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Le défi du samedi
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20 décembre 2008

50,01 % (Papistache)

— Oncl’Papistache Twelve, s’il te plaît, raconte-moi une histoire.
— Neveu-Mon-Neveu, t’ai-je déjà dit le jourle Père Noël a cessé d’exister ?
Raconte, Oncl’12 !

Au début du XXIe siècle, quand la télévision occupait encore les soirées des gensJe t’ai déjà raconté la télévision ? — le producteur mondial des variétés avait entrepris de lancer un grand vote du public pour savoir si le Père Noël était toujours une valeur sûre.

Toutes les chaînes, de tous les pays du monde, retransmettaient la cérémonie. A l’heure dite, le score tomba : 50,01 % des habitants de la planète avaient choisi d’affirmer que le Père Noël était “has been”.

Instantanément, il cessa d’exister. Plus de Père Noël. Il restait bien des souvenirs de ses heures de gloire, mais le vote l’avait rayé du présent. Lui-même n’y avait pas résisté : il avait disparu.

Tous les continents avaient voté. Un des huissiers, retenus pour l’occasion, avait bien relevé qu’il manquait les voix de l’Antarctide. Le chef des programmes avait répondu en disant qu’en Antarctide, à part une vingtaine de scientifiques givrés, ne vivaient que des manchots. Ce continent était recouvert par les glaces, à l’époque.

Mais le petit huissier, cela le chagrinait. Il était huissier dans l’âme, ce qui veut dire qu’il avait tout fait dans son métier : des expulsions, des ventes, des constats d’adultère. Ce n’est pas qu’il y avait éprouvé du plaisir, non, il se disait que le travail devait être fait et qu’un autre que lui aurait pu s’y prendre plus mal.

L’oubli du vote de l’Antarctide le chagrinait. Il passa la nuit à s’informer. Il téléphona à d’autres petits huissiers qui téléphonèrent à d’autres. Au petit jour, un message lui parvint.

Un petit royaume du Nord de ce qui fut l’Europe, la Belgide, avait organisé un grand voyage pour des milliers d’enfants de son pays. La Belgide était un pays unique en son genre. Son roi passait l’essentiel de son temps à poser pour des dessinateurs ou graveurs afin que les timbres de son pays soient ornés de son effigie. Il le faisait très, très bien.

Les ministres de ce pays étaient les plus drôles qu’on ait jamais vus. Ils souriaient tout le temps et poussaient de grands cris de joie quand ils se rencontraient et ils s‘embrassaient sur la bouche en  claquant bien fort les lèvres. Parfois, quand l’un d’eux s’endormait au beau milieu d’un discours,  les autres ministres  baissaient la voix pour le laisser rêver en paix.

Enfin, ça, c’était plutôt les ministres du Sud. Au nord de la Belgide, les ministres étaient un peu différents. Ils avaient l’habitude de saupoudrer leurs plats de sciure de bois. Essentiellement de la sciure de manche à balai. Comme la sciure n’était pas plus digeste à cette époque qu’aujourd’hui, elle avait tendance à s’accumuler dans les intestins des hommes politiques et le manche à balai, insensiblement, se reconstituait, ce qui donnait à leur allure comme un air un peu constipé, un peu rigide.

C’est cette allure rigide qui donna l’idée aux ministres du Sud d’offrir aux enfants de leur pays un voyage en Antarctide pour y sympathiser avec les manchots. Mais, en Belgide, on n’avait pas de bateau. Les ministres qui souriaient toujours décidèrent d’en acheter un à leur voisine, la Francide.

Les Francidiens possédaient un grand porte-avions qu’ils promenaient de pays en pays dans l’espoir qu’on le leur vole parce qu’ils ne savaient plus quoi en faire. Les Belgidiens se déclarèrent prêts à l’acheter. En Francide, c’était une bonne nouvelle. Toutefois, au moment de signer, le ministre francidien, avoua que son bateau contenait des produits hautement cancérigènes à son bord et que cela coûterait très cher de le nettoyer. En Belgide, on rigola très fort. Le premier ministre, qu’on n’avait pas réveillé depuis trente-six heures, embrassa sur la bouche son homologue francidien et lui dit : Chez nous, on a voté une loi qui interdit à nos compatriotes d’attraper le cancer, alors... votre porte-avions nous convient tout à fait.

