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6 septembre 2008

L’Odyssée pour les nuls : extraits 2 (Joe Krapov)


Ce texte fait suite à « L’Odyssée pour les nuls : extraits 1 »

Cela faisait huit jours qu’Ulysse et son bateau s’étaient échoués sur l’île d’Ogygie. Cela faisait huit jours qu’il filait le parfait amour avec la fille d’Atlas, une nymphe nommée Calypso qui, sans bouger autre chose que toutes les parties de son corps, lui faisait voir un sacré bout de pays ! Huit jours qu’il était devenu infidèle, dépassé par les feux de l’amour dont son hôtesse brulait pour lui. Ses compagnons aussi semblaient être envoûtés. Tout cet aréopage de valeureux guerriers, pris en mains par les nymphes, ne vivait plus que d’arrêts au page pour y pratiquer le repos de lui-même. Ulysse ne doutait pas qu’un jour ou l’autre un poète un peu barge vouerait les nymphes aux Mânes célestes et chanterait les mérites pas minces de la Calypsosuccion !

Il s’apprêtait, ce matin-là, à ressortir le grand jeu à sa divine douairière quand ils entendirent soudain qu’on rappait à la porte. Il ne manquait pas d’ « f » à « rappait » et la rappeuse ne manquait pas d’air de venir ainsi interrompre leur coït. Calypso sortit du lit, enfila un déshabillé bleu et se dirigea vers l’entrée du temple afin de dire son fait à l’effrontée. La rappeuse n’était autre que Janeczka :

- Je vends je vends de beaux chapeaux en astrakhan, de la toque violette avec de la voilette, du bibi d’Arabie, du turban plein de rubans, de la cloche tout sauf moche, du label de Fontenay pour les miss fortunées, du melon pour la Madelon, de la paille d’Italie pour la biche un peu riche, de la simple gapette pour la p’tite gigolette, des couvre-chef royaux pour madame Calypso. Je vends des chapeaux, ça vous intéresse ? Voulez vous regarder mes échantillons ?

L’humaine créature montrait un drôle de coffre posé à ses côtés. Calypso avait horreur des marchands ambulants mais cette étrange mendigote avait une drôle de redingote et portait un bizarre bonnet andin en laine avec tresses sur sa tête. Chacun sait que les femmes adorent farfouiller dès qu’il y a du taffetas en tas sur le galetas. Calypso ne fit rien qui allât à l’encontre de ce vilain cliché.

- Aurais-tu un bonnet dans le genre de celui que tu as sur la tête ?

- Certainement, baronne !

Janeczka chercha dans le tas, étala ses falbalas mais n’en trouva pas.

- Je n’ai dans ce modèle, ô malheur, que le mien

Que fabrique au Pérou monsieur Alex, Andin.

Calypso prit un air dégoûté à l’idée de porter la coiffe d’une mortelle puis elle avisa dans le tas de marchandises un petit bonnet rouge, sans tresses ni pompon, tout simple, dont elle pensa qu’il plairait peut-être à son coquin du moment, le dénommé Ulysse, allongé sans pelisse dans la chambre à côté, qui attendait qu’elle en finisse et revienne s’adonner au vice.

- Voulez-vous l’essayer avant de l’adopter ? » demanda Janeczka.

Calypso enfila le bonnet de marin sur sa sublime tête. Il y eut alors un grand flash. La divinité se trouva d’un seul coup transformée en officier de la marine française spécialisé dans l’exploration des grands fonds marins.

- Vous ne me devez rien, je vous en fais cadeau !» lança Janeczka en ramassant son coffre vide et en se carapatant au loin.

Ulysse ne comprit d’abord pas pourquoi ce vieil homme en déshabillé bleu, la tête couverte d’un ridicule casque rouge venait se coucher à ses côtés. Mais quand le sosie du commandant Cousteau se mit à lui sussurer des insanités à l’oreille avec la voix chaude de Calypso, il se dit qu’on était peut-être bien chez les Grecs, certes, mais qu’il y avait des choses qui n’étaient pas son truc. Il remit aussi sec son froc et s’enfuit au dehors de cette rôtisserie de la reine Pédauque.

