mal
à ramener le calme dans son tribunal.
Nous, les jurés ne pouvons
nous empêcher de nous lancer des coups d'œil outrés. Oui, bien sûr on nous a dit
que nous devions être parfaitement impartiaux, de laisser le bénéfice du doute à
l'accusé, etc, etc. Il n'empêche que depuis près d'une semaine on nous abreuve
des horreurs que ce monstre a fait subir à d'innocentes victimes et voilà que
son avocat nous demande de l'acquitter. On croit rêver !
Pour ma part je regarde un
homme en particulier assis dans la partie réservée aux familles. C'est le père
d'une des jeunes filles. Elle avait miraculeusement survécu aux sévices subis et
après avoir identifié son agresseur, malgré l'amour de sa famille, elle s'était
laissé sombrer et s'était suicidée. Et là je vois ce père perdre une fois encore
son enfant à cause des propos de ce… non essayons de rester calme.
Le chahut s'étant enfin
calmé, l'avocat reprend.
"Oui, Monsieur le Juge,
Monsieur l'Avocat Général, Mesdames et Messieurs les jurés. Un fait important
vient d'être porté à ma connaissance, juste avant le début de cette audience et
il me faut en référer dès maintenant pour que justice soit vraiment rendue à mon
client"
Bien sûr les parties
civiles s'insurgent, comment un nouvel élément dont elles n'ont pas eu
connaissance, c'est inacceptable.
Après un bref débat, le
Président accepte que l'avocat de la défense poursuive son
argumentation.
Alors dans un grand effet
de manches, celui-ci demande au greffier d'introduire son témoin.
Et là devant les yeux
ahuris de l'assistance entre un homme en tous points semblables à
l'accusé.
"Monsieur le Juge,
Monsieur l'Avocat Général, Mesdames et Messieurs les jurés, je vous présente le
frère jumeau de mon client. Comment pouvez-vous affirmer que c'est bien mon
client qui a commis ces abominations et non son frère ? Certes une des victimes
l'a reconnu, mais qui a-t-elle reconnu, mon client ou son frère ?"
Je vois le père de la
jeune suicidée s'effondrer un peu plus.
Un des avocats des parties
civiles prend la parole.
"Mais nous avons relevé
son ADN, il n'y a aucun doute"
"Seulement voilà" pérore,
très satisfait de lui l'avocat de la défense "les vrais jumeaux, ce qui est le
cas de mon client et de son frère ont des ADN absolument semblables. Seules
leurs empreintes digitales pourraient permettre de les identifier formellement.
Or, vous n'avez pas trouvé une seule empreinte sur les lieux des crimes. Je
demande donc, au nom du principe selon lequel le doute doit bénéficier au
prévenu de relaxer purement et simplement mon client".
Tandis que la tempête fait
à nouveau rage dans le prétoire, l'avocat se rengorge, les deux frères échangent
des regards satisfaits, les familles des victimes ne savent plus si elles
doivent hurler de rage ou s'écrouler en larmes.
Je regarde le juge,
manifestement l'argument avancé porte.
Non ce n'est pas possible,
ce monstre ne va quand même pas arriver à s'en tirer, parce qu'il paraît évident
à tout le monde que ce frère sorti par miracle du néant est un complice,
peut-être même a-t-il aidé à commettre tous ces meurtres !
La justice ça ne peut pas
être ça ! La justice non, mais la loi oui, c'est bien ce qui se peint sur le
visage des avocats des parties civiles et du juge.
Au-dessus de nous, la
statue de la justice doit verser des larmes sous son bandeau !
Brusquement, je me rends
compte que dans le remue-ménage généré par ce rebondissement, le père solitaire
a disparu, il doit être aller pleurer de désespoir loin de tout ce simulacre de
justice.
Peu à peu le calme
revient, le juge et les avocats se concertent pour savoir comment faire pour
éviter de relâcher un monstre, non deux monstres dans la nature.
Et voilà que le Père
revient, il semble étrangement calme.
Il avance jusqu'au banc
des familles et poursuit, sans être arrêté, sa marche vers le banc des
accusés.