Voter une loi qui interdise d’attraper le cancer ! En Francide on s’inspira du principe, mais les Francidiens étaient moins disciplinés que les Belgidiens et l’effet ne fut pas aussi probant. On y renonça vite.

Alors, le petit huissier refit ses comptes et comme le porte-avions comptait essentiellement des enfants, le vote bascula en faveur du Père Noël. 50,01% !

Mais, Neveu-Mon-Neveu, le Père Noël avait cessé d’exister. Ce n’est pas comme s’il avait pris sa retraite. Il n’existait plus ! Alors, sans comprendre ce qu’il lui arrivait, le petit huissier devint le Père Noël. Il ne se posa pas de questions : il était le Père Noël.

Il avait eu le temps, pendant la préparation de l’émission, d’analyser les causes du vote aussi serré. Dans de nombreuses maisons, les parents des enfants, au fil des ans, avaient pris l’habitude de corriger le choix du Père Noël. Très rarement, les parents cachaient les jouets apportés par le bonhomme, en jugeant que leur garnement n’avait pas mérité de cadeau. Mais c’était très rare. Le plus souvent, les parents, complétaient, au pied du sapin, la distribution du vieillard rougeaud, et, petit à petit, ils avaient même totalement pris en charge toute la mise en scène.

Le petit huissier de Noël, donc,  décida de faire l’impasse sur toutes les maisons où les familles avaient pris sa place. Il décida de se concentrer sur les habitations qu’il connaissait bien pour y avoir procédé à des saisies, des expulsions, etc... Des maisons, où sa présence était attendue et espérée. Il savait interpréter les signes de la misère. Il l’avait si souvent côtoyée.

Il s’amusa beaucoup. Se déplacer à la vitesse de la lumière, pour apporter des cadeaux dans des foyers où il était attendu le remplissait de joie. Il lui sembla même que le gros nuage gris qu’il portait toujours au-dessus de sa tête, s’était fait un peu plus léger.

Il n’oublia, bien sûr, pas les petits Belgidiens au Pôle Sud. Il leur apporta des milliers de diodes lumineuses que les gamins entreprirent  de fixer au cou des manchots afin qu’ils illuminent la banquise. C’était, vu du ciel, un très joli spectacle.

Comme il lui restait du temps, le petit huissier de Noël entreprit de visiter des régions de la planète où son prédécesseur ne s’avisait jamais de mettre les pieds. Déposer un cadeau au pied de la couche d’un petit aborigène d’Australie, qui ne s’y attendait pas du tout, le combla de félicité. Il  apporta ainsi de petits couteaux de poche dans les forêts tropicales, des pelotes de ficelle sur les hauts plateaux andins, des loupes pour les jeunes Berbères, des perles, des coquillages, des fruits frais pour les petits Inuits. Il déposa même un immense iceberg qui dérivait dans l‘océan, au beau milieu d’un désert de sable. Les enfants des  chameliers y creusèrent des cabanes tout un mois durant.

Il choisit ses cadeaux avec beaucoup de soin et d’attention. C’était facile, il lui suffisait de se replonger dans ses souvenirs.
Une lampe de poche, un gyroscope, des osselets... tous ces cadeaux modestes qui avaient autrefois constitué les seuls présents que, le matin de Noël, il découvrait dans ses souliers.

Le petit huissier de Noël, après avoir achevé sa tournée, se posta tout en haut du firmament. Il aurait s’étonner d’y parvenir, il ne le fit pas. Il était le père Noël. Son petit cœur resserré d’huissier avait gonflé. Il sentait bien qu’il n’était pas Dieu. Juste un petit livreur d’émotions. Mais là-haut, une idée lui était venue. Il sentait que la tâche serait lourde, mais il avait l’éternité pour lui. Il se donna pour mission de tenter de rendre soluble dans l’eau le mystère du sourire béat des ministres de la Belgide du sud. Ainsi, il en ferait des cachets qu’il distribuerait à tous les ministres de la planète.

Neveu-Mon-Neveu, je cherche toujours à lire sur le visage des dirigeants de la planète si le petit huissier de Noël a réussi à fondre ses cachets. Je suis vieux et il ne me reste guère d’années à vivre, mais toi, maintenant que tu connais l’histoire, sois attentif. Tu trouveras bien un moyen de me faire savoir si le petit huissier de Noël a réussi.