Dehors l’attendaient justement ses compagnons, libérés des nymphes par les Vikings de Ragnar qui avaient pris le relais auprès des Ogyginettes. Quand Val, Papistache, Janeczka, Isaure et les frères Park lui eurent expliqué le pourquoi du comment de cette intervention, Ulysse qui était loin d’être con se dit qu’il valait mieux ne pas jouer au plus fin avec des gens dotés de tels pouvoirs magiques et se trouvant à la tête d’une armée moderne. Il savait bien qu’il se trouvait dans un univers de contes et légendes où monstres à un œil, femelles immortelles et soldats du futur viennent en deux temps trois mouvements installer autour de vous un bordel presque aussi joyeux que celui de madame Ango, la mère maquerelle étique et sans éthique d’Ithaque, dont la fille unique n’avait rien à envier à celles de madame Bertrand.

CHANT XXVI

Quand Ulysse eut échappé une nouvelle fois aux Vikings et aux Tornadonautes, c’est Val qui cette fois fut chargée d’aller le récupérer chez Circé. Les mères de jeunes enfants, qui plus est lorsqu’elles sont mariées de frais, font montre d’une autorité naturelle telle que personne d’autre dans l’équipage ne pouvait mieux qu’elle être désigné pour mettre rapidement fin aux plaisanteries infantiles de cette magicienne gourgandine spécialisée dans la métamorphose d’Ovide

- On ferait comme si que je serais Peggy la cochonne, disait justement Circé à Ulysse en se mettant à quatre pattes dans sa chambre tapissée de satin rose.

- Et moi que je serais le grand méchant loup, lui répondait Ulysse. Et pis que j’aurais une grande… une grande faim de toi !

- Non mais ça va pas, vous deux ? hurla Val révulsée en entrant dans le gynécée de Circé. Rhabille-toi, espèce de morue charcutière ! Et toi, la vipère lubrique, remets ta tunique et tes sandales avant que je ne fasse un scandale ! Je vous ai dit cent fois déjà de ne pas vous enfermer dans la salle d’eau pour jouer avec les robinets : c’est comme de se claquer la porte sur les doigts, c’est dangereux !

La queue entre les jambes, Ulysse sortit de son orgie tout penaud et les Vikings de Ragnar qui lui faisaient une espèce de haie d’honneur étaient mi-rigolards, mi-envieux. Eux aussi auraient bien aimé être transformés en « little piggies crawling in the dirt » comme il est dit dans la légende du grand poète danois Jørg Arisøn. Mais d’un autre côté, si on risquait de se faire incendier ainsi par une Val en colère qui vous tombe sur le râble ! Comment l’appelait-elle déjà, sa méthode ? Ah oui, la méthode Manu. Manu Militari, du nom de son mari.

CHANT LXII

Val encore une fois. Elle donne des ordres et des consignes aux Vikings et aux marins d’Ulysse :

- Pour éviter le gouffre, pas d’Irak mais de Charybde, c’est pas compliqué, les p’tits gars. Vous me posez une chape de béton ici, ouais, là, près de la roche tarpéienne entre le Capitole et les oies. Vous enfoncez la bitte d’amarrage dedans et vous attachez un maximum de caoutchouc au bout. Quand on va approcher du gouffre l’élastique va se tendre, le monstre va nous aspirer mais la force de la tension sera telle qu’elle va nous faire remonter et nous retomberons sur Scylla qui sera ainsi assommé. Nous aurons fait d’une pierre deux coups. Ca s’appelle tomber de Charybde sur Scylla.

- Mais Val, objecta Janeczka, je croyais que tu avais horreur du saut à l’élastique ?

- T’as une meilleure idée, ma chérie ? Peut-être que le monstre est végétarien et qu’en lui proposant un plat de boudin aux pommes il va s’enfuir en criant « Kaï ! Kaï ! » ?

CHANT CCCXXL SPÉCIAL GRANDES TAILLES

C’est bien entendu Papistache qui fut chargé de raconter à Homère l’Odssée d’Ulysse afin qu’il en fît aux générations suivantes le récit que l’on connaît. Certes, l’intervention de nos administrateurs préférés et du quatuor d’employés zélés de l’Université de Rennes 3 avait réduit le périple de l’homme adultère à une quarantaine de jours au lieu des dix ans de la légende. Le chien Argos avait à peine levé l’œil de sa sieste en voyant son maître pousser le portillon de son jardinet (a shrubbery in Monthy Piton english !) et passer la porte de sa maison qui portait l’inscription « Sam Sufy ». Pénélope avait continué de travailler à sa tapisserie et s’était contentée de soupirer :

- C’est à cette heure-ci que tu rentres ? T’étonnes pas si la soupe est froide ! Comment c’était au fait cette guerre de Troie ?

- On a gagné 3 à 1 et on a failli marquer un quatrième but mais l’arbitre a sifflé la fin du match juste à ce moment-là. Je ne sais pas pourquoi mais tout ça m’a paru horriblement court ! » avait répondu Ulysse sur le même ton faussement détaché.