Là, toujours calmement il
brandit une arme et comme au stand de tir, il tire. Une fois. Deux fois. Trois
fois. Les jumeaux et leur avocat s'écroulent une fleur rouge en plein milieu du
front.
Puis parfaitement serein
le Père dépose l'arme, lève les mains, se retourne et adresse un grand sourire
libéré aux familles des victimes.
La justice vient d'être
rendue. Même si la loi elle n'y trouve pas son compte.
Au-dessus de nous, je suis
sûre que la statue de la Justice sourit.
PS – Cette petite histoire
m'a été inspirée d'un fait réel dont j'ai eu connaissance il y a maintenant très
longtemps et qui m'avait particulièrement choquée à l'époque. Un homme reconnu
par la victime qu'il avait manquée avait été relâché parce qu'il n'avait pas été
possible de déterminer quel était le jumeau responsable de l'agression. Il y a
peut-être maintenant des méthodes pour distinguer un jumeau d'un autre en dehors
des empreintes digitales, je n'en sais rien. De même que n'étant pas juriste je
n'ai guère de connaissance sur les textes de loi concernant le doute bien fondé
et autres joyeusetés.
Mesdames et messieurs
les jurés du jury (pas forcément du Jura), nous sommes ici réunis pour juger ma
cliente, pour le meilleur et, espérons-le, sans le pire.
Car, avouons-le, ma
cliente a commis un crime de nabot minable... mais avant de la pendre haut et
court et de sortir le goudron et les plumes, considérez plutôt ceci: condamner ma cliente serait
en fait un crime condamnable.
Car ma cliente est une
femme admirable. Une femme à la beauté sans égal et à l’intelligence sans pareil, mais surtout, une femme à l’esprit vif et à l’humour contagieux.
Sa popularité en est
la preuve flagrante. Ma cliente n’est pas n’importe qui! En deux mots, ma
cliente, c’est quelqu’un!
En vérité, je vous le
dis: ma cliente est humaine. Et, bien sûr, personne n’est parfait...
Même si ma cliente est fort proche de
la perfection, il lui arrive aussi de faire des erreurs de jugement – espérons qu’il
n’y en aura pas d’autres aujourd’hui!
En somme, comme vous l’aurez
compris, ma cliente a décidé de se représenter elle-même. Donc, je suis ma cliente, et ma
cliente, c’est bibi... et comme vous le savez, le client a toujours raison!
La salle était pleine. Toute la région était venue, c’était
le procès du siècle !
Moi, coincé dans le fond de la salle j’attendais le verdict.
Patiemment.
Je n’étais là que pour ça. Savoir si elle serait reconnue
coupable. Cette vieille mégère abominable.
Le procureur général venait de faire son réquisitoire,
c’était au tour de l’avocat de la défense de faire sa plaidoirie.
« Oui, effectivement, ma cliente a commis une chose
horrible.
Personne ne peut contester cela.
Cependant, vous devez l’acquitter pour des raisons qui me
semblent évidentes !
Oui, la vieille dame que vous voyez là a commis ce qui
parait être l’irréparable, emportée par la tristesse, la colère, elle l’a fait.
Oui, mesdames et messieurs les jurés, elle a assassiné sa
belle fille.
Tous les témoins qui se sont présentés nous ont confirmé le
mobile de ma cliente. Il y a même eu des témoins de l’acte.
Mais expliquez moi, comment vous pourriez condamner cette
pauvre vielle à la réclusion pour ce crime, alors que l’assassinée est
vivante ! »
La salle tremblait, suspendue aux lèvres de l’avocat de la
défense. Moi-même, je savais ce qu’il allait dire, mais le choc des mots fut
terrible !
« Vous le savez tous, vous étiez là, vous l’avez vue.
Si belle et si gracieuse, mais surtout vivante, elle était
là. Elle est venue déposer en tant que témoin de son propre meurtre.
Si besoin est, mesdames, messieurs, je vous rappelle que la
définition de l’homicide induit la mort d’un être. Or il n’en est rien ici.
Certes la vieille est coupable d’avoir voulu intenter à la
vie de sa belle fille. Vous devez seulement la punir pour cela. D’ailleurs à ce
sujet, je pense que quelques travaux d’intérêts généraux seront
suffisants. »
Quel toupet ! Tout ceux présent dans la salle
d’audience savait que la sorcière devait être punie à bien plus que de simples
TIG.
