Une interwiev de Madame Korita (Gilgamesh)
J'étais
grouillot depuis plusieurs mois au "Défis du Samedi", lorsque Mme Anita
Cartoon, la rédactrice en chef du journal, me convoqua dans son
bureau.
"Gilou" me dit elle, (oui, je trouve aussi qu'elle est un
peu familière avec moi!), "Gilou.." donc, "notre journaliste vedette,
Mme Joelle Krakovskaïa, est momentanément indisponible, sous l'emprise
d'une gastro entérite autorechargeable. Or, elle devait interwieuver
Mme Kora Korita, la grande écrivaine, à l'occasion de la sortie de son
dernier roman intitulé: "Un Kiwi au soleil". Vous allez donc vous
charger de cette entrevue."
Elle
me tendit le bouquin fraichement édité, en concluant : "Vous avez toute
la nuit pour le lire et préparer vos questions. Soyez demain midi à Ker
Romanik, la résidence de Mme Korita".
Je me présentai donc au portail de la résidence le lendemain à 14h précises...
L'illustre écrivaine, après m'avoir salué, me fit entrer dans le salon, où elle s'assit dans l'unique fauteuil.
Puis, se tournant vers moi, jeta : "Oui..?".
Après m'être vaguement présenté, j'attaquai bille en tête: "Pourquoi ce titre Mme
Korita?..."Un kiwi au soleil", c'est vague, c'est mystérieux!?...".
Me
voyant un peu empoté, debout le carnet dans une main, le stylo dans
l'autre, me dandinant alternativement d'une jambe à l'autre, elle me
dit sans ambages: "Venez donc vous asseoir là mon petit!". Ce faisant,
elle désignait ses genoux, qui se tendaient vers moi, pleins de
sollicitude relaxante....
Faut dire que j'étais jeune, et un peu ingénu, alors, sa proposition, vu mon profond état de fatigue, m'allécha.
Je m'assis donc sur les genoux de Mme Korita.... et j'enchainai à nouveau: "Pourquoi ce titre Madame?".
"Voyons mon petit, il faut bien en donner un... et puis c'est l'histoire d'un Kiwi après tout non?".
Et elle ajouta, en posant ses mains sur mes genoux: "Mais peut être ne l'as-tu pas lu? "
"Si si Madame", répondis-je tel un collégien craignant d'être pris en faute...
"D'ailleurs, je trouve très beau cet amour entre
le ver et le Kiwi... mais, je ne comprends pas trop bien comment ils procèdent?"...
"Voyons mon petit, ils font comme tout le monde..." répondit-elle en remontant ses mains sur mes cuisses.
Je posai mon carnet contre mon petit ventre.. histoire de me protéger.
"Oui, mais de là à creuser un tunnel dans sa bienaimée!!" fis-je...
"Mais
c'est ainsi que ça se passe parfois, dans le monde des insectes
rampants, mon enfant..." dit-elle en s'agrippant à ma ceinture.
"Et
cette histoire avec sa mère, la feuille "Vingt et un Vingt sept", qui
l'abrite du soleil dans son enfance, alors qu'au contraire elle en a
besoin, et la laisse cuire, plus tard, dans son adolescence quant il
faudrait la protéger.... ne serait-ce pas une allégorie de la mauvaise
mère?".
"Certes, .. " répondit-elle, en passant sa main sous ma chemise...
"Mais encore? pouvez-vous développer?"...
"Bien entendu"... lâcha-t-elle en effleurant un
bouton qui trainait sur l'accoudoir...
Brusquement, le dossier du fauteuil s'allongea... et nous aussi....
J'essayai
de me redresser.. Mais, profitant de ma situation instable, elle exerça
un brutal et véloce mouvement de rotation à l'issue duquel je me
retrouvai en-dessous et elle au-dessus..
Durant notre changement
de position, je perdis mon carnet et mon stylo. Affolé, je tentai
vainement de me redresser, puis, tâtonnai à la recherche de mes objets
de travail, pendant qu'elle s'affairait sur mon pantalon.
"Voyons, dis-je, comment expliquez-vous qu'à la fin, le ver de terre la quitte pour une belle pomme?".
"Vois-tu, la pomme avait bien meilleur goût! Plus sucrée, plus jeune, plus
ferme .. plus ... bonne quoi!" dit-elle en déchirant ma chemise.
"Mais ce n'est dit nulle part Madame, je ne me souviens pas l'avoir lu..."
"Mais si, page trois cent quarante cinq, treizième
ligne", dit-elle en se mettant à me chevaucher gaiement..
Là,
je confesse que je perdis un peu pied. Je ne me souviens plus ni des
questions ni des réponses. Bon, un râle par ci, un autre par
là... quelques affirmations "Ouiiii", quelques dénégations ... Nooonn"...
c'est à peu près tout.
Allez écrire un article un peu fouillé dans ces conditions?
Lorsque
je me présentai, le surlendemain, avec mon papier au journal, Mme
Cartoon, après avoir parcouru mon article, se leva de derrière son
bureau, folle de colère, et vint se poster face à moi. Elle posa ses
mains sur les accoudoirs de mon fauteuil, puis approcha sa tête tout
près de la mienne: "Crétin, que veux-tu que je fasse de ce
torchon!!" hurla-t-elle en me postillonnant dessus...
Elle ajouta qu'elle ne me payait pas pour que je passe du bon temps pendant mes heures de travail... Quelle injustice ! !
Au final, elle me licencia, non sans m'avoir auparavant
déniché un poste de public relation au Hammam Des Vieux Pots, dans le quinzième arrondissement.
Là, chaque jour, je pratique quelques interwievs, histoire de peaufiner ma formation professionnelle..
Encore quelques mois de pratique et je serai enfin lâché dans la nature... fin prêt.
Journaliste de terrain... ce sera ma spécialité...