C’était bien la peine qu’Isaure, les frères Park et tout le monde se soient décarcassés à lui courir après pour le ramener et éviter à Pénélope de se languir pendant dix ans ! Ce couple de héros d’opérette ne valait, semblait-il, pas beaucoup mieux que l’hellène Hélène et le Ménélas « bénêt las » de l’oeuvre bouffonne d’Offenbach ! Après avoir mangé leur moussaka, ils avaient regardé d’un œil las Télémaque puis étaient allés se coucher tranquillement, l’une rêvant de son rapport annuel au Congrès des petites tapisseuses au point de croix d’Ithaque, l’autre à la queue en tire-bouchon de Circé et au commandant Calypso-Facto en déshabillé bleu avec lequel, finalement, il eût pu, peut-être, habiter tout un monde de silence.

Papistache se garda bien de conter à l’aède aveugle la geste des Vikings paillards, les marchandages de Janeczka et les souvenirs de mariage et d’amarrage de Val.

- Lorsque Ulysse et ses matelots, attachés au mât du navire, furent à proximité du rocher des sirènes, Nausijaneczkaa saisit sa harpe d’or, pinça les cordes magiques et fit s’elever dans le ciel de Capri la mélodie du « Lion qu’est mort ce soir ». On n’entendit plus alors que des bribes du chant de la sirène. C’était, sur l’air fameux de Jean-Sébastien Bach « Jésus, que ma Joye demeure » des paroles qui disaient, entrecoupées par celles de Janeczka :

- J’aime pas attendre au super, chez la toubib…

- Dans la jungle terrible jungle…

- J’aime pas attendre. Attendre c’est se faire hanter, c’est mal, c’est moche et ça pue !

- Le lion est mort ce soir ! O wim o weh O wim o weh O wim o weh !

Quand Papistache eut terminé sa narration, Homère le remercia et, en tâtonnant, posa la main sur l’épaule du poète jardinier.

- Papistache, mon ami, votre récit est très intéressant. Les aventures d’Ulysse formeront, j’en suis convaincu, un poème charmant et un livre d’aventures maritimes qui feront rêver les enfants. Mais je voudrais bien que vous éclairiez mes ténèbres, ne serait-ce qu’un instant. J’ai une question à vous poser.

- Dites, ô grand Homère ! L’homme-qui-ne-peut-rien-vous-refuser-tant-il-vous-admire se fera un réel plaisir de satisfaire votre curiosité.

- Voici, Papistache. Vous qui l’avez côtoyé, qui l’avez vu de près, qui avez parlé avec lui, peut-être… C’est une question qui me turlupine depuis longtemps : est-ce qu’on dit Raniar le Viking ou Rag-Nar le Viking ?

- Rag… ? Ran… ? Mais, grand Homère-qui-toujours-chérira-l’homme-libre, jamais je n’ai rencontré ce Rag… ce Ran…ce Viking !

- Papistache, voyons ! Un homme de votre âge et d’une si immense sagesse ! Croyez-vous que l’on peut abuser ainsi un écrivain, fût-il ainsi que moi non-voyant ? La caque sent toujours le hareng sur les bateaux des hommes du Nord et vous transportez cette odeur attachée à votre pull marin rayé ! Voyez-vous, il y a autre chose ! Je doute pour ma part qu’Hermès ait attendu sept ans pour venir dire à Ulysse qu’il était temps de quitter Calypso et tenter de regagner Ithaque. Par contre, un messager avec des ailes sur son casque et qui se joue du temps, je n’en connais qu’un seul : Ragnar le Viking ! Qu’en pensez-vous ?

- Il y a peut-être aussi Astérix ? se hasarda Papistache.

- Tut tut tut polop polop ! On ne me la fait pas, à moi ! Je connais mon monde ! Je vois toujours très clair dans le jeu d’Isaure Chassériau ! Ca lui ressemble tellement bien ces histoires de héros fidèles et chastes malgré eux ! Alors, Papistache, nous sommes entre amis : Raniar ou Rag-Nar ?

- En fait, Homère-qui-ne-prend-pas-l’amer-mais-Homère-qui-prend-l’homme, tout le monde l’appelait Roger à bord !

- Roger ?

- Oui, Roger !

- Roger ? Roger ! Comme c’est bizarre !

- Ben oui, Roger, quoi !.

- Mais dites-moi encore… Vous allez dire que j’exagère ! Ils disaient « Ro-ger » ou « Rod-jeure » ?