« En conclusion, je vous demande de ne pas reconnaître
ma cliente coupable du meurtre de Blanche Neige ».
Les sept nains, Cendrillon, les différents princes
charmants, la petite sirène, la Belle au bois dormant ne pouvaient en croire
leurs oreilles. Moi, le vilain petit canard, je ne doutai pas que les jurés
prennent la bonne décision.C’était
impossible qu’ils décident d’acquitter la belle mère de Blanche Neige.
Il
est gentil lui. Je comprends pas bien ce qu’il dit, mais il est gentil.
J’espère qu’après on pourra partir. Je sais pas pourquoi ils nous
laissent pas tranquilles. Ça
fait trois jours déjà. Je suis fatiguée. Je comprends pas ce qu’on a
fait de mal. Ils nous ont mis en prison. Je comprends pas pourquoi. On
a rien fait. Je voulais pas trop venir parce que j’avais peur de
l’avion. Mais en vrai l’avion c’était rien. Pourquoi ils nous laissent
pas tranquilles ? On a fait trois dodos en prison déjà. Mais maintenant
je voudrais être avec maman. J’ai douze ans. Judelcia en a cinq. C’est
long trois dodos en prison. Il faut nous laisser tranquilles maintenant.
"Inspiré d'un fait tristement réel survenu en France"
Mon client, pardon, ma cliente… ′fin bon, la personne que
vous vous préparez à juger méhamessieurs les Membes du Jury, Mahame La
Pésidente, a certes commis un crime abominabe, mais je vous demande néanmoins de
l’acquitter nonobstant pour les raisons suivantes… ′ttendez, ah oui :
comment peut-on, méhamessieurs les jurés, Mahame La Pésidente et vous, M’sieur
Avocat Gééral, comment peut-on condamner, dans une démocratie évoluée comme la
nôt’, au sièk où nous vivons, dans ce lieu où nous nous trouvons à l’instant où
je vous parle, cette… nob’ enceinte vouée à établir et rendre justice au nom
des lois de la Hépubique citoyenne, comment peut-on condamner une
victime ?... hein ? déjà… et qui puzé, une victime innocente… donc,
bon.
Car oui… mais, oui… Michel-Line est une victime innocente…
si.
Et mon plaidoy… euh, -rie, je veux dire, -yer… Et mon
propos… n’a d’autre but que d’en faire devant vous, la démonstration claire,
nette et inbue…-dubitable.
Gardons à l’esprit, méhamessieurs les jurés, Mahame La
Pésidente et vous, M’sieur Avocat Gééral, que dehors, de l’aut’ côté de ces
murs qui nous préservent de l’obscuristantrisme fangieux, le recul de nos
valeurs fondamentales avance à grand pas et demeure à l’affût du moindre de nos
faux-… z’erreurs. Et que de la tenure, -neur, de notre jugement dépend la
solidité même de ces murs… sociétales, -taux… ou tard, oui tôt ou tard, il fera
beau voir (′fin, je dis beau voir… vous m’suivez) qu’ayant failli ne sera-ce,
-rait-ce qu’une fois de trop, l’ignominie aura pignon sur gnou… rue. A not’
place même, méhamessieurs les jurés, Mahame La Pésidente et vous, M’sieur
Avocat Gééral.
Michel-Line est une victime innocente.
Il fera beau voir qu’à condamner cette personne, ici
présente en la personne de Michel-Line, pour le meurte sauvage de Simone, son
ex-épouse, on ne fasse le procès du premier en accablant injustement le
deuxième sexe.
Mais j’vais même vous dire mieux, Mahame La Pésidente,
méhamessieurs les jurés : ceci ne sera pas… t’être.
Passeu, kesseu j’vais faire… j’vais mêm’ vous dire
mieux : kesseu nous allons faire, méhamessieurs les jurés, Mahame La
Pésidente et vous, M’sieur Avocat Gééral, en acquittant Michel-Line ? Nous
allons pas loin… pas moins, que rende son honneur à un ête bafoué par la
société sociétale, jusque dans le fort intérieur de son foyer marital.
