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Le défi du samedi
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1 novembre 2008

Chambre 35 (Pandora)

J’ai accepté cette mission en intérim pour le weekend de la Toussaint. Quelques heures rémunérées en férié pour mettre du beurre dans mes épinards, et surtout m’aider à payer cette télé qui me fait envie depuis quelque temps. Mon homme n’a pas été ravi de me voir rajouter un weekend de travail à mes journées déjà bien occupées, mais il n’avait qu’à pas fantasmer sur les infirmières. Quelques extras pendant ma dernière année d’étude avant de commencer à vraiment travailler… d’autant que  lui aussi a envie de regarder ses matchs sur grand écran.

Le centre de cure est situé en montagne à près d’une heure de route et pour m’éviter un retour le samedi soir (et un retour aux aurores le dimanche matin) sur des routes de montagnes rendues peu praticables par des conditions météo hivernales, une chambre sur place m’a été proposée pour la nuit. Je ne rentrerai pas du weekend mais dormir sur place est vraiment la meilleure solution.

La chambre est située au dernier étage dans une aile désaffectée du bâtiment, une ancienne chambre de malade, toute simple, avec un petit lit au cadre métallique, une table, une chaise et un lavabo, les douches étant à l’étage. Je pose mes affaires. Il n’y a pas de télévision ni de téléphone mais je n’en ai pas besoin pour les quelques heures que j’y passerai et j’ai mon portable pour appeler mon homme. La vue de ma fenêtre est magnifique et donne sur les montagnes et les forêts alentour, la neige toute fraiche ayant recouvert les arbres d’un fin manteau. Je me réjouis de ne pas avoir à faire la route cette nuit à la fin de mon poste et descends faire connaissance avec mes collègues pour le weekend et commencer mon travail ;

La journée se passe dans une ambiance très sympathique et nous laissons l’équipe de nuit prendre le relais. Les autres habitent toutes à proximité et rentrent chez elles, je vais donc seule dans ma petite chambre. La lumière ne fonctionne pas, et c’est à la lueur de mon téléphone portable que je me guide dans les couloirs sombres et déserts pour gagner ma chambre. C’est étrange comme les bâtiments peuvent changer d’aspect à la nuit en devenant menaçants, c’est étrange comme on prend conscience de tout un tas de petits bruits auxquels on ne prêtait pas attention de jour. Je fais claquer mes chaussures pour faire du bruit mais je n’en mène pas large. Un bruit de porte qui claque me fait d’ailleurs courir sur les deux derniers étages pour arriver le cœur battant et complètement essoufflée à la porte de ma chambre dans laquelle je m’enferme à double tour. Quelle idiote je suis tout de même, il y a un gardien qui doit faire simplement sa ronde, les portes ferment à clé, je suis à l’abri.

Je prends néanmoins mon téléphone pour appeler mon homme, un peu pour lui souhaiter une bonne nuit, beaucoup pour entendre son rire et sa voix si rassurante, mais il n’y a pas assez de réseau semble-t-il. Peste, j’aurais tellement eu envie de l’entendre et j’ai peur qu’il ne s’inquiète mais je n’ose pas envisager une nouvelle traversée du bâtiment pour aller téléphoner du service. Courageuse mais pas téméraire. Il est d’ailleurs hors de question que je ressorte pour prendre une douche. La lune est pleine et éclaire les environs d’un halo blanchâtre. Je trouve le paysage beaucoup moins sympathique qu’à mon arrivée ce matin. Je branche mon radioréveil (j’ai toujours beaucoup de mal à me réveiller au petit matin) et je me prépare pour la nuit, faisant mon lit puis ma toilette pour lire un peu avant de m’endormir. J’entends le bruit du vent qui souffle dehors et des bruits de craquements qui viennent de l’intérieur. L’inconvénient des vieux bâtiments.  Cette aile était autrefois le pavillon psychiatrique, des malades lourds et l’on m’avait expliqué qu’il n’est donc pas possible d’ouvrir la fenêtre qui est munie de barreaux et a été bloquée pour éviter les tentatives de défénestration… Je sais cependant qu’il reste pas mal d’autres possibilités de mettre fin à ses jours pour qui le veut et il circule pas mal d’histoires lors de nos soirées infirmières. Des histoires macabres pour lesquelles ce n’est ni le lieu ni le moment, je suis déjà bien assez effrayée seule dans ma chambre. Je retente d’appeler mon homme mais le réseau reste inaccessible, il est désormais 22:06 et je décide d’éteindre pour dormir. Mais c’est plus facile à dire alors que la chambre résonne de bruits rendus encore plus menaçants par l’obscurité. Je remonte la couverture au dessus de mon visage pour moins entendre mais je ne veux pas trop non plus me couper de mon environnement pour entendre si quelqu’un veut essayer d’entrer.

Mon Dieu !

Je suis seule dans cette aile, à la merci de l’irruption d’un malade ou d’un violeur. Dire qu’il était un temps où j’adorais les films d’horreur, là j’aurais tout donné pour jouer dans la petite maison dans la prairie. Je respire amplement pour essayer de me calmer et j’y arrive presque quand je sens mon lit qui se met à bouger et à trembler. Comme si quelqu’un le secoue en le tenant. Le vent s’est arrêté et le bâtiment résonne de bruits de claquements, grincements et semble lui aussi trembler. Les chiffres rouges de mon radioréveil affichent désormais 00:00 en clignotant, ma dernière heure est arrivée. Je ne peux m’empêcher de crier même si personne ne peut m’entendre, même si les forces qui se sont emparées de mon lit n’en ont cure. Je hurle… et tout s’arrête brutalement. Plus rien. Ne restent que les chiffres clignotants de mon radio réveil et mes affaires de toilette qui sont tombées de la tablette au-dessus du lavabo.