- En fait, vénérable poète, je me demande si je n’ai pas confondu. Il s’agissait peut-être après tout d’un autre Viking !

- Ah bon ? fit Homère. Et qui donc d’après vous ?

- Hagar Dunør !

CHANT MMVIII : LE RETOUR A ITHAQUE

Mamoune qui attendait son mari Papistache en faisant des gâteaux en pain d’épices décorés de lettres grecques s’étonnait qu’il fût en retard pour la cérémonie du thé. Elle commençait à s’inquiéter quand le trio de nos administrateurs préférés fit irruption, la goule enfarinée, dans sa cuisine tranquille. Elle n’en apostropha pas moins, dans un picard pas encore proche du surgelé, l’homme-qui-lui-servait-de-mari :

- Mais quo qu’ch’est donc qui t’arrife, min Papistache ? T’étos parti quèr’ eune guéyolle à ch’déballache et ch’est tros heures après seul’mint qu’té rint’s à t’mason ! (1)

- Regarde, ô épouse-qui-parle-avant-de-voir-les-merveilles, ce que je te ramène ! C’est un authentique blog acoustique des années 50, de 1951 précisément, année que nous choisîmes pour convoler en justes noces ainsi que le firent Val et Manu plus récemment. Te plaît-il avec son beau rideau rouge ?

- Ah bin nous v’la chi prop’s avec cha ! commenta Mamoune dont les bras tombèrent. (2)

Papistache, en plus de la cage à rats que portait Janeczka, s’était fait refourguer, pour pas cher, heureusement, le confessional qui voisinait avec la chaise percée et l’aspirateur il y a longtemps, très longtemps, au début de cette histoire et au début de tous les temps.

N.B. Voici la traduction des deux tirades de Mamoune pour ceux qui n’ont pas tout suivi à « Bienvenue chez les Ch’tis » :

(1) - Mais que t’arrive-t-il, ô, mon Papistache ? Tu étais parti t’enquérir d’une cage à rats au vide-grenier et tu ne rentres à ton domicile qu’après trois longues heures d’absence ?

(2) – Eh bien ! Nous voici propres avec cela !

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Commentaires
J
Si vous n'êtes pas totalement épuisé(e)s sachez que ce marathon littéraire a (encore !) une suite : le chant MMIX, Scène de petit-déjeuner figure ici :<br /> http://www.impromptus.fr/dotclear/index.php?2008/09/09/4361-joe-krapov-dans-la-cour-flottait-une-odeur-de-pain-grille<br /> <br /> Après, promis juré, on passe à autre chose !
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R
ben moi j'lai rencontré, enfin je pense mes ailleux car, dans l'61, l'avions un cinéma du temps jadis qui s'app'lait "les 3 vickings"<br /> à bien y r'penser.... <br /> "val djanezka papistache sont dans un bateau"...<br /> ça pourrait faire une belle histoire de film ?<br /> non!
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M
Je reviendrai plus tard pour les commentaires, j'ai directement imprimé ton texte pour m'y retrouver !
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C
Je me suis faite surprendre par cette histoire de grec pas du goût d'Ulysse, c'est bon de rire ! <br /> <br /> Cette Odyssée est aussi intersidérante que le texte auquel elle fait suite. Chapeaux bas. C'est drôle, ça se lit tout seul et c'est bourré de clins d'œil. À samedi prochain pour la suite ?
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T
Mais quelle imagination.... j'en reste sans voix...
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P
Ça y est, à la vue de Calypsosuccion, j'ai ri si fort que j'ai oublié de respirer et puis, je me suis évanouie et je me suis cogné la tête sur le clavier où j'ai failli me noyer dans tout le liquide craché en lisant les franches rigolades du maître Krapov, le farceur sans pitié.<br /> <br /> Ohlalalalala, minute que je reprends mon souffle !
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B
Excellent !
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J
Un texte remplie de tresors!!! <br /> On ne s'en lasse pas.<br /> Roger le Viking... ca fait beaucoup moins viril tout d'un coup!! :P
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P
C'est plus que croustillant, c'est carrément croustilleux.
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V
J'ai bien ri aussi ;).
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W
J'ai reconnu le style, c'est Homère Simpson !
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M
Ahhhhhhh !!!!! On en reste complètement "Hagar" (de l'Est jusqu'à l'Ouest et vissé vers ça !)<br /> Rires à toutes les étapes !<br /> Fou-rire en entendant le parler "ch'ti" de Mamoune !<br /> Tout y est ! <br /> A lire et à relire sans modération !!!
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