Diras-tu oui? - Caro_Carito
Pour éclairer tes yeux d’eaux dormantes, j’aimerai t’offrir la démesure et l’outrance, le pays brûlant de mon d’enfance.
Nous déposerons les armes dans le berceau des volcans, au sein des maisons aux briques ocre, rouges et blanches. Là, je te conterai la légende, notre légende d’exilés. Des mots transmis, ravaudés qui ont fait nôtre ce bout de terre aride.
Nous nous égarerons, main dans la main, dans cette forêt, où chaque pas s’efface, avalé par une végétation vorace et tapageuse. Nous guetterons l’aube violine. Et te sachant immobile à mes côtés, je saurais que ton regard impassible, semblable à deux éclats de jade, se fond alors dans le luxe des hautes frondaisons.
Oublieux du temps, nous poserons nos mains sur les murs des temples tutélaires, perdus dans les hauteurs. Tu sentiras la présence féline des dieux passés. Alors tu pourras mesurer la distance qui sépare le grand condor de tout autre. Tu oublieras le héron gracieux et la célérité de l’épervier car tu l’apercevras, tel un seigneur, planant entre le Huascaran et les cordillères blanche et noire. Regarde comme il est fier ; son vol majestueux effleure les cimes enneigées.
Nous errerons ensemble le long des brumes grises qui assiègent Lima, nos regards perdus dans les méandres des balustrades et des palmiers poussiéreux. Nous traverserons les déserts, de sable et de pierres qui se dévident à l’infini. Et sur une digue de béton, face aux bouillonnements des vagues, nous serons seuls au monde.
Nous sentirons le goût du sel sur nos lèvres. Tu apercevras peut-être les fantômes des conquistadores et le ventre pansu des caravelles à l’assaut de l’Eldorado. Oseras-tu goûter à ce feu qui nous incendie, corps et âmes, et qui nous tient éveillés la nuit durant, dansant, la peau luisante et fiévreuse? Avec ton cœur où bat sans cesse ce pays enclavé dans le vieux continent, altier, accepteras tu cette terre de pionniers ? Ici, souffle l’esprit du Nouveau Monde, une terre à partager, un rêve à découvrir.
Je t’offre mon pays, au sang bouillonnant, au rire facile et léger comme le vin de Tacama. Vois son cœur ouvert et généreux, avec cette folie douce et entêtante.
Lorsque nos âmes ivoire et brunes s’emmêlent, qui sait… Puisque, en levant les yeux vers le ciel, bercés par le chant des peupliers, nous partageons la même éternité.