Sac de patates et Baskets Roses (Camille)
Les histoires d'amours ça paraît bien souvent mièvre quand ça nous concerne pas.
Je n'ai pas l'âge d'avoir les mots assez affinés pour paraître à portée
des plus endurcis. Paraît-il qu'il faut avoir l'âge pour avoir vécu.
Dans ce sens-là, 22 ans, ce n'est sûrement pas assez d'âge.
Surtout quand je vais vous dire que mon
histoire à moi commence avec un sac de patates. Ce n'est pas sérieux.
Pourtant il est arrivé, dans ce minuscule appartement, ses yeux
cherchant quelque chose. Moi, je ne pouvais voir que lui. Ce jour-là,
on devait se ressembler un peu. J'étais habillée tout en blanc et les
cheveux longs attachés comme une petite fille. La seule chose qui
prouvait que je n'étais pas une gamine sage, c'était mes baskets roses.
Elle était là, ma malice. Sage, moi ? Regardez plutôt mes chaussures et
mon sourire. Ai-je l'air d'un ange ?
Lui aurait pu avoir l'air aussi. Un tee-shirt blanc bien repassé et la
stature bien droite. Mais regardez ses cheveux. Il leur a peut-ête
chuchoté avant de partir de faire ce qu'ils avaient envie. C'est
l'impression qu'ils donnent. Et comme moi, son sourire. Prenez-vous une
porte dans la figure que ça vous ferait le même effet. En plus doux
malgré tout.
Nous n'aurions pu jamais nous revoir. Il n'était pas malicieux avec les
filles. Il a fallu que j'y mette du mien. Je n'avais rien à perdre.
J'ai pris ma malice à deux mains. J'ai chuchoté à ma copine de me
donner son adresse. Quelques jours plus tard. Je m'asseyais dans ce
grand appartement que j'habitais à l'époque. Avec des grandes baies
vitrées qui surplombaient Besançon. Et j'ai écrit. J'ai écrit une
lettre qui ne me ressemblait pas vraiment. Ou alors qui donnait tout de
moi. Il n'existait comme souvenir que ce sourire et ses yeux qui
n'avaient pas de couleurs. Tout pouvait encore être gommé. Je n'avais
rien à perdre.
Je n'ai rien perdu. Mes mots et moi, on avait tout gagné.
Mes malices amoureuses ont toujours été mes mots. ça ne voit pas beaucoup. Mais ça laisse beaucoup plus de traces.