D’intime, la quession se fait délicate… vous en
conviendrez facilement, méhamessieurs les jurés, Mahame La Pésidente et vous,
M’sieur Avocat Gééral. En matière de mœurs, quand on en vient au meurte, c’est
qu’il y a tekchoz qui a dérapé dans la machine humaine.
En l’occurrence, oui.
Michel-Line a changé de sexe pour des raisons tragiques, vous
vous en doutez. Je n’insisterai pas sur le passé douloureux de Michel, pour me
réjouir davantage de la vie rayonnante et lumineuse de Line, danseuse de revue,
connue du Tout-Paris. Vie, fastueuse et enjouée que vous êtes sur le point de
briser, méhamessieurs les jurés, Mahame La Pésidente et vous, M’sieur Avocat
Gééral.
En l’occurrence, oui, la machine a dérapé quand l’ex-femme
de Michel qui se croyait abandonnée de son époux disparu, l’a finalement
reconnu chez son coiffeur… simplement passeu, bon. Avec le casque et le
tablier, elle l’a reconnu. Et comme lui, n’avait pas reconnu le dernier de ses
cinq enfants… oui, cinq enfants… une belle et généreuse contribution à l’effort
national, avouez, ′fin, soyons-en d’accord, méhamessieurs les jurés, Mahame La
Pésidente et vous, M’sieur Avocat Gééral. Alors vous connaissez la suite :
Simone lui réclame de casquer, il s’y refuse et voulant protester de son
nouveau statut, lève les bras au ciel, entraînant malgré lui le corps de Simone
en s’agrippant par mégarde sous ses aisselles, si bien que, bon, le crâne de
Simone est allé se loger contre les résistances du… euh, casque… où la défunte
a péri dans des conditions atroces, je dis bien atroces, ce que nous ne
contestons pas. Ni lui-elle, ni moi.
Et c’est ici que je conclue, méhamessieurs les jurés,
Mahame La Pésidente et vous, M’sieur Avocat Gééral, en vous posant à nouveau la
quession, que dorénavant vous entendez maintenant désormais d’une oreille toute
autre : comment ?... oui, je vous l’demande, comment peut-on ?...
hein ?
"Mon client (ma cliente) a commis un
crime abominable, néanmoins je vais vous demander de l'acquitter pour
les raisons suivantes..."
Vous étiez dans la salle.
S'il vous plaît, quand vous envoyez votre participation (samedidefi@hotmail.fr) pensez à préciser votre pseudo. Certain(e)s d'entre nous usant de plusieurs adresses courrielles, il est parfois difficile de se souvenir de qui est qui.
Samedi
midi. Pas de Lila-sitting aujourd'hui, Anna est en vacances. J'ai donc
passé une matinée tranquille et sur la fin de cette matinée, justement, je suis allée chercher le courrier. Je tiens encore la lettre à la main quand Kant franchit la
porte de la maison. Je me jette à son cou : - Les
fleurs hier plus cette lettre aujourd'hui... vraiment c'est trooooop, jamais je ne me serais attendue à tout ça !!!! (Ndlr : l'histoire des fleurs est racontée
chezles Equipières)
Kant sourit.
- Je t'ai envoyé une lettre Cindy ?
- Oh oui et elle est vraiment vraiment très romantique.
- Je peux voir, s'il te plaît ?
- Bien sûr.
Kant commence à lire la lettre.
- Dis-moi Cindy, il n'y a rien qui te choque dans cette lettre ?
- Non pourquoi ?
- La demande en mariage par exemple...
- Et alors ? demandai-je, très étonnée. Tu ne m'aimes pas ?
- Si bien sûr.
- Et donc tu ne veux pas te marier avec moi ?
- On est déjà mariés. Ensemble. Au cas où tu ne t'en souviendrais pas...
- Ca n'empêche pas !!!
Kant est maintenant franchement hilare.
- Cindy... comment dire ? Tu as vu à qui la lettre est adressée ?
Je reprends la lettre : "Mon cher Charles".
- Ah euh oui... j'ai cru que c'était l'émotion ?
- Emotion ou pas, répond Kant qui n'arrive plus à garder son sérieux,
rien ni personne ne pourra m'obliger à signer une lettre "Charlotte".
