L’inspiration (Kloelle)
Il y a ceux qui cherchent la file la plus courte, les chariots dégarnis ou la caissière la plus leste. Pas moi. A l’heure où tout un chacun s’installe dans une attente éprouvante, c’est pour ma part avec l’envie et la curiosité la plus saillante que je laisse mon regard dériver de caisses en caisses. J’effleure les visages, je surligne les silhouettes, je plonge prudemment dans le contenu des caddies. Et savez vous ? Invariablement, je le trouve.
Il gesticule ou il parle fort, elle est belle à couper le souffle, il est venu avec ses deux enfants en bas âge et a la gaucherie émouvante des pères dépassés, elle est exubérante et ses vêtements feraient pâlir de jalousie l’auguste le plus flamboyant.
Une personnalité. Quelqu’un qui par son attitude ou l’émotion qu’il dégage émerge de cette foule monotone, monocorde, monochrome.
Alors, je pousse mon chariot vers sa file, et, discrètement, un crayon et un carnet à la main, je laisse les palpitations de cette vie pour un instant offerte, donner de la lumière à mes doigts d’artiste infécond.