Deux vies - Janeczka
Lila se retrouve dans le
bureau du directeur sans trop savoir comment. Elle ignore qui a pris la releve
de sa classe et ne s’en preoccupe pas.
Le directeur lui deballe des
paroles qui se noient sous le bruit des vagues. Elle serre contre elle son
cartable plein de ces cours qu’elle ne fera pas, qu’elle n’avait pas voulu faire. S’en
sert comme d’un barrage, une defense. Le directeur la regarde dans les yeux,
tente un vain sourire et soupire. La discussion, ou plutot le monologue, est
termine. Lila comprend qu’elle peut s’en aller et s’enfuit aussi vite qu’elle
peut, aussi loin qu’elle peut.
Antoine n’a pas vu le temps
passer. Il est deja presque douze heures et la faim commence a se faire sentir.
Il s’est retrouve extrement
occupe. Certains dossiers ont dus etre examines de pres. Des coups de telephone
ont ete passes, des memos envoyes, mais pas de quoi fouetter un chat.
Antoine regarde ce bureau
qui l’entoure. Des tableaux ‘zen’ (des paysages relaxants) et un poster ‘motivationel’
(On peut toujours aller plus loin !) sur les murs. Des tiroirs et des
tiroirs remplis de dossiers. Ce lourd meuble en acajou sur lequel reposent son
PC, son telephone et, bien sur, une photo de Valerie et des enfants. Il l’observe
longuement et se dit qu’il a toujours essaye de faire de son mieux pour eux.
Il soupire. Est-ce vraiment
le cas ?
Chassant ces pensees de son
esprit, il se leve d’un bond de sa chaise et decide de prendre son dejeuner un
peu plus tot.
Lila se refugie dans le
premier cafe qui lui semble confortable et reconfortant. Quelque chose de
discret, des teintes tout en retenue.
Elle s’installe sans dire un
mot sur la banquette, laisse la chaleur ambiante la penetrer, ferme doucement
les yeux.
Un serveur la tire doucement
de cette non-reverie. Elle commande un cafe dans un soupir et se tourne vers la
fenetre.
Elle n’avait pas voulu
rentrer chez elle. Soudainement, elle avait eu peur de ces quatre murs ;
de se retrouver seule, meme si Chagall etait la. Elle avait besoin de
rassembler ses esprits, ou plutot non : de faire le vide dans son esprit. Faire
table rase pour essayer d’avancer ; essayer d’oublier pour le moment, de
mettre tout cela derriere elle.
Le murmure des conversations
l’entoure come un cocon. Elle fixe son attention sur cette petite musique sans
se concentrer sur les paroles. Elle observe les passants, trop presses pour la
devisager. Elle jete aussi un oeil sur les clients qui poussent la porte du
cafe.
L’un d’entre eux capte son regard. L’air d’un businessman accompli, mais le regard d’un homme seul,
perdu, insatisfait de lui-meme.
Le serveur lui apporte son cafe.