- Tant pis, ai-je soupiré avec fatalité. C'était pourtant une si jolie lettre...
Je
ne sais pas si vous connaissez la petite ville de Forges-Les-Os. Elle n’est pas
très connue, à vrai dire. Quelconque est l’adjectif qui me vient à l’esprit.
Une église qui n’a rien de particulier, une petite supérette à côté de la
mairie, il y eut une poste avant l’époque de la décentralisation à outrance
mais c’était il y a bien longtemps… Aujourd’hui, il ne reste guère que quelques
rues sans âme véritable et une petite centaine de personnes qui attendent que
le temps passe. Essentiellement des personnes âgées, les jeunes sont partis
depuis longtemps à la capitale dans l’espoir parfois illusoire de trouver
là-bas qui un travail, qui un amour, qui un semblant de vie. Forges-Les-Os
végète et seuls quelques historiens se souviennent qu’elle fut la ville natale
d’un inventeur de génie qui exporta sa science dans les contrées reculées de l’ancien
empire Ottoman. Aucune plaque ne le signale d’ailleurs, Forges-Les-Os n’a ni
passé ni futur. A peine un présent.
Que
vous dire d’autre sur cet endroit oublié des dépliants touristiques ? Le
maire est un homme sans histoire, depuis des générations on exerce ici cette
fonction de père en fils et personne ne trouve rien à y redire. C’est dans l’ordre
des choses. Le curé ? Cela fait bien longtemps qu’il n’y en a plus, les
âmes ferventes prennent leur auto chaque dimanche pour la grande ville voisine.
Le docteur ? Quel docteur ?
Non,
Forges-Les-Os est une petite ville quelconque sans grand intérêt ni personnage particulièrement
saillant.
A
la réflexion, il y aurait peut-être bien ce Valentin Noli…
Valentin Noli n’est
pas un facteur comme les autres. Non, ce n’est vraiment pas un facteur comme
les autres… Pour commencer, c’est le seul facteur. Ah ! Vous devriez voir
son vélo, vraiment ! Il est rose, comme son cœur. Valentin Noli est un
doux rêveur comme on n’en fait plus. C’est miracle s’il fait une tournée sans
une seule erreur de distribution. Mais Valentin est un gentil garçon, personne
ne s’en est jamais plaint à la direction générale. Il faut dire que c’est le
chéri de ces dames, plus d’une pense à lui en s’apprêtant le matin, choisissant
avec soin le délicat déshabillé qui la mettra le mieux en valeur quand elle ira
d’un pas négligent à sa rencontre. Ensuite, il ne leur reste plus qu’à entendre
avec impatience que midi arrive enfin. Mais Valentin n’a jamais le temps de
glisser ses délicates mains dans la moindre boîte aux lettres, ses admiratrices,
dès « poltron miné », guettent sa silhouette gracile derrière les
rideaux légers des maisons. Seuls quelques grincheux demeurent insensibles à
son charme. Jean-Pierre Bachi-Bouzouk en est un. Réfractaire au plus haut
point. A peine entend-il la joyeuse sonnette du vélo rose qu’il se précipite sur
sa zapette et monte le son de sa télévision…
Mais Valentin ne s’en
chagrine pas. Il est d’un naturel heureux et confiant. Son voisin ne peut pas
avoir un cœur de pierre, il est juste un peu… bougon. Un ours grognon à qui la
vie n’a pas encore offert la chance d’être touché par la grâce de l’amour. D’ailleurs,
il est un signe qui ne trompe pas, c’est un « bis » qui sépare leurs
maisons et, chaque fois qu’il fait sa tournée, Valentin sourit tendrement en
espérant qu’un jour ce bis se transformera en bise… et c’est avec entrain qu’il
appuie allégrement sur les pédales de son engin, songeant avec délice comme il
est bon d’aimer.
Car Valentin est amoureux.