J’ai le cœur qui bat à toute vitesse et la chair de poule, l’impression que mes jambes sont en coton et une peur bleue. J’ai mal au ventre et envie d’aller aux toilettes comme si j’avais mangé quelque chose qui ne passait pas. Je suis morte de peur. Ce bâtiment est hanté, je ne peux pas y rester. J’allume la lumière et me rhabille non sans avoir regardé partout dans la chambre si quelqu’un ne s’y cache pas. J’entasse mes affaires dans mon sac sans chercher à les ranger, reprends mon téléphone, toujours obstinément hors réseau et décide de rentrer. Tout plutôt que rester seule ici. Même s’il me faudra repasser par les couloirs…

Je mets mon téléphone devant moi pour qu’il me serve de lampe de poche et cours dans les escaliers, il me semble bien entendre quelque chose derrière moi, comme un bruit de pas et de râles, mais je ne me retourne surtout pas et cours jusqu’à ma voiture où je m’enferme et démarre. Tant pis pour la neige. Tant pis pour tout, il faut que je m’enfuies.

Je roule vite au départ mais je ralentis à mesure que le rythme de mon cœur se calme, et j’allume la radio pour tenter de couper à la sensation d’horreur qui me tenaille. Pas de musique mais des informations qui font état d’un tremblement de terre magnitude 4 sur l’échelle de Richter qui vient de se produire. Il n’y a pas de gros dégâts mais que les pompiers sont submergés par les appels.

Un tremblement de terre…

Le lendemain matin, quand je viens reprendre mon service après m’être complètement ridiculisée auprès de l’homme de ma vie et avoir passé une nuit passablement courte, je raconte cette histoire à mes collègues. Elles ne rient pas autant que je le pensais, mais me demandent le numéro de la chambre où je devais passer la nuit. La chambre n°35.

Elles me racontent qu’elles sont étonnées qu’on m’y ait fait dormir puisque c’est la chambre surnommée la chambre maudite. Celle dans laquelle avait eu lieu le dernier suicide avant que le service ne ferme. C’était l’année dernière à la Toussaint…

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Commentaires
P
Val, ben oui, c'est le but ;-)<br /> Tilleul, merci ;-)<br /> Janeczka, non je ne crois pas que lire ce genre de défis soit une bonne idée<br /> Beah, tu trouves que l'explication de la fin est rationnelle? Moi je la trouve particulièrement flippante<br /> Kloelle ;-)
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K
Brrrrrr....C'est bien rendu.
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B
Moi qui ai toujours eu peur du noir et de dormir seule, je me suis reconnue dans ce récit, sauf que je n'aurais même pas eu le courage de sortir de cette chambre ! Peu importe l'explication rationnelle de la fin, la panique qui gagne le personnage est bien rendue.
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J
Ouh, ca fait flipper!!<br /> Est-ce une bonne idee de lire ces defis avant d'aller me coucher?
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T
J'ai ressenti la peur que j'avais cette nuit d'avril 1990... Juste la même impression, le lit qui tremblait... je croyais que quelqu'un était entré dans ma chambre... et c'était un tremblement de terre.<br /> Super ton texte et cette fin qui laisse dans le doute...
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V
Oh oui ça fout la trouille, dis-donc!<br /> Je me serais enfuie aussi.
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P
Map, bien trouvé,<br /> July merci,<br /> Papistache, rien de tel qu'un petit panaché pour se rafraichir les idées ;-),<br /> Joye, re-merci (je te reconnais mieux sans ton déguisement)<br /> Walrus merci, je ne voulais pas trancher entre le rationnel et l'irrationnel, à chacun de choisir ;-)),<br /> Tiphaine, mais non, ça va aller ;-)<br /> Joe Krapov, tu es vraiment le roi des calembours et des jeux de mots ;-) J'ai mis à petite touche quelques jalons pour que la fin soit destabilisante mais ouverte... que chacun choisisse la tonalité sismisque ou paranormale du texte ;-)
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J
Si c'est la chambre 35, c'est que le docteur il est vilaine ! <br /> <br /> J'aime retrouver ton style nerveux-joyeux dans cet exercice de genre où ce sont les dernières lignes qui apportent une déstabilisation plus importante que le dérangement du réseau, les tremblements de peur et le tremblement de terre... réunis !
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T
Brrrr... chambre 35, rien que le titre ça donne envie de prendre ses jambes à son cou !<br /> J'suis mal barrée cette année moi si 35 est un chiffre maudit, je m'disais aussi !
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W
J'avais deviné pour le tremblement de terre. Mais pas que vous laisseriez planer un doute à la fin. Bien imaginé et bien écrit.
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J
Re-bravo (ayant snique-prévu dans mon déguisement hier soir) ! ;-)
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P
Alors Pandora, j'ajoute 35 à la liste maudite. Il faudrait voir maintenant si la dame accepterait de tenter de nouveau l'expérience. Il serait étonnant qu'un second tremblement de terre... à moins que les répliques...<br /> Il faudrait quand même rencontrer celui qui a désigné précisément cette chambre pour que l'infirmière y passe la nuit ?<br /> Bien joué pour l'explication rationnelle, force 4, c'est juste ce qu'il fallait.
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J
sacrée histoire...bien racontée...
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M
BRRRRR .... Tout pour faire peur !<br /> Stupeurs et tremblements (de terre) !
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