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Commentaires
A
J'ai beaucoup aimé, merci Papistache
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T
Sur le visage des ministres, je crois que le petit huissier a encore du travail, mais sur le mien, c'est une réussite totale ! merci Papistache!
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K
Dans cette belle histoire on a envie d'être le petit huissier...
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J
J'arrive apres la bataille... mais j'ai pu ecouter et lire en meme temps. Un regal!<br /> Et quelle histoire originale!
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P
Merci Pandora.<br /> Pour complaire à Valérie, et sur ses conseils, j'ai mis en ligne la version sonore sur mes papistacheries.<br /> Je ne vous montre pas, vous connaissez le chemin.
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P
J'aime beaucoup, c'est plein de clins d'oeil et de poésie
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P
Je voulais, chère Tilleul associer Noël et Belgide du Sud, c'est fait et je ne regrette pas.<br /> <br /> Teb, j'avais écrit mon brouillon mardi mais quelques nuits supplémentaires sont venues étoffer l'aventure et encore, j'ai dû couper.<br /> <br /> Belge d'honneur, j'y serais en compagnie de Joye, cela me convient !<br /> <br /> Val, je voudrais bien enregistrer ce billet (et d'autres) enseignez-moi comment faire. je suis prêt à prendre des cours. <br /> <br /> Ok pour la Suisse mais l'Italide, l'Améride, la Russide, le Mexide, le Canadide...<br /> J'aime bien quand vous usez de l'adjectif : "cute"<br /> Merci !<br /> <br /> Mais Walrus, il n'y a pas que des femmes ministres en Belgide !<br /> <br /> Merci Brigou, les tailles de caractères c'est Canalblog qui me les a proposées. J'ai accepté.<br /> <br /> Une ministre qui se prénomme Laurette, je pourrais en faire ma fille (Grisette, Pâquerette, Rosette) Squattez tant qu'il vous plaira Tilleul !<br /> <br /> Martine 27, comme je suis un peu parti dans tous les sens il est juste que chacun y trouve un peu de soi. Merci.<br /> <br /> Ravi qu'il vous ait plu Poupoune. Et pardon au roi de la Belgide.
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P
Ce texte est un pur bonheur! J'adore le roi de belgide qui pose pour les timbres et tout le reste est un vrai régal!
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M
J'aime surtout le passage où le petit Huissier de Noël choisi les maisons qu'il connaît bien
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T
Oh! Walrus, vous préféreriez Laurette?<br /> Pardon Papistache... pour cette intrusion dans vos coms...
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B
Excellent !<br /> Et vous êtes très fort en traitement de texte :)
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W
Par bonheur, je ne suis pas ministre (même pas du culte, j'ai bien failli pourtant) ! Embrasser Milquet, et sur la bouche, en plus... je comprends qu'il y en a qui se tirent en Antarctide !
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J
Belgide, Francide...JE N'IRAI PLUS EN SUISSE...<br /> <br /> Bravo, Papistache, je me suis toujours demandé pour le coup de balai dans le tuséoux, maintenant, je sais.<br /> <br /> Très cute !<br /> <br /> :-)
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V
C'est une histoire bien sympathique, Papistache. Et puis j'aime bien les variations de taille de caractères... on dirait que l'histoire nous est contée de vive voix. <br /> Je sais, ce sera NON, mais une bande son, à écouter avant d'aller au lit, aurait été la cerise sur le gâteau.
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J
Si vous n'êtes pas nommé Belge d'honneur après cela, je rends ma carte au parti des adorateurs de René Magritte, Paul Delvaux et de Sttellla réunis !
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T
Oh, Papistache !!!<br /> Ce texte se mange sans faim...<br /> Et on retourne chercher du rab, et on y découvre encore une nouvelle saveur !!!<br /> Pour avoir croisé des (enfin, un) huissiers humains, j'applaudis votre réhabilitation de la fonction... <br /> Vous n'allez pas nous faire croire que vous avez écrit ça en si peu de temps !!!<br /> Bravo... vraiment...
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T
Que de vérités contées dans ce récit! La Belgidienne du sud, que je suis, vous remercie... <br /> Humour, sentiments, réalités, tout y est! Le résultat est superbe... Dorénavant, je ferai aussi une petite sieste avant d'écrire...
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