Amoureux fou. Ah ! La belle Pépita, la délicate, la mignonnette, la
pucinette coquette de son cœur… Chaque jour, il lui conte fleurette et les yeux
de la demoiselle s’allument, toute la rue des Mimosas s’embrase soudain de son
sourire à couper le souffle. Et les dames de Forges-Les-Os se pâment d’envie
derrière leurs fenêtres fleuries…
14
février. Aujourd’hui, c’est la saint Valentin. Notre facteur, comme tous les
matins, se rend à la ville voisine pour chercher le courrier qu’il doit
distribuer. 78 missives l’attendent avec impatience. Notre Valentin constate
avec surprise que 77 lui sont adressées. La 78ème, il la connaît
bien, c’est celle qu’il a adressée lui-même à la belle Pépita.
Enfer et stupéfaction !
Valentin revient à vive allure chez lui, étale brusquement son butin sur le
petit bureau et l’examine avec un peu plus d’attention. 24 cartes, la plupart
signées, envoyées par les quelques veuves et célibataires de la ville. Au
hasard, il ouvre quelques lettres, les mêmes tournures enflammées reviennent,
les cœurs brisés, les espoirs, les je t’aime absolus… Celles-là ne sont pas
toujours signées, elles portent parfois un petit prénom féminin ou un indice
sensé guidé notre facteur vers l’élue de son cœur. Les « je t’attendrai à
minuit rue des Capucines » côtoient les « j’aurai ma petite robe
bleue » et plus rarement les « je serai entièrement nue ».
Valentin
n’en revient pas. Fébrilement, il recherche l’éventuelle lettre que sa dulcinée
pourrait lui avoir adressée. Il trouve enfin. Elle ne l’a pas oublié. Juste
trois petits mots au dos d’une carte. Il respire enfin. Il reprend ses esprits.
Il est bientôt dix heures,
Valentin devrait déjà avoir entamé sa tournée. A quoi bon se presser,
pense-t-il soudain. Il n’a qu’une seule maison à visiter.
Il entend soudain
le son d’une télévision dans la maison voisine. C’est alors qu’une idée lumineuse
traverse le cerveau du gentil facteur.
Puisque tout le
monde s’accorde à dire qu’il est un étourdi notoire, pourquoi ne pas profiter
de l’occasion ? Elle est si belle ! Il suffirait qu’il dise qu’il a
égaré la tournée du jour, tout simplement…
Dans la salle à
manger de monsieur Bachi-Bouzouk, le générique d’Amour Gloire et beauté
retentit à tue-tête.
Il y a mieux à
faire, songe Valentin Noli en regardant toutes ces lettres éparpillées devant
lui, bien mieux… Il commence par faire le tri des adresses et ne retient
que celles qui pourront convenir à la réalisation de son plan. Par chance,
toute la ville l’appelle Valentin, très peu de personnes connaissent son nom de
famille et 69 missives contiennent simplement l’adresse « A mon Valentin, 38
bis rue Saint-Eusèbe, Forges-Les-Os ». Décidément, la chance est avec lui
ce matin. Il s’empare ensuite d’un blanco et d’un effaceur et, scrupuleusement,
il élimine tous les « bis ».
Il
est presque midi. Valentin enfourche son vélo rose et fait retentir sa sonnerie
joyeuse. Aussitôt, son voisin se précipite sur sa télécommande et, les yeux
rivés sur l’écran, il ne sait rien des 69 lettres que le facteur dépose dans sa
boîte.
A midi 5, la rue
des Mimosas s’enflamme et les dames de Forges-Les-Os enragent derrière leurs
fenêtres fleuries.
A
ses supérieurs, le lundi suivant, Valentin déclare le rouge aux joues : « Je
suis vraiment désolé, je n’avais pas la tête à mon travail ce samedi... Quelques
erreurs ont peut-être été commises... Quelques lettres égarées ? ».
Aucune réclamation n’a pourtant jamais été faite depuis, pas la moindre plainte
et Valentin est toujours le facteur bien aimé de sa ville.
A chaque saint
Valentin, les dames de Forges Les Os rivalisent d’imagination, elles espèrent
en secret être celle qui détournera le gentil facteur des bras de l’odieuse
Pépita. En vain.
Cette
année, Valentin et Pépita ont décidé de se marier, les hommes de la ville se
réjouissent.
En secret.
Et
monsieur Bachi-Bouzouk, me direz-vous ?
On murmure qu’il
est amoureux et que, chaque nuit, une demoiselle l’attend « entièrement
nue »…